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Articles taggés avec: Ferron-Veillard Sandrine

Betty, Tiffany McDaniel (par Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 15 Septembre 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Roman, USA, Gallmeister

Betty, Tiffany McDaniel, éditions Gallmeister, 2020, trad. américain, François Happe, 480 pages

 

J’ai volontairement laissé le livre derrière moi. Pour ne pas être tentée de le citer, par passages. Pour le plaisir de la décantation. J’ai repensé aux toiles d’Anselm Kiefer qui vivent à l’extérieur, des jours, des mois, des années sans que le peintre ne les retouche. Afin que toute chose du monde s’y dépose. Pour l’empreinte et l’altération. Ou l’innocence corrodée.

Le livre est resté aux Samoa américaines. Sur l’île de Tutuila où je suis restée trente jours. Et je n’ai pris aucune note. J’ai voulu me souvenir. Page après page. Du visage de Betty. Comme celui de chaque femme et de chaque homme, aux Samoa, qui ont placé entre mes mains un fragment de leur île. J’ai songé à Betty, à son enfance relatée, ses pages d’écriture. À tout ce que l’on enfouit, ce que l’on apprend et qu’un voyage désapprend. Ou confirme. Le début. La fin. Trop précipité ou trop autoritaire.

A propos de Wilderness, Lance Weller (par Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 22 Juin 2023. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Roman, USA, Gallmeister

Wilderness, Lance Weller, éd. Gallmeister, 2017, trad. américain François Happe, 346 pages, 10 €

 

De l’endroit où l’auteur écrit. Ou depuis lequel lire un livre. Sans doute cela modifie-t-il la lecture. L’impression. Créer une expérience de lecture. J’ai souhaité lire Wilderness sur l’île d’Hawaï, qu’ici, aux États-Unis, nous appelons Big Island. Big Island, tout simplement parce que c’est la plus grande de l’archipel. Parce que dans les îles dites Américaines, l’histoire n’est pas seulement écrite dans les livres, elle se vit quotidiennement. Elle suinte, elle déborde, elle est un marqueur. Émotionnel. Et dans la langue américaine, les mots sont pragmatiques. La pensée, factuelle. Ce sont des mots comme patrie, serment, camp, communauté, partisan. Des pensées comme autant d’images cinématographiques. Des gueules qui accrochent la cornée et leur histoire tatouée sur l’écran. Les rides, les cicatrices, les plaies comme autant de mots à traduire. Lire Wilderness, c’est assurément renouer avec ces termes-là. Leur application dans le monde dit réel.

Aloha (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mardi, 30 Mai 2023. , dans La Une CED, Ecriture, Récits

 

Amis Français d’ici ou d’ailleurs, good morning ! Je suis à peu près sûre que vous ne savez pas situer sur une carte, Kalapana, Pahoa, Big Island. Quand même ! Hawaii. Ça y est, vous y êtes ! Appelée aussi Le Nombril du Monde. Kalapana, c’est assurément le bout du monde. J’y suis allée pour écrire. Et au bout de deux jours, j’ai cherché s’il n’y avait pas un cimetière d’écrivains Français. Epitaphe : ils n’y ont pas survécu.

À l’isolement.

Davantage qu’aux coulées de lave du volcan qui, depuis trente-cinq ans, assure à Kalapana, à peu près tous les quatre à huit ans (petite prédilection à creuser pour les chiffres pairs) un spectacle pyrotechnique des plus réussis. Résultat : il faut tout reconstruire.

L’Usine à lapins (The Rabbit Factory, 2001), Larry Brown (par Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 16 Février 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA, Gallmeister

L’Usine à lapins (The Rabbit Factory, 2001), Larry Brown, éditions Gallmeister, 2019, trad. américain, Pierre Furlan, 416 pages, 10,90 € Edition: Gallmeister

 

… prépare-toi. Tu en vas en prendre plein la figure. Tu vas comprendre ce que signifie une histoire et ne t’attends pas ici à ce que nous te la racontions.

Être dévoré par elle. Renversée par une voiture. De l’intérieur, exploser. Pour ne retenir qu’un seul mot, au féminin. Idiosyncrasie, issu du grec idiosugkrasia. Prononce-le à voix haute, nullement pour citer ton érudition, mais pour saisir son émanation. Son tempérament. Cette empreinte qui marque chaque être dans sa chair et qui le conduit à adopter un comportement particulier. Tu le jugeras pour cela. Son comportement. Quant à l’être, il sera menotté. Il sera trimbalé dans un coffre de voiture. Il se pissera dessus, violé ou bastonné, il sera émasculé. Découpé en morceaux entre deux destinations. Dans une forêt opaque. État du Tennessee.

ON HAIR (par Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mardi, 10 Janvier 2023. , dans La Une CED, Ecriture

 

Amis Français d’ici ou d’ailleurs, good morning ! quel est votre premier souvenir capillaire ?

Est-ce la crise de larmes, parce que votre mère (ce sont encore les mères qui ont la main sur ce genre de choses) a coupé vos cheveux longs à six ans. Ou parce qu’elle vous a emmené chez le coiffeur en vous traînant par les pieds. Et rien n’a pu vous consoler. Jouets, livres, siège en forme de voiture, quoiqu’à notre époque ils étaient rares ceux qui avaient investi dans de tels équipements, vous avez hurlé comme si votre mère, ou l’horrible arracheur de cheveux, vous avait coupé la tête. La tête, les cheveux, pour vous c’était pareil. Vous alliez mourir, votre bras ou votre jambe amputés. Quant à ceux qui vous affirmaient que ça repoussait, vous les traitiez de menteurs. Regarde, c’est comme pour les arbres. Justement les arbres, ils saignent quand on leur prend une feuille, leur écorce entaillée pour fabriquer vos baskets en caoutchouc, vous l’aviez vu avec le figuier dans le jardin de vos grands-parents et vous connaissiez l’origine du caoutchouc. Bref.