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Théâtre

Rouge suivi de Monsieur Le, Emmanuel Darley

Ecrit par Marie du Crest , le Vendredi, 27 Janvier 2017. , dans Théâtre, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud/Papiers

Rouge suivi de Monsieur Le, 111 pages, 15 € . Ecrivain(s): Emmanuel Darley Edition: Actes Sud/Papiers

 

« Ecrire Rouge »


Le théâtre est politique. Rouge, un des tout derniers textes de Darley avant sa mort en 2016, résonne comme un aboutissement du chemin qu’il emprunta, tout au long de son œuvre ; parti du roman et allant vers la scène du monde, celle qui parle des exilés politiques, économiques, des nostalgiques du bon vieux temps, des victimes de la flexibilité et enfin des femmes et des hommes qui veulent tout « faire péter ».

Ainsi écrire rouge, c’est à la fois écrire la pièce qui porte ce titre mais aussi, comme le dit Darley lui-même, écrire « sur la violence, sur le terrorisme », en se souvenant des années de plomb de la bande à Baader en Allemagne et des Brigades Rouges en Italie.

Démêler la nuit Quatre traductions de l’affaire Armin Meiwes, Grégory Pluym

Ecrit par Marie du Crest , le Lundi, 05 Décembre 2016. , dans Théâtre, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Démêler la nuit Quatre traductions de l’affaire Armin Meiwes, éd. Quartett, octobre 2016, 110 pages, 12 € . Ecrivain(s): Grégory Pluym

« Dionysiac »

Juste un petit volume que l’on peut cacher dans la poche de son manteau. Une photo mystérieuse, inquiétante peut-être, sur la première de couverture : un homme, les bras croisés sur son torse nu, de profil et le visage entier casqué du métal de couteaux et de fourchettes. Un titre, un sous-titre à la police rouge et un avant-propos signé d’un jeune auteur canadien, Marc-Antoine Cyr.

Le premier texte édité de Grégory Pluym. Une lecture découverte, le franchissement d’un seuil comme les premiers mots le disent, comme celui que passe Bernd, puis se plonger dans le livre et se plonger dans ce que le théâtre a toujours, depuis les Grecs, proféré : la violence tragique, viscérale dont sont capables les hommes ; violence qui démembre, qui met à mort la chair humaine. Dionysos devenu homme dans les Bacchantes d’Euripide (vers 114-1143) pousse Agavé à tuer son propre fils, Penthée, lui arrachant l’épaule, aidée par la foule des Bacchantes, le déchirant tout entier. C’est ainsi que triomphent le dieu et le Théâtre. De cela, Gregory Pluym se souvient en écrivant sur un extraordinaire fait divers allemand, « l’affaire Armin Meiwes » évoquée dans le sous-titre…

Les Consolantes, François Emmanuel

, le Samedi, 03 Décembre 2016. , dans Théâtre, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud/Papiers

Les Consolantes, novembre 2016, 48 pages, 12 € . Ecrivain(s): François Emmanuel Edition: Actes Sud/Papiers

 

L’action se déroule dans un asile psychiatrique où trois femmes partagent la même chambre. Une nouvelle venue, Madame, est endormie. Elle intrigue tant les trois autres qui s’affairent autour d’elle, qu’elles vident son sac pour percer son mystère et la raison de sa venue.

Les didascalies nous renseignent sur deux éléments structurants de notre imagination de lecteur : le décor, réduit à l’espace « chambre » : quatre lits et sur le devant de la scène quatre chaises. Des vêtements blancs ou grèges pendus en hauteur à des crochets. Le temps – et la structure de la pièce – est rythmé par le passage du veilleur, que l’on ne voit pas mais qui est représenté par un moment sonore et un changement de luminosité. À chacun de ces passages, les femmes retrouvent leurs lits et la chambre devient le lieu des signes, des secousses, des appels muets, des rêves.

Trois personnages féminins se partagent la parole, ou plutôt des langages dont on découvre lentement qu’ils construisent l’histoire et la vie de chacune d’elles.

Pas bouger, Emmanuel Darley

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 30 Novembre 2016. , dans Théâtre, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud/Papiers

Pas bouger, 56 pages, 9 € . Ecrivain(s): Emmanuel Darley Edition: Actes Sud/Papiers

 

« Soit le point A, soit le point B »

Il y a A, un homme qui marche parce que « ceux du départ » lui ont dit que « là-bas » il rencontrera un, une cycliste. C’est un ordre, une mission, le but peut-être de sa vie. Il progresse droit devant, en direction du coucher du soleil. Il y a B, un homme figé, immobile qui, lui, attend le signal qui l’autorisera à entrer dans le mouvement. Il est celui qui répète dans l’économie maladroite, sans respect de la syntaxe : « Pas bouger ». Commandement qu’il se donne à lui-même, dans la répétition, dans un refus buté de tout autre vécu, semblable à un soldat de terre cuite de l’empereur Qin Shi Huang.

Ils se rencontrent, s’éloignent l’un de l’autre puis se retrouvent, font un bout de chemin ensemble et à nouveau se séparent comme nous le faisons dans notre vie. Le jour et la nuit se succèdent selon la construction de la pièce, en 6 parties ou scènes. Chacun d’entre eux affirme son point de vue sur la vie. D’un coté le Mouvement, la découverte du monde (p.45) et de l’autre la Contemplation. Cosmique. B dit à A (p.31) :

Quelqu’un manque, Emmanuel Darley

Ecrit par Marie du Crest , le Jeudi, 24 Novembre 2016. , dans Théâtre, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Espaces 34

Quelqu’un manque, 45 pages, 9,5 € . Ecrivain(s): Emmanuel Darley Edition: Espaces 34

 

« La langue de l’intérieur »

Quelqu’un manque, écrit en 2002 dans le cadre de la Chartreuse d’Avignon, est une pièce courte, dont la brièveté même travaille le langage et le deuil comme autant de pertes, de lacunes, de répétitions impuissantes, de silences et de non-dits. Le manque de l’autre, du compagnon malade, agonisant et défunt dont nous suivons le calvaire physique. La choralité dans la distribution (les pleureuses, Elle, le soignant, l’ami) accomplit ce travail de la recherche de ce qui s’en va, de ce qui s’efface, de ce qui meurt mais aussi de ce qui reste. Nous ne savons pas si les paroles se souviennent, ressurgissent, semblables à la mémoire. Ainsi au début du texte, les pleureuses reprennent-elles à leur compte ce « qu’il disait » ou « ce qu’elle disait » jusqu’à creuser encore plus profondément dans l’intériorité (p.30-1) :

Qu’est-ce que ça serait toi, hein, ta dernière volonté ? disais-tu.

Peut-être, après tout pourquoi pas, un verre de lait, oui, de lait bien chaud, disais-tu.