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Théâtre

Mademoiselle Julie, August Strindberg (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 19 Mars 2024. , dans Théâtre, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Pays nordiques

Mademoiselle Julie, August Strindberg, édition Ulf Hallberg, Coll. Folio/Théâtre, octobre 2023, trad. suédois, inédite, Alain Gnaedig, 240 pages, 8,90 €

 

« Dans ce drame, je n’ai pas essayé de faire quelque chose de nouveau – cela est impossible. J’ai seulement tenté de moderniser la forme selon les exigences que, à mon sens, les hommes de notre temps posent à l’art du théâtre ».

Ainsi s’exprime August Strindberg dans la Préface à Mademoiselle Julie, rédigée peu après la pièce et publiée dans le même volume en 1889. « Moderniser la forme », c’est être au diapason, dans cette ville de Copenhague où réside Strindberg et qui est alors surnommée la « Paris du Nord », avec ce que les auteurs français créent en ces années 1880, dans leurs romans ou sur scène, les exemples à suivre étant les Goncourt et Zola – avec lequel l’auteur suédois correspondra.

Au cœur des corps de Genet (par Gilles Cervera)

, le Jeudi, 19 Octobre 2023. , dans Théâtre, Les Chroniques, La Une CED

 

Il n’est qu’un lieu d’émotions pleines, vivantes, vibrantes et collectives : le théâtre !

Au TNB, avant Paris et la Picardie, Les Paravents de Jean Genet par Arthur Nauzyciel, et une troupe vivante, vibrante. Un collectif de vies !

Le texte de Genet en impose comme toute la littérature genetienne : actuelle, provocante, politique jusqu’à l’aigu du mot, spiritualité comprise.

Genet nous fait dialoguer avec nous-mêmes, dans une métaphysique secrète, parfois inavouable et souvent juste. Juste à la lisière du cri. Juste à la lisière de la douleur. Juste à la lisière de la folie. Bref, chez Arthur Nauzyciel les morts reviennent et en parlent, de la mort. Ils ne se respectent pas plus morts qu’ils ne se sont respectés vivants. Le viol reste une solution, et le rire, surtout le rire. Communicatif (malgré un public rennais un peu assoupi qui rit moins que c’est risible !). Le dispositif théâtral en impose : un seul décor de bout en bout, majestueux, épuré, monumental. Un escalier immense, blanc, face aux gradins des spectateurs.

Le Gardien, Harold Pinter (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mercredi, 18 Octobre 2023. , dans Théâtre, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le Gardien, Harold Pinter, Folio, trad. anglais, Éric Kahane

 

Dans le cadre du cycle Harold Pinter, l’un des plus éminents dramaturges du théâtre dramatique anglais de la seconde moitié du vingtième siècle, présenté au théâtre de l’Atelier au printemps dernier et dirigé par Ludovic Lagarde, il nous a été donné de revoir deux de ses admirables pièces, La Collection, et L’Amant. Ce fut l’occasion de relire Le Gardien, son premier grand succès à Londres en 1961.

Le décor, minutieusement décrit, se compose d’ustensiles rouillés, de vieux objets inutilisables, un bouddha en plâtre trône sur une cuisinière hors d’usage, un seau suspendu au plafond est censé recueillir les fuites du toit. Harold Pinter fait mine de nous installer dans l’univers métaphysique de Beckett (« Qu’est-ce que vous faites… quand le seau est plein ? On le vide »), mais l’auteur qui ne se réclame de rien ni de personne prévient : « Je n’écris jamais à partir d’une idée abstraite ». C’est bien une situation concrète qui réunit les trois personnages : un clochard, Davies, récupéré dans la rue comme l’un des vieux objets qui encombrent l’intérieur de la chambre habitée par les deux frères, Aston et Mick, se voit offrir un poste de gardien.

Carrousel pour les Tsiganes, Jovan Nikolić, Ruždija Russo Sejdović (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 20 Juin 2022. , dans Théâtre, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Carrousel pour les Tsiganes, Jovan Nikolić, Ruždija Russo Sejdović, éditions L’Espace d’un instant, mars 2022, trad. rromani, Marcel Courthiades, 120 pages, 13 €

 

 

Territoire

J’ai lu cette pièce intensément à trois reprises, suffisamment pour voir se dégager des items particuliers. Pour cela, j’ai lu plutôt que vu ce texte, et en ai fait un objet propre à la découverte, au creux d’un fauteuil de liseur et non de spectateur. Ces conditions de lecture m’ont permis de suivre quelques grandes lignes de la diégèse de la pièce. Ainsi, j’ai traversé des débats politiques sur l’indépendance de l’Albanie, du Kosovo, sur la guerre, sur les guerres, sur les différences entre Rroms et autochtones des Balkans, touchés par des questions de langues et de cultures – éléments notoires de la famille tzigane. J’y ai trouvé, à cause de drames sanglants, des histoires d’amitiés trahies et des relations à la mort. Donc, tout ce qui concerne notre condition humaine.

Quand j’étais ton père, Guillaume Viry (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 24 Janvier 2022. , dans Théâtre, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Quand j’étais ton père, Guillaume Viry, Les éditions Moires, novembre 2021, 88 pages, 13 €

Au tréfonds

Cette pièce de théâtre de Guillaume Viry m’a beaucoup touché dans le sens où je comprends dans ma chair cette relation du père au fils, qui relate quelque chose qui va aux tréfonds de la psyché, celle du fils tout autant que celle du père. Ma propre histoire familiale ressemble en un sens à celle que narre la pièce. De ce fait j’ai revécu, un peu « cathartiquement », mon rapport au père.

Les trois actes de ce texte filment, si je puis dire, les possibilités et les impossibilités de la conversation entre les deux protagonistes. Ainsi, puisque je viens de parler de catharsis, je me suis remémoré une conversation où nuitamment mon père adossait les destins de poète et d’industriel, avec évidemment un choix radical pour celui-ci. Donc, il s’agissait pour finir d’une fin de non-recevoir.

Ce commerce de la parole finit ici par confiner à la haine, et sans doute aussi à l’amour impossible venant du père, lui-même pris sans doute par une carence, un manque et peut-être, devine-t-on, un secret de famille. Donc : respect et colère, sentiment d’empathie et d’antipathie, d’approche et de rejet, de douceur et de violence, de connaissance et d’aveuglement.