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Articles taggés avec: Mona

Un ennemi du peuple, Henrik Ibsen (par Mona)

Ecrit par Mona , le Jeudi, 22 Août 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

 

Ibsen, un ennemi du peuple politiquement incorrect

Dans une petite ville qui tire tous ses revenus d’une station thermale, le frère du préfet, un médecin humaniste et bien intentionné, découvre que les eaux sont empoisonnées et se lance dans un violent combat pour la vérité. Les notables menacés se liguent pour le faire taire et manipuler l’opinion publique, mais lors d’un grand rassemblement de citoyens le docteur tente de rallier le peuple à sa cause. Sa harangue à la foule représente un tournant dans la pièce : le docteur devait faire une démonstration concrète sur le problème des canalisations infectées mais son esprit se brouille. Il se lance alors dans de « grandes révélations » (« je veux vous communiquer une découverte d’une tout autre portée que les broutilles comme l’empoisonnement de nos canalisations ») et professe des considérations enflammées sur la bêtise crasse des masses.

Palestine, Hubert Haddad (par Mona)

Ecrit par Mona , le Jeudi, 20 Juin 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Roman

Palestine, Hubert Haddad, (prix Renaudot Poche 2009) . Ecrivain(s): Hubert Haddad Edition: Folio (Gallimard)

 

Au cours d’une embuscade en Cisjordanie, Cham, un soldat israélien gravement blessé, se fait recueillir par une famille de palestiniens pacifistes (« c’est seulement avec la paix que nous pourrons vaincre »). A son réveil, frappé d’amnésie, il prend l’identité du frère disparu de la palestinienne qui le soigne et devient un des leurs. D’abord caché dans la fosse d’un cimetière, jeté hors du temps sans repères, étranger au monde et à lui-même, il devient Nassim, terré chez des activistes palestiniens. Une faction plus violente l’envoie en mission suicide à Hébron muni d’un passeport israélien, le sien même qu’on lui avait un jour dérobé près du Tombeau des Patriarches…

Palestine c’est l’histoire d’une frontière floue, d’un dédoublement schizophrénique judéo-arabe, d’un état somnambulique entre l’être et le néant (« Tout s’estompe. Un brouillard monte. Personne n’existe. Il dort, il est peut-être mort… Peut-être n’est-il pas mort ? »). Lorsque les bulldozers rasent une maison palestinienne, le protagoniste pose la question dramatique du roman : « Comment habiter toute une nuit la maison démolie ? ». Frontière floue entre le psychique et le politique.

A propos de Sérotonine, Michel Houellebecq (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mercredi, 17 Avril 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Sérotonine, Michel Houellebecq, Flammarion, janvier 2019, 347 pages, 22 €

 

Il n’y a que la forme qui sauve : pourquoi Michel Houellebecq est un grand écrivain

« C’était un lecteur exhaustif », annonce le narrateur de Sérotonine à la vue d’un patron de bistrot plongé dans France Football. Michel Houellebecq n’écrit pas un article de Paris Normandie mais une œuvre littéraire et l’on se doit d’être ce « lecteur inhabituellement attentif ».

Le roman tire son nom de l’hormone du bonheur indispensable à la survie de notre espèce, la sérotonine. On sait que nos humeurs se réduisent à présent à des neurotransmetteurs. Merci les neurosciences.

Ainsi le narrateur du roman qui porte ironiquement le nom scientifique du bonheur est un personnage suicidaire dégoûté par « l’insupportable vacuité des jours ». Le premier et le dernier chapitre du livre s’ouvrent par le « petit comprimé blanc, ovale, sécable », le Captorix, pilule du bonheur prescrite au narrateur, « vieux mâle vaincu » qui n’arrive plus même à se masturber.

La Folie Elisa, Gwenaëlle Aubry (par Mona)

Ecrit par Mona , le Jeudi, 21 Février 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Mercure de France, Roman

La Folie Elisa, août 2018, 141 pages, 15 € . Ecrivain(s): Gwenaëlle Aubry Edition: Mercure de France

 

La folie est au cœur du dernier roman de Gwenaëlle Aubry, comme son titre l’indique, La Folie Elisa, Elisa, anagramme d’asile. Le récit est construit sur la dialectique « dedans », titre des trois premières pages en ouverture et « dehors », titre des trois pages finales avec en exergue l’appel poétique de Rainer Maria Rilke à quitter la maison.

On entre dans la maison de L et dans son crâne comme dans un moulin, et quatre « runaway girls », « filles de la fuite et de la perte » y trouvent asile au double sens du terme : abri et maison de folles (« Mes petites folles, je vous héberge et vous protège »). Chacune porte en elle un naufrage personnel et cherche son salut : Emy, la chanteuse, devenue cinglée après le Bataclan ne peut plus remonter sur scène ; Sarah, la danseuse, victime d’une kamikaze palestinienne, échoue à se reconstruire à Berlin et chute à nouveau ; Ariane, la comédienne, ne peut plus jouer la comédie après le départ d’une gamine en Syrie ; et Irini, la sculptrice, porte en elle la folie de sa mère (prénommée paradoxalement Sophia, la sagesse). Elles larguent toutes les amarres à l’instar de la folie d’un monde qui court à sa perte comme le soulignent trois courts chapitres « camera obscura » insérés dans le récit et composés de gros titres et dépêches d’agences sur la crise des migrants ou la montée de l’extrême-droite en Europe.

Le Livre d’Amray, Yahia Belaskri (par Mona)

Ecrit par Mona , le Lundi, 14 Janvier 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Maghreb, Poésie, Roman, Zulma

Le Livre d’Amray, mai 2018, 144 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Yahia Belaskri Edition: Zulma

 

Le Livre d’Amray c’est la profession de foi d’un poète « depuis deux mille ans en quête d’amour », blessé par des « voleurs de rêves », qui cherche en vain sa place dans la cité. Yahia Belaskri met en forme « rien d’autre qu’une tragédie sans fin ni mesure ».

L’auteur plante le décor dans une terre des temps immémoriaux qu’il choisit de ne jamais nommer, et la majuscule au mot Livre dans le titre inscrit l’histoire du poète « amoureux du monde et de ses mystères » dans un registre sacré et intemporel qu’il faut garder en mémoire (« rappelez-vous de moi »).

Et pourtant, le drame du poète n’a rien d’abstrait : il subit la terreur dans sa chair et on reconnaît bien l’Algérie dans cette terre mutilée à travers les siècles. Le narrateur, né comme l’auteur avec la guerre d’Algérie (« Je suis né et le monde a basculé dans la terreur ») doit porter en terre le corps de sa femme massacrée par les terroristes islamistes lors de la décennie noire. Ce nœud dramatique bouleverse la structure même du récit et fait éclater le point de vue narratif : l’ami, Ansar, prend alors le relais d’Amray le narrateur.