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Poésie

Shifumi, Laurent Albarracin (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 14 Décembre 2022. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Shifumi, Laurent Albarracin, Pierre Mainard éditeur, octobre 2022, 80 pages, 13 €

 

« Poule renard serpent

pierre feuille ciseaux

prendre sans être pris

ou bien plutôt

et mieux dansant

prendre et être pris » (p.62)

 

Shifumi, c’est l’original de notre jeu d’enfants pierre/feuille/ciseaux, avec ses trois signes manuels correspondants, sa règle de présentation simultanée et aléatoire, son principe de dominant-dominé : chaque figure, vaincue par une deuxième, bat la dernière (et s’annule devant elle-même).

La Valise vide, Kaveh Ayreek (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 12 Décembre 2022. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

La Valise vide, Kaveh Ayreek, éditions L’Espace D’un Instant, février 2022, trad. du dari (Afghanistan), Guilda Chahverdi, 54 pages, 11€

 

Topographie

Disons, tout d’abord, que cette pièce écrite en dari ne tombe pas dans les clichés. Elle se déroule dans des lieux, qui, pour un simple lecteur, s’agglomèrent, agissent par coalescence. Sommes-nous dans un espace rêvé depuis l’Afghanistan, ou depuis l’Iran, ou encore depuis l’Europe ? C’est là que réside l’intérêt pour l’existence de ces quelques personnes, de ces quelques exilés. Car, au-delà de l’exil se trouve la souffrance. Des êtres déracinés, déterritorialisés, transplantés involontairement. Est-ce la terre natale qui envahit par vagues le lieu d’accueil où se trouve l’auteur (et surtout avec lui le lecteur ou le spectateur) ? Est-ce le désir d’être accueilli ? Est-ce la condition primaire de toute émigration ? Qu’en est-il de cette expatriation ? N’est-elle pas essentiellement un rêve de la terre originelle ? Il faut signaler aussi que ce livre est renseigné par la traductrice et par l’éditeur, même si le texte vaut pour lui-même sans autre explication. On sait donc qu’il s’agit d’une séparation, d’une coupure avec l’ascendance, du tiraillement du sang natif dans les veines de ces êtres de papier.

Des jours de pleine terre, Pierre Perrin (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 09 Décembre 2022. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Al Manar

Des jours de pleine terre, Pierre Perrin, septembre 2022, 170 pages, 23 € Edition: Al Manar

 

Quelle âpreté dans ces poèmes qui de l’enfance à aujourd’hui consignent les blessures et les apprentissages d’un enfant, d’un poète, apte à saisir à pleins mots la violence des apprentissages. Les images tombent comme des constats cinglants, pas une trace de sentimentalisme ni d’once de complaisance. C’est « l’odeur d’urine », c’est le « saccage », l’enfant « brûle sans feu », c’est « la nuit qui ravale l’orgueil de l’enfant que nul n’écoute ». La mère n’étreint jamais le petit.

Construit en cinq sections – autant d’étapes d’une vie, le livre choisit une écriture qui puisse au mieux traduire les états d’âme, les sentiments, les effusions, toute émotion née dans le flux des jours, en campagne, dans l’usage de la terre et des bêtes, à l’aune des saisons, au rythme des plaisirs, des peines, des découvertes. L’amour y a une place de choix et les nombreux poèmes adressés à l’aimée disent assez cette période faste où la rencontre a renvoyé bien loin derrière les traumas.

L’écriture, en effet, privilégie les poèmes longs, fortement charpentés, aux images lyriques et à la scansion sûre des classiques :

Anatomie d’une larme, Debora Stein (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 06 Décembre 2022. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Anatomie d’une larme, Debora Stein, éditions Douro, octobre 2022, 114 pages, 18 €

De la liquidité amniotique aux liquidités telluriques et respiratoires, les mots de l’artiste peintre Debora Stein, diplômée des Beaux-Arts de Florence, émergent du ventre de la page par la bouche, l’œil, l’oreille du Langage malaxant le monde cosmique dans lequel nous naviguons, immergés, connectés que nous sommes à chaque instant par toutes les ouvertures du souffle et de notre étonnement. Parcours initiatique intime, avec « les yeux grand ouverts » (E. Zalts, à plusieurs reprises en exergue) ou rêveurs, ce récit nous propulse en autant d’états possibles de nos émotions, de nos métamorphoses (bactérie, poisson, crabe), de nos espoirs… Anatomie d’une larme nous rappelle, depuis notre poche onirique ou depuis notre inquiétude ou mélancolie, le chant polyphonique et poétique de nos origines, étirant au fil d’un temps psychologique élastique (« tempus ») et de sa trame narrative, notre conscience ombilicale toujours vivante après le déchirement originel, jusqu’à la relier à l’énergie des cellules souches, vivaces, vivantes, « lieu de tous les possibles où se dissolvent l’espace et le temps » ainsi que le note l’artiste Anna-Maria Celli en quatrième de couverture. Des voix invisibles nous murmurent ici les vibrations en mots de nos absents, tissant ad aeternam les liens indéfectibles qui nous relient à eux :

Robert Frost, un poème traduit de l'américain par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 05 Décembre 2022. , dans Poésie, Les Chroniques, Création poétique, La Une CED

 

Je pourrais tout céder au temps


Le Temps jamais ne juge qu’il est courageux

lorsqu’il affronte des montagnes de neige

pour les aplanir jusqu’à la vague.

Les voir si bas ne le rend pas non plus radieux

mais seulement grave, contemplatif et grave.