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Poésie

Chino fait poète, Christian Prigent (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Mardi, 21 Mai 2024. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, P.O.L

Chino fait poète, Christian Prigent, éditions POL, février 2024, 162 pages, 19 € . Ecrivain(s): Christian Prigent Edition: P.O.L

 

Le facteur poésie

Y aurait-il un risque à écrire sur un écrivain qui vient des mêmes terres, respire des mêmes vents de mer, de la même baie, et dont l’estran et les arénicoles font une commune origine, que dis-je un culte ?

Prenons le risque !

La poésie de Christian Prigent alias Chino nous réveille, et non pas nous berce. Nous crispe et nous accroche, nous provoque et nous braque. Bref, le dernier ouvrage publié chez POL de Prigent, Chino fait poète fait de la poésie. Au sens du faire !

C’est-à-dire qu’il fait ça comme on peut faire charpentier sans s’appeler Joseph et faire pouët-pouët quand on est, pour l’éternité, lycéen de Saint-Brieuc, c’est dit, notre commun !

Autre matin, suivi de Le monde du singulier, Gérard Pfister (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 20 Mai 2024. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Autre matin, suivi de Le monde du singulier, Gérard Pfister, Éditions Le Silence qui roule, mars 2024, 91 pages, 15 €

 

Autrui

La vaste question de la destination du poème se pose avec vivacité dans ce nouveau livre de Gérard Pfister. Le poème est-il écrit pour soi et, dès lors, ne communique-t-il pas tout à fait l’espoir du poète ? Est-il écrit pour autrui ? Vraisemblablement, le poète ne cherche pas un public en particulier (ce qui appartient aux démarcheurs et autres créateurs de réclames). Dès lors, comment partage-t-on les poèmes avec un lecteur qui cherche dans la poésie une pensée et une profondeur intérieures ? Le poète est-il vraiment le lecteur de ses poèmes ? Où réside le mystère – ici au sein de l’écriture ou bien dans l’âme du liseur ? Qui est le plus important, le poète ou le bouquineur, bouquineur à qui sont demandées une attention et une exigence parfois anxieuses ?

Un peu de fièvre, Sandro Penna (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 15 Mai 2024. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Italie

Un peu de fièvre, Sandro Penna, Ypsilon éditeur, 2022, trad. italien, Jean-Paul Manganaro, 146 pages, 20 €

 

La dissidence sexuelle, dans une société hétéronormée, peut conduire à l’inhibition destructrice, à la forfanterie, à la dissimulation sournoise comme pour Mauriac, à l’expérience quasi mystique de la honte et de « l’abjection » comme pour Jouhandeau, à l’élection, comme pour Genet, d’une contre-société opposant aux valeurs majoritaires celles qui leur seront le plus contraires pour empêcher la réconciliation. Elle peut aussi, comme chez Georges Eekhoud avec Escal-Vigor et Voyous de velours, aiguiser le regard, inverser les perspectives et dénoncer les leurres et les mensonges des discours autorisés. Elle peut enfin, comme chez Jef Last, compagnon de voyage de Gide en URSS en 1936, ou Daniel Guérin, motiver un engagement politique.

Tout autre est la manière dont Sandro Penna a construit, à partir de son goût des garçons, sa poétique. On l’observe dans les courtes proses du recueil Un peu de fièvre, retraduites par Jean-Paul Manganaro et publiées en juin 2022 par les élégantes éditions Ypsilon (une précédente version, dans une traduction de René de Ceccatty, avait été proposée dans « Les Cahiers Rouges » de Grasset en 1996).

Mots décroisés, Patrick Devaux (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 15 Mai 2024. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Editions du Cygne

Mots décroisés, Patrick Devaux, Editions du Cygne, octobre 2023, 45 pages, 10 € Edition: Editions du Cygne

 

Préfacé par la poétesse Parme Ceriset, ce nouveau recueil de Patrick Devaux, faisant référence inversée aux grilles des cruciverbistes, est un montage délicat de « poèmes verticaux » dont quasiment tous les « vers » sont constitués systématiquement d’un mot unique ou, plus rarement, de deux.

Personnages : une femme, simplement désignée par un pronom, « elle », en train de croiser et décroiser les mots « comme on croise et décroise les jambes », et le poète narrateur qui la tient dans l’empan de son regard attentif, qui imagine, traduit et exprime ce qu’elle fait, ce qu’elle pense, ce qui l’occupe et la préoccupe, le poète voyeur à qui, incidemment, elle demande de « l’aider à trouver », ce qui pose ces questions immédiates :

que cherche-t-elle ?

quel sens veut-elle donner à quoi ?

Lucarnes, Jacques Goorma (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 14 Mai 2024. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Lucarnes, Jacques Goorma, éditions Arfuyen, février 2024, 128 pages, 14 €

 

Tremblement

Le mot du titre, tremblement, fait appel à deux notions. La première, c’est celle d’Édouard Glissant, qui s’intéresse au tremblement du monde, bruit qui vient à la porte de chacun par les flux des informations en temps réel. On finit par trembler à l’instar de tout le monde au même moment et pour les mêmes raisons. Pour finir, personne n’échappe à la réalité de l’univers. Mais trembler est aussi une manière d’approcher la langue poétique, espèce de synecdoque où un simple mot revient à toucher du doigt une réalité plus ample. Ici, le tremblement, ce scintillement, cette résonance de la matière, soyeuse en un sens comme une étoffe, se nourrissent d’eux-mêmes afin de consigner ce que cherche pour finir tout écrivain : le secret de la vie. Donc, le culte du silence n’est pas sans effet sur cette appréhension par la langue d’une réalité des mots, dans une nudité telle qu’elle conduit aux bornes de l’aphonie.