Arches du vent, et Les bois calmés, Pierre Voélin (par Jean-Paul Gavard-Perret)
Arches du vent, et Les bois calmés, Pierre Voélin, juillet 2020, dessins Alexandre Hollan (80 pages/15 €, et 64 pages/14 €)
Edition: Fata Morgana
En mémoire du passé
L’écriture volontairement précieuse et au rythme subtil de Pierre Voélin permet de faire comprendre comment la vie tue au nom du passé – entre autres, de la Shoah. Il s’agit alors d’avancer avec « à la bouche ce goût de solitude /et sur l’épaule un pâle chandail de cendres ». Existe ainsi dans l’œuvre une extraordinaire beauté marmoréenne : « Visage sous le masque – tombe de calcaire où vient battre la lumière criblée //L’amour impur te cherche dans les ruines », preuve que la poésie ne se tient pas hors du « claptrap » (James McNeil Whistler), et refuse l’art pour l’art. Le goût de la ruine n’est là que pour souligner les émotions et devient en quelque sorte le stimulant de la vie.
Se conjuguent les appels de la mémoire, de la révolte, du deuil, d’une certaine espérance mais de bien des troubles sentimentaux. L’être est ainsi soumis à la fraîcheur des choses de la terre et à ce qui est offert à la contemplation afin de signifier la beauté et l’âpreté du fait du dur désir de durer. C’est parfois simple mais parfois difficile au nom – entre autres – de l’héritage de l’auteur comme de la plupart d’entre nous. Existe une stimulation des « copeaux clairs » du silence pour dire l’amour dans « le souffle des forêts » et « Le long d’un arbre aux genoux moisis où circulent les grimpereaux ». Tout est de l’ordre de la précision pour questionner les ombres et le monde en ses frondaisons comme des « tas de pierres bises ».
Méditations et rêves communiquent dans Les bois calmés, comme « là où se ferment les ruchers ». Les descriptions sont là pour résoudre l’énigme du cœur avec certes « des mots de la terre familière » mais que l’auteur choisit avec une extrême précision pour survivre à la pénombre des deuils. Restent des vols de cendre au milieu de la neige et son « abondance de cristaux » quand le sexe s’offre à la nuit pour une extase et afin que pour un temps la marche s’interrompe.
Ainsi, après les deux livres publiés en 2017 chez le même éditeur, Voélin transforme un paysage minimaliste et champêtre en un retour au pays natal. Il donne là toute la puissance d’une écriture rare et trop effacée du paysage poétique. Le Temps – sans retour – dispose sa lumière mais l’homme n’est que vœu de ténèbres. L’auteur en profite pour entrer profondément dans le paysage en un « Hommage aux herbes des grands chemins /aux orties des ravins – aux fétuques /le long des sentiers secrets /à la frêle épilobe /fleur de l’incendie et de l’oubli ».
Jean-Paul Gavard-Perret
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