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Poésie

Mes anticorps, Jean-Pierre Otte (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 20 Novembre 2023. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Mes anticorps, Jean-Pierre Otte, éditions Le Temps qu’il fait, octobre 2023, 168 pages, 20 €

Dualité

Je crois pouvoir avancer que ce recueil de pensées confine parfois à la philosophie et dans ce sens, est un travail duel. C’est une littérature qui prône et se constitue de mouvements, d’un certain équilibre comme le requiert la marche à pied – marche à pied qui est souvent un objet de description spirituelle. Mouvements donc, tension que le texte met à jour et où le lecteur a une place importante afin de trouver la part existentielle de la réalité et de l’activité de la langue. C’est une littérature en quelque sorte binaire : mouvements et arrêts, fragments de pensée qui trouvent leur chemin dans la continuité de l’écriture, paradoxes apparents et vérité essentielle. Ce livre est à caractère parcellaire dans le sens où chaque morceau constitue en lui-même tout un monde et reste très ouvert au rêve intérieur du liseur. Car la pensée de l’auteur ne se fige que pour imprimer un agrandissement de son texte, ajouter à son déroulement syntagmatique.

Se déplacer, c’est changer de place, passer, se dépasser, se hasarder, accéder au dehors, se mouvoir ailleurs pour se frotter à d’autres réalités et d’autres cultures, partager d’autres couleurs et d’autres goûts, s’enrichir des différences et s’énivrer de l’étrangeté en omettant jamais que l’on constitue en même temps un étranger pour l’autre.

Vivre avec sans, Adagio maladie, Anne Sultan (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 17 Novembre 2023. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Vivre avec sans, Adagio maladie, Anne Sultan, éditions des femmes Antoinette Fouque, octobre 2023, 64 pages, 12 € Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

 

Désarticulation

Le titre de ce récit-poème écrit par Anne Sultan (née en 1967, danseuse et chorégraphe durant vingt ans, aujourd’hui autrice et metteuse en scène), Vivre avec sans, sonne comme en un espace dramatique et participe d’une double injonction paradoxale : « vivre avec sens » ou « vivre avec sang ». En effet, une jeune femme tente de survivre malgré un pronostic vital engagé, retrouvant du sens à son existence, perdant beaucoup de sang et souffrant de même… Le texte de l’auteure est construit par de très courtes phrases, certaines pronominales, se réduisant parfois à un seul mot. L’Adagio maladie, c’est le tempo lent de l’affection, du traumatisme.

Étrangère, Brankica Radić (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 14 Novembre 2023. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Pays de l'Est

Étrangère, Brankica Radić, éditions L’Ollave, Domaine Croate/Poésie, septembre 2023, trad. croate, Vanda Mikšić, 60 pages, 16 €

 

 

Écriture claire

La partie la plus évidente du recueil de Brankica Radić tourne autour de la question du territoire, du pays, des pays, des voyages, des routes, des villes. Et cette poésie ne cesse de cerner un territoire sans territoire – une nation coupée du territoire de l’ex-Yougoslavie (en 1991, la Croatie ainsi que la Slovénie ont déclaré leur indépendance, devenant ainsi deux états souverains) –, dans une langue sèche et presque ascétique, une langue claire. L’on voit quand même où réside la poétesse au pays de la poésie pour combattre l’exil. Cette présence verbale de la langue maternelle souligne son étrangeté justement par la coalescence des voyages et des villes.

Mes anticorps, Jean-Pierre Otte (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 08 Novembre 2023. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Mes anticorps, Jean-Pierre Otte, éditions Le Temps qu’il fait, octobre 2023, avant-propos de Manuel Schmitz, 168 pages, 20 €

La fortune sourit aux audacieux, et le hasard aux curieux. Audacieux, Otte l’est naturellement. « L’âme serait-elle le bénéfice immatériel de l’audace ? », demande-t-il benoîtement, et c’est oui pour lui : ses excès de confiance réussis sont son capital spirituel. L’audace part vérifier dangereusement ce qu’elle a pensé possible, et cet auteur est cela même : avide de dangers, osant avancer, et ne décidant du bien et du mal qu’à l’intérieur du courage, jamais avant.

« Curieux », le mot est faible. Jean-Pierre Otte pousse (explicitement) plus loin le fameux mot de Pasteur (« Le hasard favorise les esprits préparés ») en un : prépare-toi, et le hasard te voudra du bien. Ne savoir que ce qu’on ne veut pas ne requiert aucune curiosité, mais « savoir inventer ce qu’on veut » (p.66), si : c’est un virtuose, non seulement de l’art de deviner les arcanes, mais de celui de renaître. Il semble y avoir de l’arrogance à estimer que « celui qui n’est pas en train de naître est occupé à mourir » (p.66), mais l’esprit humain ne choisit pas de devoir assumer tous les mystères, puisqu’il est le premier d’entre eux. L’activisme spirituel nous est un devoir, car il y a « nécessité pour nous de prendre présence dans le présent » (p.127), nécessité vitale, invitation indéclinable.

Florbelle, Jacques Cauda (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 07 Novembre 2023. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Florbelle, Jacques Cauda, éditions Tinbad, Coll. Roman, octobre 2023, 96 pages, 17 €

Trois raisons incitent Jacques Cauda à être ici plus que jamais Sadien : trois raisons reliées à trois lieux : Vincennes, Saint-Germain et l’Atelier de Cauda Paris XXe. Le livre de Sade que Jacques Cauda recrée ici, après que le fils irrévérencieux du marquis l’a jeté au feu et d’après les reliques de l’œuvre laissées par les notes, ne nous arrive ni n’est survenu par hasard dans la vie de l’auteur. On connaît en effet l’intérêt fidèle de Cauda pour Sade.

En outre, trois signes manifestent que ces deux-là, Sade & Cauda, n’auraient pas pu ne jamais se rencontrer malgré la distanciation chronologique. Premièrement, Cauda est né non loin du zoo de Vincennes où l’auteur des Cent Jours de Sodome et des Crimes de l’amour fut emprisonné en 1794, dans le donjon du château alors prison d’État. Deuxièmement, un même patronyme relie les deux hommes, celui de « Saint-Germain », nom natif de notre peintre contemporain surfiguratif et nom de la précieuse amie du marquis. Troisièmement, l’atelier du peintrécrivain Jacques Cauda « se situe à l’emplacement d’une ancienne propriété de la famille de Sade ». Trois signes donc : Vincennes, Saint-Germain et l’Atelier Cauda situé dans l’ex-village de Charonne si riche de faits historiques brûlants surtout durant la Commune.