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Poésie

Ailleurs, Henri Michaux (par Marianne Braux)

Ecrit par Marianne Braux , le Vendredi, 25 Janvier 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, Voyages

Ailleurs, Gallimard/Poésie . Ecrivain(s): Henri Michaux Edition: Gallimard

 

Envie de voyage, mais vous avez déjà fait le tour de la planète, exploré toutes les cultures du monde sur place ou à distance ? Ce livre est fait pour vous. Regroupant trois récits de voyages imaginaires intitulés Voyage en Grande-GarabagneIci, Poddéma, et Au pays de la magieAilleurs de Henri Michaux, publié en 1948, est un livre surprenant qui à coup sûr vous dépaysera. Et en même temps, vous y reconnaîtrez peut-être des contrées traversées non pas sur terre mais au pays des rêves, où l’insensé devient sensé, l’extraordinaire ordinaire, où rien n’est impossible. Les peuples dont rend compte l’inclassable auteur de Plume et La nuit remue dans Ailleurs font éclater nos cadres de pensée et nos habitudes. Ailleursporte bien son titre : le texte transporte le lecteur très loin de lui-même, tout en se gardant de situer ces pays irréels, de sorte empêcher toute relation avec le monde réel. Tout ce que l’on sait, c’est que le narrateur y a vécu suffisamment longtemps pour connaître et, d’une certaine manière, en comprendre le fonctionnement.

Des lézards, des liqueurs, Joël Bastard (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 25 Janvier 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Des lézards, des liqueurs, juin 2018, 176 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Joël Bastard Edition: Gallimard

Un titre à la Jacques Izoard (tissé d’appositions), une composition en dix-huit sections, une volonté d’inscrire dans le poème sa fabrique (merci Ponge), des injonctions au lecteur, ou à soi écrivant, voilà des textes qui déconcertent.

 

Le désir d’écrire vient de pousser la porte, tant mieux, nous sommes nus

La surprise d’être un homme commença au berceau.

Nous peinons aujourd’hui de ne pas être volants.

Le silence d’entre les neiges, Sonia Elvireanu (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 25 Janvier 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, L'Harmattan

Le silence d’entre les neiges, avril 2018, 132 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Sonia Elvireanu Edition: L'Harmattan

 

« J’ai crié ton nom, tu n’étais nulle part » : c’est presque ainsi que commence cet écho vibratoire de l’amour perdu. On sait ce choc immense sans mesure, et pourtant la poète va lui offrir un contexte renaissant à l’éveil, à la recherche d’une lumière blanche, celle qui aveugle tellement qu’elle repousse le cri, le laissant dans la gorge du temps positionné en images figées pour l’éternité.

La pure neige servira d’encensoir à la page blanche des mots. Le nom du disparu se fera chaque pas dans la neige, « traces grandissantes » de ces silhouettes qui ressemblent à des fantômes à souvenirs.

« Il nous reste le silence » dit Sonia. Un silence qui fond sur la page comme un flocon disparaît sur une surface chaude, y laissant la tache d’eau espérant l’éclat d’une autre vie possible ou ailleurs.

Comment ne pas songer à cette phrase d’Yves Montand après la disparition de Simone Signoret : « On ne refait pas sa vie, on la continue » ? Le bagage, ici, est silencieux. Il n’en est pas moins lourd pour autant avec des « souvenirs qui arrachent, brûlent, dévorent dans la solitude ».

Lui dit-elle Pour un absent, Anne Perrin (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Mardi, 15 Janvier 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Z4 éditions

Lui dit-elle Pour un absent, novembre 2018, 112 pages, 12 € . Ecrivain(s): Anne Perrin Edition: Z4 éditions

 

Rare d’avoir deux écritures dans un même livre de poèmes. Anne se démultiplie d’écritures pour faire vivre, de façon très scénique, deux personnes qui se sont aimées aux antipodes de ce qu’il y a moyen d’être. Double écriture mettant littéralement en scène, voire en scénario, deux vies qui semblent vivre à la fois ailleurs (psychologiquement) et dans la même habitation (physiquement), l’une dans la pénombre avec une lumière filtrante (Elle) et Lui dans un noir terrible qu’il a lui-même initié :

« LUI

Dans cette chambre mansardée, ça pue la mort ».

ELLE

… je brode et je brocarde ton nom

dans les serrures

scellées

Le Livre d’Amray, Yahia Belaskri (par Mona)

Ecrit par Mona , le Lundi, 14 Janvier 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Maghreb, Zulma

Le Livre d’Amray, mai 2018, 144 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Yahia Belaskri Edition: Zulma

 

Le Livre d’Amray c’est la profession de foi d’un poète « depuis deux mille ans en quête d’amour », blessé par des « voleurs de rêves », qui cherche en vain sa place dans la cité. Yahia Belaskri met en forme « rien d’autre qu’une tragédie sans fin ni mesure ».

L’auteur plante le décor dans une terre des temps immémoriaux qu’il choisit de ne jamais nommer, et la majuscule au mot Livre dans le titre inscrit l’histoire du poète « amoureux du monde et de ses mystères » dans un registre sacré et intemporel qu’il faut garder en mémoire (« rappelez-vous de moi »).

Et pourtant, le drame du poète n’a rien d’abstrait : il subit la terreur dans sa chair et on reconnaît bien l’Algérie dans cette terre mutilée à travers les siècles. Le narrateur, né comme l’auteur avec la guerre d’Algérie (« Je suis né et le monde a basculé dans la terreur ») doit porter en terre le corps de sa femme massacrée par les terroristes islamistes lors de la décennie noire. Ce nœud dramatique bouleverse la structure même du récit et fait éclater le point de vue narratif : l’ami, Ansar, prend alors le relais d’Amray le narrateur.