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Poésie

Anthologie littéraire décadente, Textes et nouvelles (fin XIXe-début XXe siècle), Marianne Desroziers (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Lundi, 18 Mars 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Anthologie littéraire décadente, Textes et nouvelles (fin XIXe-début XXe siècle), Editions de l’Abat-Jour, décembre 2018, préface Eric Dussert, 213 pages, 15 € . Ecrivain(s): Marianne Desroziers

Quelle bonne idée !

Rééditer des auteurs méconnus ou tombés dans les oubliettes littéraires peut être risqué, parce qu’on pourrait a priori penser qu’ils ont été mis au placard en raison de leur piètre talent ou du peu d’intérêt que présentent leurs œuvres.

Il n’en est rien ici.

Les créateurs des œuvres compilées sous la direction de Marianne Desroziers ont été plus ou moins reconnus de leur vivant par leurs pairs, et certains de ceux qui ont été oubliés post-mortem ont été remis ponctuellement à l’honneur par les surréalistes dont on connaît le goût pour les contes et nouvelles fantastiques.

Selon Tzvetan Todorov (Introduction à la littérature fantastique), le fantastique se distingue du merveilleux par l’hésitation qu’il produit entre le surnaturel et le naturel, le possible ou l’impossible et parfois entre le logique et l’illogique.

Les nouvelles révélations de l’être, Antonin Artaud (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 18 Mars 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Théâtre, Fata Morgana

Les nouvelles révélations de l’être, février 2019, 48 pages, 12 € . Ecrivain(s): Antonin Artaud Edition: Fata Morgana

 

L’introduction au néant

Dès 1937 – date de l’écriture de ce texte – Artaud inscrit de facto sa schize : « je ne suis pas mort, je suis séparé ». Ce « mort au monde » se trouve déjà incapable de parler en son nom et va commencer le cycle des rétentions en asiles psychiatriques.

S’inscrit déjà ici ce que les Cahiers terminaux finiront dans cette tentative de se débarrasser de la matrice de la tache de naissance, des vices de la chair et de l’esclavage qu’elle enclenche.

S’inscrivent les premières scènes (tragiques et fulgurantes) du « théâtre généralisé » de l’auteur. Elles sont la véritable introduction au néant. La mort n’est plus tenue à distance.

Se sent déjà comment la terre aspire l’être dont elle se nourrit jusqu’aux « crachats ». Artaud rentre directement en rapport avec les semences immondes qui sont les restes et les cendres. Comme plus tard dans les Lettres relatives aux Tarahumaras, il vit – ou subit – là mais sous un registre totalement opposé une « expérience organique ».

Le mendiant sans tain, Philippe Leuckx (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Lundi, 18 Mars 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Le mendiant sans tain, éd. Le Coudrier, février 2019, ill. Joëlle Aubevert, préface Jean-Michel Aubevert, 54 pages, 16 € . Ecrivain(s): Philippe Leuckx

 

« Ma peau n’est qu’un poème déserté Qui m’inflige patience » : c’est effectivement à sa fleur que s’entame cette absence de toucher qui fait si mal à l’indifférence.

Y aurait-il triste mais lumineuse référence à rappeler que « parfois un souvenir étoile un front éteint » et faire ainsi un parallèle indirect à l’individu isolé montré du doigt ?

Avec ce carton littéraire à vouloir protéger cette grandiose image de l’être seul, mais profond, Philippe Leuckx ne rate pas sa cible à vouloir dénoncer ce « nœud de la douleur allongé (A s’allonger) ainsi sans se plaindre ».

Les images sont telles que le poète semble avoir vécu, lui-même, l’expérience de « n’être qu’un reflet De l’autre côté de la vitre Ou de la vie ».

Mais le poète n’est-il pas éponge pour ses semblables ?

De la mort sans exagérer, Wislawa Szymborska (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 12 Mars 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, Gallimard

De la mort sans exagérer, juin 2018, trad. polonais Piotr Kaminski, 320 pages, 10,20 € . Ecrivain(s): Wislawa Szymborska Edition: Gallimard

 

Des fragments de neuf recueils qui s’échelonnent sur plus de cinquante années de production offrent une belle perspective sur l’œuvre du Prix Nobel de littérature de 1996. Née en 1923, décédée en 2012, la poète polonaise sait être incisive, mordante, en jouant de l’humour noir et du scalpel pour déloger de leur gangue de convenances des vérités bonnes à dire et à insuffler dans la trame poétique.

Comme le rappellent plusieurs interventions de son Discours devant l’Académie suédoise, Wislawa Szymborska pointe le scepticisme flagrant de tout poète qui « se respecte », puisque « la perplexité » est au cœur de toute création selon elle. En outre, « avec un poète, rien ne va plus. Son travail n’est pas photogénique pour un sou ». L’adage « je ne sais pas » donne donc une entrée décisive dans son travail, qui marque sans arrêt son interrogation sur le monde, à la manière subtile, aérienne, ironique, songeuse et grave d’une poète lucide sur le monde qu’elle vit, et qui l’entoure.

Le rien, le vide, la menace devant l’effroi ou la mort, la réflexion sur le « bonheur pendant qu’il y est », ou sur la « résurrection » cocasse de personnages qui sont revenus du lointain de la vie pour y entrer de nouveau.

Circonvolutions (Soixante-dix variations autour d’elles-mêmes), Stéphane Sangral (par Claire-Neige Jaunet)

Ecrit par Claire-Neige Jaunet , le Lundi, 11 Mars 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Galilée

Circonvolutions (Soixante-dix variations autour d’elles-mêmes) . Ecrivain(s): Stéphane Sangral Edition: Editions Galilée

Le recueil de Stéphane Sangral Circonvolutions nous conduit là où l’on peut s’étonner de l’espace et du temps, et même de son propre corps, de sa pensée, de sa conscience, de tous ces « souterrains » où le vide et le plein, le fini et l’infini, le beau et le laid, l’absurde et la cohérence, le grand et le petit, l’absence et la présence, ne cessent de se renvoyer l’un à l’autre. Et le texte qui dit tout cela n’est-il pas lui aussi « étrange », et « étranger » à cela même qui le produit et à celui-là même qui l’écrit ?

Qu’est-il, ce texte, s’interroge le poète : un « sursis bien trop court », un creuset qui accueille le désespoir, l’épuisement, l’ennui, l’« incapacité de lire le réel », le « leurre de la conscience », le regret de « se gâcher la vie par l’angoisse de sa fin », la fragilité de la « représentation » qui permet aux idées de ne tenir « en équilibre » que durant un moment limité… Le texte est une mise « à nu » totale : s’il permet de « mourir un peu moins » et de répondre au « besoin de faire puisque je ne sais pas être », une « absence » cependant s’affirme « sous la forme », le « cercle vicieux du Rien » (et « du Tout ») et « le tapis roulant du temps » s’y invitent et inscrivent la mort dans chaque circonvolution. Entre révélation et dissimulation, le texte est recherche de « L’Un », alors que bruissent des voix que seule une construction polyphonique peut donner à entendre.