Lorsqu’on lit (ou assiste à une représentation d’) Ubu roi, le rire fuse. Du fait d’une mécanique plaquée sur du vivant, pour reprendre les mots, célèbres, de Bergson (l’on sait que les comédiens évoluèrent, lors de la première, au plateau comme des pantins), Bergson qui fut par ailleurs l’un des enseignants de Jarry ? Oui, mais pas uniquement. Il s’agit du rire tel que défini par Jill Fell : « le rire a la faculté de faire parler ce qui est hétérogène à la structuration du sujet dans une société donnée ».
Lorsqu’on lit (ou assiste à une représentation d’) Ubu roi, l’on savoure le véritable détournement de la tradition littéraire opéré par des mineurs (ceux qui sont responsables de cette œuvre : les frères Morin, Jarry). Ainsi que la voix, spécifique, de la pièce. Cette voix est double, prévient Paul Edwards : « Premièrement, alexandrins et hémistiches la rythment parfois, comme une tragédie qui se voudrait antique ; des mots archaïques lui donnent le ton désuet d’un texte historique – ce qui, en bref tend à élever en dignité et en noblesse le Père Ubu et toute la pièce. Deuxièmement, et inextricablement liée [à] cette voix de la grandeur, est celle de la misère. Le Père Ubu parle comme un voyou ».