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Nouvelles

L’absente (1) - Rétractation, par Sandrine Ferron-Veillard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mardi, 04 Octobre 2016. , dans Nouvelles, Ecriture, Ecrits suivis, La Une CED

 

J’avais été happé jusqu’à cette maison, située au bord d’Oneroa, en bord de mer. Un « bateau ancré au port de Waiheke attendant son hôte ». J’avais jugé ce descriptif traduit en français, mauvais, ordinaire. Néanmoins, j’avais réservé pour dix-neuf nuits. Depuis un site internet. J’avais versé une caution dès ma transaction confirmée. J’étais pressé.

J’étais. J’étais heureux parce que nous fêtions, mon épouse et moi, nos deux anniversaires, ses quarante ans, mes cinquante ans, nés un douze janvier.

Waiheke était une étendue de terre éventée au sud de Sydney, au sud de Nouméa, un point dans un océan Pacifique. Nous partions au bout du monde, pour vingt-et-un jours, au pays des kiwis, sans trop savoir où. Je refusais de voir des images, j’écartais toute documentation qui m’informerait sur ma prochaine destination. D’abord m’immerger puis nous surprendre. Je me renseignerai dès notre retour. Je procédais ainsi, organisant nos escapades par intuition, toujours au dernier moment. Nous voyagions avec un bagage, des papiers et un bouquin pour deux. Marguerite Yourcenar et son Denier du rêve. Nos attentes en poche, deux papiers au format A4 pour toute confirmation, des coordonnées, des numéros et une adresse.

Heureuse celle qui pleure l’amant perdu, par Nadia Agsous

Ecrit par Nadia Agsous , le Mercredi, 21 Septembre 2016. , dans Nouvelles, Ecriture, La Une CED

 

Alors qu’elle avance lentement dans les ruelles étroites et enchevêtrées à peine animées de la haute Casbah, une voix masculine sur fond de musique douce et lente s’échappe d’une demeure construite sur le point culminant de ce lieu qui, malgré son état de délabrement, ne se lasse pas de charmer et d’enchanter les âmes fuyantes. A l’heure du crépuscule maudit.

Soudain, elle a la vague impression d’entendre des chuchotements. Là… Derrière elle. Non… Non… Juste là… Devant son visage ébahi. Dans le creux de ses oreilles qui bourdonnent de peur. Des Bouts de récits. Des fragments de révélations à peine audibles. Susurrés… Vécus sur le chemin de jadis. Peuplé de secrets engloutis par les terres du couchant.

Là… Là… Sur les murs de cette grande maison ancestrale hantée par la malédiction. Oui ! Oui ! Sur la façade lézardée de cette  demeure qui abrite des êtres fatigués de vivre une existence en proie au désordre et à la déperdition. Et tout à coup, sur son corps assiégé par l’étonnement, une foultitude de mots. Qui tournent le dos à l’échec de cette tentative désespérée de donner un sens à cette vie en éclats. Des mots… des mots… des mots… Oui. Oui. Des mots. Ô malheur ! Les voilà qu’ils parlent une langue désarticulée. Son sens échappe à sa compréhension.

Akousmate, suis-je ?, par Nadia Agsous

Ecrit par Nadia Agsous , le Mercredi, 17 Août 2016. , dans Nouvelles, Ecriture, La Une CED

 

« Ma petite-fille, demain, tu grandiras ! Belle et instruite tu seras ! Pendant que le temps gravera ses empreintes sur ta peau douce et luisante, tu prendras alors conscience que toi seule es maîtresse de ta destinée. De tes deux mains que j’ai embrassées, caressées, cajolées et bénies, tu te libèreras des chaînes millénaires ! Fière, lucide et rebelle, tu affranchiras ces femmes qui guettent le retour de Shah’Razade qui s’en allée vers des ailleurs cléments. Il y a de cela une éternité !

Kane ya makane !

Je me souviens encore de ce cri animal que le roi Shah’Riyât lança dans son palais lorsqu’au petit matin, il découvrit la disparition de celle qui avait aimanté son corps et humanisé son cœur ».

Ainsi parla ma grand-mère sur son lit de mort. Et avant de rendre l’âme, dans cette chambre imprégnée d’une forte odeur de fatalité, de sa main tremblante, elle me fit signe de m’approcher de son corps à moitié endolori. Et elle murmura à mon oreille :

Voulfe 4 & 5 (Fin), par Joëlle Petillot

Ecrit par Joelle Petillot , le Mardi, 05 Juillet 2016. , dans Nouvelles, Ecriture, Ecrits suivis, La Une CED

 

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Victoire arriva au concert légèrement en avance, décidée à ne pas en perdre une miette et fin prête pour l’inconfort des chaises ecclésiastiques, tant il est vrai que le prix de l’illumination se mesure dans toutes les églises du monde à l’intensité d’un mal de fesses carabiné.

Elle s’assit et ouvrit le programme remis par une dame maussade en chemisier à jabot moisi.

Couperin, Bach, Rameau. Et le Tic-Toc Choc en finale.

Elle jeta un œil distrait à la photo de l’artiste, dont le gentil sourire flouté lui parut charmant, autant qu’on pût l’augurer d’un noir et blanc reproduit avec une mauvaise photocopieuse.

Voulfe (2 & 3), par Joëlle Petillot

Ecrit par Joelle Petillot , le Mardi, 28 Juin 2016. , dans Nouvelles, Ecriture, Ecrits suivis, La Une CED

 

-2-

 

Elle s’éveilla le lendemain avec l’arrière-gorge râpée. Elle avait dû ronfler, mais quelle importance, puisque personne d’autre qu’elle n’occupait sa couche… Au fait, mais si !

Encore ensommeillée, elle se redressa un peu et le vit. Il n’avait pas bougé d’un pouce, couché à côté de ses pieds avec la même tranquillité que sur son paillasson la veille. Il aurait coincé une pancarte entre ses deux pattes de devant – dont l’une noire et étoilée –, avec je suis à la bonne place peint en rouge, que sa confiance n’eût pas semblé plus aveuglante.

Victoire, contente comme tout de le trouver là, se leva avec un vaste sourire, et dit en passant près du chien qui n’avait pas bronché : « T’es une bonne nature, toi ».