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Articles taggés avec: Ayres Didier

À propos de Un monde de rosée, René Le Corre, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 31 Janvier 2018. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

Un monde de rosée, René Le Corre, Monde en poésie, éditions 2017, 130 pages, 12 €

 

Poésie et temps


Il y a je crois deux voies d’accès au recueil de René Le Corre, en jouant sur la polysémie du mot temps. En effet, le poète prête attention au temps historique, social, politique, du monde d’aujourd’hui, ainsi qu’au temps qui passe, temps philosophique, temps théologique, temps de la vie. J’ai été pour ma part très intéressé par la deuxième acception du terme, et particulièrement par l’aspect de cette poésie qui relate la vie d’un poète vieux – sachant que je trouve assez juste cette réflexion que me faisait un ami peintre qui me confiait que la peinture est un métier de vieux, idée que j’étends ici à la poésie. Oui, la poésie est un métier, une école intérieure, où le poète avec l’âge raréfie ses images, quintessencie son vocabulaire afin d’améliorer la force du discours.

À propos de Œuvres, 1919-1922, Vélimir Khlebnikov, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 15 Janvier 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques

Œuvres, 1919-1922, Vélimir Khlebnikov, Verdier, septembre 2017, trad. russe Yvan Mignot, 47 €

Révolution(s)

Écrire quelques mots sur le travail poétique de Vélimir Khlebnikov m’intimide un petit peu. Et cela à deux niveaux. Tout d’abord, parce que les textes des trois dernières années de la vie du poète (mort très jeune) ici rassemblés, constituent un ensemble de près de mille pages, qui varient dans la manière, allant de la prose à la poésie lyrique, du poème sonore au manifeste, de la lettre à des textes épiques. Puis, en second lieu, je suis intimidé par la force de ce poète au parcours un peu rimbaldien, qui dresse un portrait de la révolution de 1917, laquelle est autant pour lui une révolution politique qu’esthétique, à quoi Khlebnikov prend part avec émotion et violence. Donc je suis impressionné à la fois par la quantité, qui nous permet d’entendre le poète dans toute sa mesure, que par la sonorité, le phrasé des poèmes, leur musicalité, et en cela toutes les formes que prend le style de l’auteur. Il ne me reste que quelques phrases trop pauvres pour résumer et éclaircir mon propre sentiment à l’égard de cette voix poétique qui fait écho avec enthousiasme et presque un peu de folie, à la participation littéraire – sinon politique – à ce grand bouleversement révolutionnaire russe du début du siècle.

Ouvrir, Guillevic

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 09 Janvier 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Gallimard

Ouvrir, décembre 2017, 352 pages, 25 € . Ecrivain(s): Eugène Guillevic Edition: Gallimard

 

Ouvrir, le recueil de textes de Guillevic que publient les éditions Gallimard en ce décembre 2017, est à la fois un livre et un portrait. Un livre bien sûr, car il rassemble les textes, proses ou poèmes publiés de façon éparse, qui vont de la période de formation à la maturité du poète. Et portrait aussi, car les textes réunis ici donnent à voir un ensemble d’œuvres qui fonctionne à la manière d’une sorte de description cubiste et dessine une image du poète, tout à la fois du grand poète que l’on connaît, mais aussi par des arêtes diverses et parfois nouvelles, petites touches qui font la représentation d’un homme vivant derrière l’œuvre poétique. Ainsi, qu’il s’agisse de l’amitié pour Elsa Triolet ou des peintres de l’entourage de l’écrivain, on est toujours en alerte et on suit le raisonnement de l’homme, non pas comme en une page, mais in vivo, dans l’atelier même du poète.

À propos de Des dalles posées sur rien, Stéphane Sangral, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 27 Novembre 2017. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

Des dalles posées sur rien, Stéphane Sangral, Galilée, octobre 2017, 208 pages, 17 €

 

Écrire en boucle

Avant d’en venir aux propos liés au dernier livre de Stéphane Sangral, je voudrais faire une réflexion au sujet de la différence entre la poésie et la philosophie. Cette dernière, œuvre en faisant système, quand la première cherche une langue. C’est pour cela que je fais balancer Des dalles posées sur rien du côté de la langue poétique – même si au détour du livre, surtout vers la fin, on est affronté à la création de concepts, plus propres ceux-ci du domaine de la philosophie, notamment en rapport avec Hegel ou la philosophie matérialiste. D’ailleurs, pour ma part, je considère Heidegger ou Nietzsche presque plus comme des poètes que comme des philosophes, car moins attachés au régime mystérieux et minutieux d’un système, qu’à rendre le monde poétiquement – et l’on sait l’attachement d’Heidegger, par exemple, à Hölderlin.

À propos de Le Film de l’impossible, Franck Smith, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 03 Novembre 2017. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

Le Film de l’impossible, Franck Smith, Plaine Page, septembre 2017, 56 pages, 10 €

 

Le projet littéraire du dernier livre de Franck Smith revient à une sorte de paradoxe salutaire lequel consiste à parler d’images, mais d’un répertoire d’images muettes. Il s’agit d’un livre certes, qui fait appel à la nudité que rend possible le langage. La poésie ne montre pas comme le cinéma, et pourtant ce livre est un récit cinématographique, qui permet de dire le cinéma avec autre chose que le cinéma, et qui revient à écrire de la poésie avec autre chose que de la poésie. Faire des images sans matière en poursuivant un but politique. Faire une œuvre de déconstruction. Pour être peut-être plus clair, il serait intéressant sans doute de se prêter à l’expérience de la théologie négative, et ainsi, qui sait ?, à une mystique du vide. C’est une solution à notre sens qui ouvre le chemin de ce livre assez simple en fin de compte si l’on accepte d’être conduit au milieu de nulle part.