Identification

Poésie

À mains nues, Ida Jaroschek (par Luc-André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Mercredi, 26 Octobre 2022. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

À mains nues, Ida Jaroschek, éditions Alcyone, Coll. Surya, mai 2022, 90 pages, 20 €

 

Ce que l’on entreprend à mains nues n’est pas en général chose facile. C’est plutôt un combat à mener, une attaque qu’on lance ou que l’on repousse. Dans tous les cas, il s’agit d’un affrontement direct, sans détour, un face à face où l’on ne peut compter que sur ses propres forces. C’est dire si le nouveau recueil d’Ida Jaroschek, que publient les éditions Alcyone, en s’intitulant précisément « À mains nues », s’annonce, au travers des soixante-treize poèmes qui le composent, comme le récit d’une lutte. La lutte pour ne pas succomber au désespoir, pour résister et défier même les forces négatives devant ce qui abat et bouleverse : la disparition de l’être cher.

Récit éminemment poétique dans lequel la poète continue à s’adresser à cet être de chair et de papier en cherchant « à inventer les peaux invisibles, l’amorce du poème / (…) pour livrer / à la fin des phrases leur vérité brûlante ». Elle veut « gréer le vent à la voix de l’absent / (…) entrer dans l’épais, le possédé / greffer à la langue essors, soubresauts ».

Il faut peu de mots, Martine Rouhart (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mardi, 25 Octobre 2022. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Editions du Cygne

Il faut peu de mots, Martine Rouhart, Éditions Du Cygne, août 2022, 52 pages, 10 € . Ecrivain(s): Martine Rouhart Edition: Editions du Cygne

 

Dans ce très beau recueil, Martine Rouhart partage son amour des mots, ces mots qui l’accompagnent dès les premières lueurs du jour, ce « peu de mots » qu’elle réveille pour « combler l’heure vide d’avant l’aube ». Dans un style sobre et épuré, au fil des mots, elle trace un chemin de « solitude heureuse jusqu’à la mer », comme si la mer était le lieu ultime de l’épanouissement de l’être après avoir traversé, grâce à la poésie, ces « mondes endormis », enfouis au fond de l’inconscient. Les mots sont en quelque sorte des clés qui ouvrent les portes du mystère.

Et c’est « de toute son âme » que l’auteure « chante » sa façon si belle et si particulière « d’être au monde », son rapport esthétique à l’éphémère : « en marchant / j’écris des mots /sur les nuages / tant mieux / si leur trace s’efface / avec le vent ». Cette conception de l’existence n’est pas sans rappeler l’âme de la poésie asiatique de Wang Wei, pour le goût de la concision, pour le rapport à la nature et au temps. Martine Rouhart livre avec générosité et humilité des « fragments » d’elle-même, de cette poète qu’elle est devenue, de cette part d’elle qui lui « échappe » aussi.

Confrontations, François Amanecer (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Lundi, 24 Octobre 2022. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Confrontations, François Amanecer, éditions de Corlevour, Revue NUNC, mai 2022, 192 pages, 19 €

 

Profession de foi

Dans le dernier livre de François Amanecer, Confrontations – dédié à Jean-Pierre Jossua, écrivain et théologien dominicain français (1930-2021) –, déclare que, concernant Le Poète, « sa très haute fonction est d’aboucher l’homme au cosmos », étant « passeur entre les mondes ». L’ouvrage soulève la question de la création – un phénomène, un « en-soi » ou un dédoublement, ou bien une schize, une coupure. François Amanecer analyse la partie sombre ou lumineuse de la psyché de différents auteur.e.s et le fait de « se confronter à la déité ». Il articule sa réflexion entre deux axes : « athéisme et foi », et spécifiquement sur « la plausibilité d’une intervention divine » et ce, à travers les professions de foi littéraires, visuelles et spirituelles de seize figures – dont seulement trois femmes, mais non des moindres…

Les Hommes tissent le chemin, Bernard Grasset, éditions Soc & foc (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 24 Octobre 2022. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Les Hommes tissent le chemin, Bernard Grasset, éditions Soc & foc, peintures de Jean Kerinvel, 2014, 12 €

 

Le voyage des signes

L’ouvrage encore assez récent que signent Bernard Gresset et Jean Kerinvel, est bâti sur une collaboration de deux formes artistiques : l’écrit et l’art plastique. Ici, les deux auteurs sont à égalité, le poème suggérant le texte, et la peinture produisant le récit de l’écriture. Tous deux représentent des expressions capables de faire croître l’homme, de nous autoriser à revenir à une relation spirituelle tout autant par le voyage, sorte de bulle immobile, que par l’action de l’art. Relation à la contemplation, celle de la nature, de l’art, penchant sur le besoin d’agrandissement de notre habitation humaine. Car l’être humain ne finit pas, toujours pris entre les deux tangentes de la matière et de l’esprit, du corps et de la pensée. L’être, son ontologie, dépassent le cadre narcissique d’un Je susceptible d’être aimé pour lui-même, mais un Je qui questionne le Je, le Je-suis-je de Parménide.

Les Carnets tchanqués, Pierre-Olivier Lambert (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 17 Octobre 2022. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Les Carnets tchanqués, Pierre-Olivier Lambert, éditions Ars Poetica, ill. Corinne Pangaud, juillet 2022, 130 pages, 18 €

 

Bateaux, oiseaux, lumières

Ce recueil de 100 tankas, ici mélange stylistique entre Orient et Occident, suscite une lecture lente et qui peut se répéter (comme le Haïku japonais qui se prononce deux fois). Ce qui fait l’unité de ces poèmes très courts et saccadés, c’est le Bassin d’Arcachon, ce qui veut dire : marées, bateaux, lumières, mouettes et autres sternes ou goélands. Et aussi les maisons tchanquées, maisons sur pilotis très prisées.

L’expression poétique est souvent méditative ou plutôt, contemplative, presque muette et souvent immobile – comme dans un tableau –, en 5 vers condensés qui immobiliseraient l’action poétique, comme le préconise la tradition japonaise. Ce qui aboutit à une poésie très tendue, et surtout peu bavarde, telle la prononciation intérieure de ces cinquains, petites pièces de poésie de 5 lignes qui finissent par faire une litanie, un ostinato avec un fond mélancolique parfois.