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Poésie

Corps incessant, Franck Bouyssou, Jacques Cauda (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 25 Mai 2022. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Corps incessant, Franck Bouyssou, Jacques Cauda, éditions Pourquoi viens-tu si tard ?, février 2022, 78 pages, 10 €

Cylindrer le corps, pour le fouler, le lustrer, pour faire surgir de la carcasse, « calandre rutilante », la quintessence… Cylindrer son silence, dans « la transhumance de la sève/l’essor pénombral de la vouivre » pour le faire parler au-delà de sa présence immédiate… Quel est ce « corps » insaisissable et « incessant » capable de saisir la temporalité et la chair de la langue, l’espace d’un livre, mais aussi les plages de notre existence, assez en tout cas pour que sa réalité devienne cette ombre impalpable nous habitant et nous enveloppant plus loin que le présent ?

L’auteur de ce recueil poétique est psychiatre et l’on sait la place du corps dans le soin psychiatrique. Le corps et son appréhension constituent des éléments essentiels de la conscience de soi, et nous ramènent au moment présent ; il est également un médiateur par excellence pour l’entrée en contact avec un patient ou l’instauration d’une relation basée sur la confiance ; ou au contraire l’écran tactile et sensible à la douleur, qui pourra être « meurtri » en cas de maltraitance voire de violence.

La mutation, Olivier Larizza (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 17 Mai 2022. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

La mutation, Olivier Larizza, éditions Andersen Plus, novembre 2021, 104 pages, 9,90 €

 

La mutation, publiée par les éditions Andersen Plus, dans la Collection Confidences, de l’écrivain et universitaire Olivier Larizza (poète, romancier, nouvelliste, essayiste, conteur et dramaturge, enseignant-chercheur à la faculté de Strasbourg puis de Toulon), s’inscrit dans le cycle La vie paradoxale amorcé en 2016 avec L’Exil suivi de L’Entre-deux en 2017. Ici l’œuvre poétique en cours d’édification tente d’opérer une alchimie des ingrédients du vécu transformé en un chaudron livresque mélancoliquement solaire, et forme un ensemble autobiographique (« – bien plus que cela à vrai dire – entamé en 2006 et se refermant en 2014 », précise la « Préface de l’auteur »). Cette partie du cycle s’inscrit dans une période déterminée de l’auteur, celle-là qui a opéré « la mutation » intérieure, à l’âge de trente-six ans, d’un être dévoré par une fureur de vivre et le feu brûlant de la passion, jusqu’à un état de maturité convalescente qui correspond au laps d’écriture du livre.

Fortune de mer, Chawki Abdelamir (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 16 Mai 2022. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Al Manar

Fortune de mer, Chawki Abdelamir, éditions Al Manar, février 2022, Illust. Tarif Masri Zada, 108 pages, 25 €

Archétypes

On connaît la savante langue de la poésie arabe, arabo-andalouse ou encore préislamique, abbaside… Cette tradition classique indique pour moi une sorte de musique, des rythmes propres, des chants et des thèmes nobles. Et je remarque que souvent cette influence se retrouve aussi dans la poésie contemporaine. Chaque poète d’aujourd’hui se place dans cette tradition, tout autant Abdellatif Laâbi, Adonis, Dib, que Darwich. Je compare cela (peut-être abusivement) à la peinture de montagne en Chine qui est restée fixée dans ses codes près de mille ans.

Ici, avec ce recueil de Chawki Abdelamir, cette question de la filiation se pose aussi. Car le poète utilise une langue arabe, faite je crois tout spécialement pour la poésie, et l’utilise sans méfiance, sans soupçon. Cependant, je n’ai pas abordé le livre avec les yeux d’un spécialiste de la poésie orientale, car je n’ai pas suffisamment de compétences pour y voir toutes les continuités ou les ruptures. J’y ai trouvé une joie simple de liseur, bercé par des musiques et leurs échelles de sons particulières, par les chansons de Oum Kalthoum ou Asmahan, ou par la tension de la musique vocale ou instrumentale, les maqâms

Mes instantanés, Beyrouth-Paris, 1990-2021, Ninar Esber (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 09 Mai 2022. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Mes instantanés, Beyrouth-Paris, 1990-2021, Ninar Esber, éditions du Canoë, mars 2022, 160 pages, 15 €

 

La Libanaise Ninar Esber propose ici, après deux autres livres, son premier livre de poèmes. C’est un recueil, dense, fort, hallucinant de réalité réinterprétée et revécue, dans le sillage d’un Zrika, celui des Bougies noires.

Livrer, de Beyrouth, une image qui ne soit pas seulement historique, ethnographique ou simplement humaine, mais la matière même d’un regard qui a percé le réel de toutes parts pour y mettre la guerre, la faim, la ruine, la peur, la blessure. On sent le souffle, le soufre, la hantise des lieux, le bruit des balles, des obus, des corps.

De Beyrouth à Paris, où elle vit et travaille, la poète nomme toutes les tensions qui traversent un corps dans une ville qui tremble. Faire l’apprentissage de la mort dans son propre corps, ressentir aussi la progression des blattes, humer et détester la poussière, parler du corps ankylosé par la peur : tout cela figure bien ici au sein de poèmes dont l’instant est garant en matière de ressenti et de vécu :

L’Os dans le nez, Aure Meury (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 09 Mai 2022. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

L’Os dans le nez, Aure Meury, éditions Milagro, mars 2022, 116 pages, 16 €

 

Voyage

C’est à un voyage dans la psyché auquel nous convie le poème de Aure Meury. Car on voit par transparence dans le texte, un paysage accidenté, fragmenté et épars. C’est bel et bien une circumnavigation à laquelle nous livre cet épithalame, celui de la noce de la poétesse avec son écriture. Le monde en tout cas questionne, cette création questionne. Mais je n’arrive pas à me départir de cette idée du périple intérieur. Ce monde reste sujet aux flux psychologiques, à des porosités entre le réel et l’imagination, monde ambigu donc, fait de parallèles entre différentes images inexplicables, en somme de la poésie. Ce monde instable arrive à se dire dans une prosopopée individuelle et originale, celle de l’écrivaine comprise comme absente à elle-même.