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Essais

Eloge du risque, Anne Dufourmantelle (par Sophie Galabru)

Ecrit par Sophie Galabru , le Jeudi, 06 Juin 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Rivages poche

Eloge du risque, 320 pages, 9 € . Ecrivain(s): Anne Dufourmantelle Edition: Rivages poche

 

Au risque de la responsabilité

Eloge du risque est un appel au lecteur à s’engager envers l’Autre – l’inconnu, l’étranger, l’irréfléchi, l’évènement, autrui. Anne Dufourmantelle mesure parfaitement cet appel à l’incommensurable lorsqu’elle commence par écrire : « La vie est un risque inconsidéré pris par nous, les vivants » (p.1). La grande inversion de l’ouvrage est d’affirmer que ce n’est pas l’individu qui risque sa vie, lorsqu’il s’élance vers l’inconnu, mais bien plutôt la vie qui se risque à nouveau en l’individu – n’était-ce pas le cas dans l’évènement de la naissance ? – et lui offre un renouvellement inégalé de ses forces. Et si la vie s’est risquée en nous, alors être vraiment vivant ne consiste pas à perpétuer la vie au sens d’une conservation, mais à la perpétuer en renouvelant ce risque d’être. En lisant Anne Dufourmantelle, nous nous posons une question fragile et essentielle : pourquoi faudrait-il conserver sa vie et au nom de quoi ?

Lettre à un enfant à naître, Haïm Cohen (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 31 Mai 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Flammarion

Lettre à un enfant à naître, mars 2019, 160 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): Haïm Cohen Edition: Flammarion

 

Ce qui rendrait l’homme si spécifique serait l’érotisation de l’acte sexuel. Et sa néoténie (bien que d’autres espèces partagent cette caractéristique). « Il est possible de déconnecter totalement la procréation de la sexualité ».

L’homme ?

Au commencement, il est une cellule née d’un désir, d’un amour, d’une pulsion, d’une rencontre, quelle qu’elle soit. Puis deux, puis quatre, puis huit puis seize. Des milliers de cellules. Ce sont 39 gènes dits « architectes », les mêmes pour toutes les espèces, qui ordonneront à des gènes dits « ouvriers » de construire, de modeler les tissus et les organes, de placer telle partie du corps en précisant la direction. 21000 gènes. Une cascade de réactions ciblées qui mèneront à toi, au terme de 287 jours. De la première cellule apparue sur terre à nous tous. Universalité et origine communes sont au cœur de la vie.

L’Art de la traduction, Hugo Friedrich (par Nathalie de Courson)

Ecrit par Nathalie de Courson , le Mardi, 28 Mai 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

L’Art de la traduction, Editions Unes, trad. allemand et postface Aurélien Galateau, 45 p. 11 € . Ecrivain(s): Hugo Friedrich

Les Editions Unes ont ouvert à l’automne 2017 leur collection « Unes Idées » avec le texte d’une conférence prononcée en 1965 à l’Académie des sciences de Heidelberg par le grand romaniste allemand Hugo Friedrich : L’Art de la traduction.

L’orateur commence par donner un cadre strictement littéraire à ce qu’il entend par « art de la traduction » et annonce que son étude sera centrée sur un exemple concret : la traduction d’un sonnet de Louise Labé par le poète Rainer Maria Rilke, qu’il introduit par une brève histoire de la traduction.

La traduction est-elle un contact de culture à culture, ou bien « est-elle seulement la réaction d’un poète isolé à un autre ? », demande Friedrich. Le « seulement » nous donne un premier indice de la tournure polémique que prendra la conférence. Friedrich rappelle dans son résumé historique que les Romains pratiquaient une traduction « captatrice », conquérante, assimilatrice, perspective qui a prévalu jusqu’à la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Depuis Schleiermacher et Humboldt, l’art de la traduction est devenu un « mouvement vers l’original, un basculement dans l’étranger et pour l’étranger ». Il faut que la langue d’arrivée soit stylistiquement adaptée à la langue de départ, sans appauvrissement mais sans exagération non plus.

La Société ouverte et ses ennemis, Karl Popper (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 27 Mai 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Points

La Société ouverte et ses ennemis, juin 2018, trad. anglais Jacqueline Bernard, Philippe Monod, deux volumes, 342 et 336 pages, 9,50 € chaque volume . Ecrivain(s): Karl Popper Edition: Points

 

Karl Popper eut le privilège à la fois douteux et involontaire de fêter ses seize ans lorsque s’acheva la Première Guerre mondiale et d’être né dans une ville qui, à bien des égards, fut à la fois la matrice de la modernité européenne et le centre géométrique de ses névroses : Vienne. Dans le bouillonnement intellectuel qui caractérisait la capitale de la jeune Autriche, Popper publia ses premiers travaux scientifiques, portant sur l’épistémologie. Il jugea ensuite préférable de s’éloigner du continent européen, se rendant en Grande-Bretagne, puis aussi loin de Vienne qu’il soit possible d’aller sans changer de planète : en Nouvelle-Zélande. Ce fut depuis ce pays lointain, dernière escale avant le Pôle Sud, qu’il assista à l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie et à tout ce qui suivit, même si les informations ne lui parvenaient que lentement. Ce fut également en Nouvelle-Zélande que Popper rédigea La Société ouverte et ses ennemis, qu’il déclara avoir récrit une trentaine de fois. À la fin de 1945, il fut recruté par l’université de Londres où il travailla jusqu’à sa retraite. Il ne retourna dans le monde germanique que pour donner des conférences et Vienne ne recueillit que ses cendres.

Le Nouveau Féminisme, Barbara Polla (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Vendredi, 24 Mai 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Odile Jacob

Le Nouveau Féminisme, mai 2019, 272 pages, 21,90 € . Ecrivain(s): Barbara Polla Edition: Odile Jacob

 

Libre, indépendante, boulimique, Barbara Polla ose transgresser les lignes de partage. C’est sa manière d’aborder le politique et le féminisme pour en dégager certaines limites et normes. Elle aboutit à une distillation d’écriture qui dépasse les frontières classiques de la rationalité discursive qui engendre des schémas trompeurs car réducteurs.

L’auteure aborde donc les féminismes en dépassant effrontément les barrages qu’ils dressent. Dans son travail de synthèse, Barbara Polla trouve de nouvelles voix vers la paix des genres à travers les ambitions affichées des nouveaux mouvements (pro-choix, pro-désir, intersectionnel, LGBTQI, écoféminisme, antispéciste, etc.). Chaque fois elle montre les ambitions et les risques de tels mouvements pour ouvrir leurs possibilités plutôt que de les fermer à des fins de non-recevoir.