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Articles taggés avec: Mona

Le Diable dans le Beffroi (Nouvelles histoires extraordinaires, 1839), Edgar Poe (par Mona)

Ecrit par Mona , le Vendredi, 12 Mai 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, USA

 

Edgar Poe, précurseur du nonsense

Le Diable dans le beffroi, une nouvelle de huit pages, traduite par Baudelaire, a inspiré des artistes aussi divers que Debussy et Adriano Lualdi qui en ont fait un opéra et James Ensor, un tableau. L’intrigue insensée conte l’histoire d’un petit bourg hollandais où les villageois semblent ne s’occuper que d’horloges et de choux jusqu’à l’arrivée brutale d’un trouble-fête diabolique qui perturbe l’heure de la choucroute. L’intrus dont le portrait emprunte quelques traits à la caricature antisémite du Juif (« Il avait la face d’un noir de tabac, un long nez crochu, des yeux comme des pois, une grande bouche et une magnifique rangée de dents qu’il semblait jaloux de montrer en ricanant d’une oreille à l’autre »), pénètre dans le beffroi du village, affole les pendules en frappant de son violon « cinq fois plus grand que lui » le gardien de l’horloge et sème la zizanie pour son bon plaisir.

La Vie secrète de Walter Mitty, James Thurber (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mercredi, 08 Mars 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Nouvelles, Robert Laffont

La Vie secrète de Walter Mitty, James Thurber, Robert Laffont, 2019, trad. anglais, Christiane Potesta, Claude Dalla Torre, 272 pages, 9 € Edition: Robert Laffont

 

Le sourire de James Thurber

Lire ou relire les nouvelles et les fables de James Thurber, l’un des plus grands humoristes américains du vingtième siècle assez méconnu en France, c’est savourer une liberté de pensée cinglante qui tourne en dérision les valeurs de l’Amérique puritaine et de la pensée positive. James Thurber invente des antihéros décalés dans un monde cruel et c’est toujours avec un brin de tendresse qu’il narre leurs aventures pathétiques. Natif d’une petite ville de l’Ohio, l’écrivain dépressif et alcoolique s’est inspiré de son expérience dans l’Amérique profonde pour mettre en scène des mégères castratrices et de doux rêveurs timides à l’instar du fameux Walter Mitty dont le sourire final, « invaincu, énigmatique jusqu’à la mort » reste inoubliable. Farouche individualiste, inquiet face à la modernité, l’humoriste méfiant à l’égard de toute emprise collective fait l’éloge de la fantaisie seule capable de libérer l’homme de toute forme de système y compris littéraire. Doué d’un sens aigu de la parodie, l’écrivain se moque des clichés avec une ironie caustique.

La Puissance des ombres, Sylvie Germain (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mercredi, 28 Septembre 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Albin Michel

La Puissance des ombres, Sylvie Germain, Albin Michel, mai 2022, 214 pages, 19,90 €


Sylvie Germain, romancière de l’intime, irrésignée à la souffrance du monde, poursuit une œuvre singulière toute en finesse, aux récits d’une étrangeté poétique avec des personnages déjantés. La Puissance des ombres, son dernier livre, pourrait servir de titre à un roman fantasy voire à un jeu vidéo, mais l’imaginaire foisonnant de l’auteure, nourrie de mythes et de fables, est d’une autre épaisseur. La belle photo de couverture témoigne de son esthétique du clair-obscur. Va-t-on lire un polar ? La quatrième de couverture qui le suggère : « L’un des invités tombe du balcon et se tue. Qui sera le suivant ? » met le lecteur sur une fausse piste. L’énigme policière du premier chapitre (« S’agit-il d’un accident, d’un suicide, d’une attaque déguisée, d’un règlement de compte ? Mystère ») se clôt très vite. L’enjeu de ce roman noir se trouve ailleurs : en exergue, les deux penseurs chrétiens, Pascal et Bernanos, laissent pressentir sa teneur métaphysique.

A propos de Anéantir, Michel Houellebecq (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mercredi, 01 Juin 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Flammarion

Anéantir, Michel Houellebecq , Flammarion, janvier 2022, 736 pages, 26 €

 

Il n’y a que la fiction qui sauve :

On ne lit pas Houellebecq comme on lirait un manuel de pensée positive ou un traité de sociologie. Le titre de son dernier roman, anéantir, présuppose une force violemment négative qui réduit l’homme et la civilisation à néant. Son précédent roman, Sérotonine, s’annonçait déjà « en chemin vers l’anéantissement ». Celui-ci raconte une histoire d’agonie, un face à face avec la mort, ce « néant radical et définitif » et creuse le trou des ténèbres avec une vitalité désespérée. La menace de désintégration, c’est toujours aussi chez Houellebecq les effets désastreux de la post-modernité : une vacuité absolue qui déstructure l’homme et ruine les valeurs humaines « dans un gigantesque collapsus ». Mais Houellebecq n’est ni un sociologue, ni un homme politique, ni même un philosophe : c’est un écrivain qui s’affirme d’essence baudelairienne, obsédé par la mort, la débauche et la nuit, accablé par la solitude et l’ennui, un écrivain à l’humeur ironique mais jamais démonstrative. A quoi bon s’indigner de son inadéquation morale si, comme l’affirmait Baudelaire accusé lui aussi d’offense à la morale publique, l’artiste ne poursuit pas un but moral et « n’a pas la vérité pour objet » ?

Les meilleures nouvelles de Sherwood Anderson, Sept nouvelles inédites (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mercredi, 19 Janvier 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Nouvelles, USA

Les meilleures nouvelles de Sherwood Anderson, Huit nouvelles inédites, Editions Rue Saint Ambroise, édition établie par Bernardo Toro, novembre 2021, 342 pages, 16,50 €

Sherwood Anderson, l’énigmatique

Les Éditions Rue Saint Ambroise publient de nouvelles traductions de vingt-quatre des meilleures nouvelles, dont huit inédites, de Sherwood Anderson. Mentor de Faulkner et Hemingway, encensé par Henry Miller, Amos Oz et Philip Roth pour son art de nouvelliste incisif, souvent considéré à tort comme un écrivain régionaliste avec son recueil, Winesburg-en-Ohio (1926), qui décrit sur un mode intimiste les frustrations et solitudes des petites gens du Midwest américain, Sherwood Anderson demeure assez méconnu en France. Pourtant, au-delà de mettre en scène de pauvres bougres taiseux, l’écrivain évoque sa confrontation au « silence déraisonnable du monde », donne une épaisseur métaphysique à des histoires simples et, par son art de l’allusif et de l’élusif, pose la question de l’écriture. Ses narrateurs mêlent leurs pensées au récit et les personnages vivent une expérience saisissante de révélation : un instant de vérité du moi, prise de conscience bouleversante qui apparaît comme acceptation vitaliste de la totalité du monde.