Identification

Poésie

La Maison loin de la mer, France Burghelle Rey (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 09 Février 2022. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Editions Douro

La Maison loin de la mer, éditions Douro, juin 2021, 72 pages, 15 € . Ecrivain(s): France Burghelle Rey

 

Dans une collection qui vise à honorer l’atelier de « fabrique » de l’écrivain et à offrir au lecteur le noyau même de l’écriture, France Burghelle Rey tisse tout à la fois le récit de l’écriture présente et les méandres d’une mémoire qui ceint le tilleul, l’odeur du village natal et les personnages précieux du passé, parfois difficiles à cerner tel cet homme, telle cette Rose, grand-mère pourvoyeuse.

Le talent de l’auteure est de montrer l’anamnèse difficile des moments clés d’une vie enfouie, de les éclairer avec les œuvres en train d’être lues ou rappelées.

Ainsi défilent les poèmes de soi ou d’autres, les extraits d’Ancet, de Singer ou de l’amie Geneviève Hutin, hélas disparue.

France Burghelle Rey tâtonne, revient à la cause, s’acharne pour dépecer ce mystère de la « maison » d’écriture (comme le nomme Dorion).

Pourquoi écrire ? Pourquoi passer tant de temps à orner sa vie des mots qu’il faut requérir, avec joie, avec peine ?

Capter l’indicible, Silvaine Arabo (par André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Lundi, 07 Février 2022. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Capter l’indicible, Silvaine Arabo, éd. Rafael de Surtis, Coll. Pour une Terre interdite, 2021, 80 pages, 15 €

 

 

C’est évidemment un paradoxe que de vouloir, comme le fait Silvaine Arabo, consacrer son dernier recueil à « capter l’indicible », c’est-à-dire à saisir, circonscrire, retenir par les mots ce qui par définition ne saurait l’être. Dès le titre s’installe donc une tension qui va traverser les soixante-six poèmes du recueil qui sont comme autant de tentatives pour la résoudre, ou mieux pour en tirer tout le potentiel poétique, tout le suc. Il s’agit de faire advenir, par une intensité d’observation et d’écoute, la véritable nature du monde qui nous entoure et que les vers vont s’efforcer de révéler. Avec peut-être, au bout du compte, l’éventualité de « n’aimer désormais /…Que l’aile et son reflet / Et l’eau de la rivière », de « descendre doucement vers le fleuve /…Pour s’y dissoudre », comme le suggèrent le premier et le dernier poème du recueil, horizon de cette quête qui est aussi un cheminement personnel.

Nos silences animaux, Serge Ritman (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 07 Février 2022. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Nos silences animaux, Serge Ritman, éditions Collodion, novembre 2021, dessins Laurence Maurel, 72 pages, 12 €

Acuité

Ce qui frappe tout de suite à la lecture de Nos silences animaux, c’est la certitude du trait. Il ne fait pas preuve d’hésitation. Le texte est donc décidé dès les premières lignes et il manifeste clairement son lien avec la langue, lieu sûr et presque stable, assuré, qui nous permet clairement d’entrer de plain-pied dans l’univers du poète. Je dis donc poésie nette, car encline à la force paisible du contour littéraire. Du reste, ces poèmes s’accompagnent des fusains et lavis de Laurence Maurel. J’y vois la revendication d’une volonté définie de s’intéresser au mouvement de la plume, sorte de certitude pour la peintre (et ici pour le poète) d’une confiance dans le geste sans repentir, directement présent à la figure (ici au poème). Cette opération du pinceau ou du stylographe se teinte d’une vérité du discours pictural ou poétique.

avec dessiner ou écrire

à vite qu’il signe à même mon tissu

de serge

Sève noire pour voix blanches, Jean-Louis Bernard (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mercredi, 02 Février 2022. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Sève noire pour voix blanches, éditions Alcyone, octobre 2021, 59 pages, 17 € . Ecrivain(s): Jean-Louis Bernard

 

Dans ce recueil, Jean-Louis Bernard nous invite à appréhender le réel à travers un jaillissement poétique de noir et de blanc. Ensemble, noir et blanc tissent le monde en lui apportant respectivement le vide et la matière, le mystère et l’évidence. Ils ne sont pas dans l’opposition mais plutôt dans une forme d’union sacrée immanente et permanente. De la « blanche ténèbre » à « la nuit de craie », on perçoit, dans le souffle des mots, le crépuscule qui « émiette sa clarté ». On se laisse envahir par l’atmosphère envoûtante qui s’installe au fil des pages, « entre les orties noires / et la blancheur des heures ».

Bientôt, on en devient presque un simple éclat d’encre, une « blanche / paraphe » ou une goutte « noire / flambée d’un écho ». On avance dans la pleine lucidité, conscients d’être amenés tôt ou tard à rejoindre ces « yeux des dormants », et déjà on sent dans nos pupilles ce « noir / révulsé de lumière ».

Dans l’herbe, Victor Malzac (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 28 Janvier 2022. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Cheyne Editeur

Dans l’herbe, Victor Malzac, décembre 2021, 64 pages, 16 € Edition: Cheyne Editeur

 

Ce second livre de Victor Malzac vient de recevoir le Prix de la Vocation 2021.

En quatre longs poèmes, le livre déploie une quête, une soif, une volonté de comprendre son corps, son âme, ses proches. On est dans le cœur-corps d’un jeune homme qui n’en finit plus de découvrir ses plaies, ses désirs, ses envies « dans un parc », « dans l’herbe ».

Il a des compagnons de fortune (ou d’infortune), des parents, il n’a pas d’âge, il multiplie les saccades de langage, il s’interrompt, il gère sa fatigue, ses pulsions, il ne gère rien du tout et sa langue beugue, beugle, gémit, ardente, improvisée, syncopée en diable.

C’est la langue juvénile et si mature d’un jeune poète flamboyant, qui flambe sa jeunesse à coups de vers nouveaux.

Cette langue de vrai poète – jaculatoire et forte – mime tous les assauts d’un cœur-corps qui se découvre, qui a la faim de tout, qui mange et veut manger, et veut « boire la mousse de mon nombril ».