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Théâtre

Kenny, Frédéric Vossier (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 29 Novembre 2021. , dans Théâtre, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Les solitaires intempestifs

Kenny, Frédéric Vossier, éd. Les Solitaires Intempestifs, septembre 2021, 80 pages, 14 €

 

Révélation

Peut-être que la dernière pièce de Frédéric Vossier pourrait être, en un sens, une quête de nomination, celle de nommer des êtres, nommer des situations. Tout d’abord parce que le prénom ici éponyme, Kenny, est prononcé souvent, assez pour faire litanie parfois. En second lieu parce que se nommer, nommer sa part d’étrangeté, dire comme en une révélation là où le trouble gagne le genre, rendent complexe et ambiguë la vérité sexuelle du personnage principal. Et cela assez brutalement.

Une vision conservatrice, voire réactionnaire, vient s’opposer dans ce schéma actanciel au trajet de révélation du personnage principal. Ou alors cette opposition actancielle le pousse peut-être davantage, l’oblige à exprimer une sorte de confession dont les conséquences, en tout cas pour le lecteur, sont grandes. Car là vacille le thème de la pièce.

L’acteur, Hélène Revay (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 15 Novembre 2021. , dans Théâtre, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

L’acteur, Hélène Revay, Les éditions Sans Escale, octobre 2021, 70 pages, 13 €

 

Plus l’homme avance, moins il aura à quoi se convertir (Cioran)

 

Soliloque

En parcourant cette pièce, j’ai été vite persuadé que Samuel Beckett avait influencé la matière de ce travail. On y reconnaît la syntaxe d’un désespoir, la trace de présences innommables, sans nomination objective, l’absurdité donc de l’existence humaine. Cette impression est restée durable. Hélène Revay a suivi un cursus de philosophie à la Sorbonne, et sachant cela mon intuition a été définitive.

Cela dit, il reste à décrire la relation du lecteur à la pièce de théâtre, lecture dans un fauteuil. L’action n’est pas ici négligée, et on attend très nettement de voir la situation du personnage, de l’acteur, évoluer. Et l’on accepte bien aussi la mise en abîme du théâtre au théâtre, car le personnage n’hésite pas à dire qu’il est acteur et qu’il est dans un théâtre.

Sur Le Funambule de Jean Genet (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Vendredi, 08 Octobre 2021. , dans Théâtre, Les Chroniques, La Une CED

 

Notules

 

Relisant Le Funambule de Jean Genet, je pense à une troupe d’artistes ambulants (acrobates, jongleurs, dresseurs de singes) aperçue au bord d’une route à Gwalior, dans l’Etat du Madhya Pradesh (Inde), tandis que je rentrais d’une après-midi passée dans le fort qui surplombe la ville. Une tradition, m’avait-on dit, voulait que les membres de cette troupe, ou plutôt de la caste à laquelle se rattachait la troupe, se travestissent lorsqu’ils se présentaient au public. Qu’en était-il, ce jour-là ? Ces fillettes, une sorte de jarre posée sur la tête, étaient-elles des garçonnets ? Quel trouble alors en elles, en eux, face à la maigre assistance ? Ou cet échange, si je n’avais pas rêvé ce qu’on m’en avait raconté, parce que banal, leur était indifférent ?

Je pense à un vieil homme dansant tout seul en écoutant Oum Kalthoum dans l’arrière-salle d’un café de Tunis, non loin de la Porte de France, vers 1996. Il avait l’âge qu’aurait eu Abdallah B., puisque c’est pour Abdallah B. que fut écrit Le Funambule.

La Controverse de Valladolid, Jean-Claude Carrière (par Anaé Balista)

, le Lundi, 23 Août 2021. , dans Théâtre, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Flammarion

La Controverse de Valladolid, Jean-Claude Carrière, 140 pages, 4,40 € Edition: Flammarion


« J’ai vu des cruautés si grandes qu’on n’oserait pas les imaginer. Aucune langue, aucun récit ne peut dire ce que j’ai vu ».

En ces quelques lignes résident les horreurs de tout un siècle. Un cauchemar historique dont les stigmates sont encore présents dans notre société actuelle : la conquête des Indes. C’est au sein de cette atmosphère étouffante que Jean-Claude Carrière tisse une pièce de théâtre à la tension croissante. Lire La Controverse de Valladolid, c’est se plonger dans les affres et les tourments d’une époque qui n’avait pas encore adopté la raison pour principe directeur et qui s’en remettait encore à la religion catholique pour décider du sort de millions de personnes. On remonte le temps pour arriver en 1550, dans un couvent espagnol à Valladolid, autour d’un débat passionné sur l’une des questions majeures de cette période : les Indiens possèdent-ils un âme ?

Sonnets et autres poèmes, Œuvres complètes VIII, William Shakespeare, La Pléiade (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 02 Juin 2021. , dans Théâtre, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, La Pléiade Gallimard

Sonnets et autres poèmes, Œuvres complètes VIII, mars 2021, sous la direction de Jean-Michel Déprats et Gisèle Venet, 1052 pages, 65 € (59 € jusqu’au 30/09/2021) . Ecrivain(s): William Shakespeare

L’entreprise de La Pléiade/Gallimard de publication de l’œuvre complète du barde de Stratford-Upon-Avon ne pouvait manquer d’inclure son œuvre poétique. Nous trouvons ici, dans un écrin somptueux de notes et d’éclairages, les pièces en vers majeures du grand Will, en particulier Vénus et Adonis (1593), Le Viol de Lucrèce (1594), et les célèbres sonnets (1609).

Tous les textes ici sont présentés en version bilingue grâce au travail d’une vaste équipe de traducteurs de haut vol.

Dire que William Shakespeare doit sa célébrité universelle au théâtre plus qu’à la poésie relève du truisme parfait. C’est ce en quoi cette édition de la Pléiade est particulièrement précieuse. Elle révèle un poète dont la profondeur et la musicalité enchantent. Ce volume propose les deux poèmes narratifs du barde de Stratford – Vénus et Adonis et Le Viol de Lucrèce – fort célèbres et prisés en leur temps et Les Sonnets que le XXème siècle a placés au plus haut de l’œuvre poétique du grand Will. La fluidité, les thèmes, l’intimité, la musique de ces pièces les rapprochent du lecteur contemporain, séduit par leur modernité et surtout par leur caractère subversif tant formellement que dans le propos.