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Depuis toujours le chant, Gérard Bocholier (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres le 17.06.19 dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Depuis toujours le chant, Gérard Bocholier, Arfuyen, mai 2019, 128 pages, 13 €

Depuis toujours le chant, Gérard Bocholier (par Didier Ayres)

 

 

Poésie-chant

En espérant limiter l’emphase de ma lecture, je dirais quand même que le dernier livre de Gérard Bocholier se compare assez à une psalmodie, comparable donc avec le chant spirituel du Livre des psaumes de David, identifiable au moins à l’environnement mystique de la représentation de la divinité dans l’aire chrétienne. C’est à une sorte de « lyrisme des neiges » si je puis imager mon propos ainsi, à quoi je rapprocherais cet acte de foi du poème, poésie qui calque à la fois un espace invisible, immatériel, et les éléments physiques du monde terrestre, et de cette manière la beauté des glaces et leur physiologie hivernale.

Du reste, puisque j’ouvre le chapitre des éléments terrestres, je crois que l’on peut approcher ce livre avec en tête la philosophie de Gaston Bachelard en son travail sur la cosmologie d’Empédocle, qui réduit notre univers aux simples corps du feu, de l’eau, de la terre et de l’air. Ainsi, on peut penser le poème avec son inconscient, l’inconscient de soi-même et celui du texte. Il suffit d’entendre la musicalité du texte – peut-être là encore sans emphase, pourrait-on évoquer Debussy et sa Mer. Donc, se fier à sa propre voix dans l’écho ancien et tourmenté de notre personne, de son archaïsme, choses que tout le monde partage.

Pour ce qui concerne la forme proprement dite, je résumerais cela à une expression décomposable en unité de quatre vers répétée en deux strophes, arrangées en cinq parties. Ces poèmes sont sans aucune ponctuation, juste ornés d’une majuscule à chaque vers. Nous sommes donc au sein d’un univers verbal fluide, liquide, que rien n’arrête, et qui peut constituer une espèce de partition où viendrait échouer la mélodie spirituelle. Une lecture sans accrocs qui, peut-être en se privant de points ou de virgules, rejoint l’idée deleuzienne qui prône le ET contre le fragment. Ainsi, une coulée sans écueils, une traversée du langage sans l’usure de liens ou de coupures.

Il faut encore surligner l’importance du territoire, de la localisation du poète en son environnement physique, sans doute comme le faisait Éric Rohmer quand il filmait Ma Nuit chez Maud. Et cela révèle la magie des puys enneigés, du lieu du poème, localise le poète dans son identité, et son propre fantasme de poète.

 

Sur les braises du jour

Le vent jamais ne cesse

La flamme sur la cendre

Jamais ne s’éteindra

Que la terre s’abîme

La mer et tous les astres

Le tombeau blêmira

Du sceau du dieu vivant

Ou

Nous ne craignons rien du maître

Dont nous gardons les paroles

Son beau visage apparu

Sous les ronces nous transperce

Son regard plus qu’aucun feu

A bu toute la misère

De l’homme pris sous les trombes

Des siècles jusqu’au néant

Je considère ces poèmes comme l’expression sincère d’une nature religieuse, qui s’apparente aux conceptions pauliennes ou johanniques. Donc en regard d’un dieu comme un feu dévorant, ou d’un dieu alliant l’eau et l’esprit. Une sorte de point nodal, une espèce de ligne de fuite où conduit le poème et l’inconscient poétique du texte.

 

Didier Ayres

 


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A propos du rédacteur

Didier Ayres

 

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Rédacteur

domaines : littérature française et étrangère

genres : poésie, théâtre, arts

période : XXème, XXIème

 

Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen.  Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.