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Essais

Le Pouvoir corrompt, Lord Acton (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 28 Novembre 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Histoire

Le Pouvoir corrompt, Les Belles Lettres, avril 2018, trad. anglais Michel Lemosse, préface Jean-Philippe Vincent, 136 pages, 17 € . Ecrivain(s): Lord Acton

 

Né à Naples (1834) et mort en Bavière (1902), John Emerich Edward Dalberg-Acton, Baron Acton, fut un historien britannique de haute lignée. La Bibliothèque de Cambridge conserve les 59.000 volumes de sa collection privée et les recueils de copies qu’il avait fait établir, seule manière d’étudier le passé sur pièces, avant qu’apparaisse la reproduction photographique des documents anciens. Mais Lord Acton ne fut pas seulement un homme plongé dans le monde ancien. Il bénéficie d’une certaine célébrité grâce à une phrase extraite d’une lettre envoyée en 1887 : « Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument ». La formule est à bon droit fameuse ; il y aurait beaucoup à dire sur le pessimisme profond qui en émane, la faisant ressembler à une malédiction, et sur la vérité qu’elle renferme. Pourquoi le pouvoir exerce-t-il un tel attrait sur les êtres humains, au point de les métamorphoser dès qu’ils en sont nantis (le phénomène des « petits chefs »), et pourquoi favorise-t-il à ce point l’émergence de personnalités qu’on ne peut qualifier autrement que de monstrueuses (le XXesiècle fut prodigue dans ce domaine, mais d’autres périodes peuvent également être citées) ? Pourquoi la politique, au contraire du grand art ou de la sainteté, donne-t-elle l’impression de faire surgir ce qu’il y a de pire dans l’humanité ?

Œuvres, Georges Perros (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 26 Novembre 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Gallimard

Œuvres, Quarto, novembre 2017, 1600 pages, 32 € . Ecrivain(s): Georges Perros Edition: Gallimard

 

Georges Poulot, un jour de 1953, devint Georges Perros. Ainsi la NRF voulait-elle éviter une confusion avec les articles signés Georges Poulet, critique belge. Le comédien, ami de Gérard Philipe, et du même cours (Denis d’Inès, professeur) que Dany Robin, quittait le monde du théâtre pour entrer de plain pied en littérature, tout d’abord comme critique littéraire de la fameuse maison sise rue Bottin, ensuite, mais à son cœur défendant, en tant qu’écrivain, auteur de notes, d’aphorismes, poète. Il acceptera d’être publié en 1960 : Papiers collés. On lui proposait cela depuis 1956 : recueillir ses notes de travail, ses aphorismes. La Bretagne lui colle à la peau, la poésie aussi. Retiré en Bretagne, il y apprendra les leçons essentielles du silence et de la mer. Œuvres rassemble l’ensemble des textes critiques et poétiques de Perros, les uns édités de son vivant, les autres, posthumes, ou encore recueillis dans ses journaux, ses carnets, ses correspondances.

Thierry Gillybœuf, au-delà de sa préface, de sa biobibliographie illustrée de Georges, introduit chacune des œuvres du poète et professeur (à Brest).

La Stásis dans la politique d’Aristote La cité sous tension, Esther Rogan (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 20 Novembre 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Classiques Garnier

La Stásis dans la politique d’Aristote La cité sous tension, janvier 2018, 430 pages, 52 € . Ecrivain(s): Esther Rogan Edition: Classiques Garnier

 

On connaît la formule d’Aristote suivant laquelle l’être humain est unzoôn politikon, un animal destiné à la vie en société. Comme l’ont montré les multiples exemples d’enfants sauvages ou d’enfants-loups (qu’il se soit agi d’expériences ou de hasards), aucun individu ne peut se développer normalement loin de ses semblables.

Une fois ce principe posé, Aristote ne s’est pas contenté d’imaginer, comme tant de penseurs, une société idéale, harmonieuse, où chacun vivrait en bonne entente avec ses semblables. Il a introduit au cœur de sa vision une notion redoutable, la stásis, vocable polysémique, que les dictionnaires de Bailly et de Magnien-Lacroix traduisent par soulèvement, révolte, division politique entre deux personnes, opposition, désaccord, querelle… Le mot n’est pas spécifique au lexique aristotélicien, qui se retrouve dans le Nouveau Testament.

Je remballe ma bibliothèque, Alberto Manguel (par Carole Darricarrère)

Ecrit par Carole Darricarrère , le Mardi, 13 Novembre 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Actes Sud

Je remballe ma bibliothèque, octobre 2018, 160 pages, 18 € . Ecrivain(s): Alberto Manguel Edition: Actes Sud

 

« Dans le courant de l’année 1931, Walter Benjamin écrivit un bref essai, aujourd’hui célèbre, sur la relation des lecteurs à leurs livres. Il l’intitula Je déballe ma bibliothèque, une pratique de la collection (…) ».

Remballant à sa suite ses livres par la pensée (« Remballer, au contraire, c’est s’exercer à l’oubli »), comme l’on rebattrait les cartes sur cette « majorité silencieuse »*, « ces présences parmi lesquelles nous demeurons », tant « la réalité des livres contamine tous les aspects de notre vie », voici l’ouvrage élégant d’un collectionneur casanier, érudit rompu au voyage qui du haut de ses 70 ans confesse ses pensées et nous ouvre les portes de son intimité, c’est-à-dire de sa bibliothèque, façon de partager, virtuellement, les ouvrages précieux qu’il aura souvent soustraits à la passation des mains, trésors de l’ombre fugitivement exposés ici dans une galerie de papier, offerts aux regards par vitrines d’écriture interposées, à la faveur d’un déménagement, soit d’une petite mort (« La perte fait naître l’espoir comme le souvenir »).

Proust Vermeer Rembrandt, Jean Pavans (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 12 Novembre 2018. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arléa

Proust Vermeer Rembrandt, octobre 2018, 84 pages, 7 € . Ecrivain(s): Jean Pavans Edition: Arléa

 

Le spécialiste de Henry James consacre ici un petit livre à Proust et à sa manière de lier peinture et littérature.

Il paraît dans une collection précieuse et élégante, et la couverture occupée aux 2/3 par la reproduction de Vue de Delft, célébrissime tableau du grand Hollandais Vermeer, est une splendeur. De plus, chaque lettre qui compose les prénom et nom de l’auteur se voit gratifiée d’une couleur différente.

En tant que tel, le petit livre est composé de trois parties : un essai de Jean Pavans, La mort en sa peinture, la note de Proust axée sur Ruskin et Rembrandt et le fragment de La Prisonnière (ouvrage posthume, publié en 1923) relatant La mort de Bergotte.

L’essai de trente-trois pages mesure combien art – peinture, musique – et littérature ont une place de choix dans La Recherche. Bien avant Focillon, Proust s’est penché, avec Ruskin, qu’il a traduit et présenté, sur les liens complexes entre l’œuvre d’art et la propre lecture de soi.