Harold Pinter ou l’art de l’ambiguïté
Tour à tour poète, romancier, comédien, opposant politique…, Harold Pinter (1930-2008), prix Nobel de littérature en 2005, se distingue au premier chef par son œuvre théâtrale. Le Gardien, une de ses pièces les plus célèbres, inspirée de sa propre expérience, fut représentée et publiée en 1960. Elle met en scène, entre réalisme et grotesque, un huis-clos déroutant entre trois hommes : Mike, le propriétaire d’une maison délabrée, son frère Aston, occupant de ladite maison, et Davies, un vieil homme sans domicile fixe qu’Aston accepte d’héberger.
Davies, fieffé parasite et raciste accompli, use de cautèle afin de gagner la confiance des deux frères et prolonger ainsi son séjour. Malgré la générosité initiale d’Aston et la volonté de Mike d’engager un gardien, Davies peine à s’entendre avec ces deux lascars et semble à tout moment menacé de rudoiement ou de renvoi. En effet, les obsessions, les bas instincts et la rigidité psychique de chacun des personnages l’emportent sur leur aspiration à l’harmonie et sur leur capacité d’adaptation. S’amorce alors une lutte d’influence et de territoire où s’ancre la défiance, chacun manœuvrant de manière à préserver son espace de sécurité. Le trait commun à ces trois énergumènes est leur instabilité velléitaire. Chacun porte en lui un projet précis sans cesse différé et dilué dans la médiocrité de leur quotidien.