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Les Livres

Kentucky Straight, Chris Offutt (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 20 Novembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Nouvelles, Gallmeister

Kentucky Straight, mai 2018, trad. américain Anatole Pons, 163 pages, 8,30 € . Ecrivain(s): Chris Offutt Edition: Gallmeister

 

Âpres, souvent violentes, ces neuf nouvelles ont le goût et l’accent du territoire où elles se déroulent. Le Kentucky bien sûr, mais beaucoup plus précisément dans un bout de Kentucky grand comme un mouchoir, à l’est de Rocksalt, entre la Clay Creek et la Blue Lick River. Un territoire oublié des dieux, pauvre et sauvage et dont les habitants ne le sont pas moins.

Des gens frustres, brutaux, qui survivent avec les plus pauvres moyens mais gardent néanmoins, sous la plume de Chris Offutt, une vraie dignité humaine. La religion est là comme une maladie nerveuse, juste habituelle et répétitive, sans aucune spiritualité. Et le rapport aux animaux et à la nature n’est fait que de besoins, sans une once d’émotion esthétique ou morale.

« Quand j’étais petit, on avait un coonhound qui s’était fait arroser par une moufette et qui avait eu le culot de venir se coucher sous la terrasse après ça. Il pleurnichait dans le noir et voulait pas sortir. Papa lui a collé une balle. Il puait quand même toujours, mais papa se sentait mieux. Il a dit à maman qu’un chien qui sait pas faire la différence entre un raton laveur et une moufette, il faut le tuer » (La sciure).

Nos richesses, Kaouther Adimi (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 20 Novembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Maghreb, Points

Nos richesses, septembre 2018, 192 pages, 6,60 € . Ecrivain(s): Kaouther Adimi Edition: Points

Faire d’une vie d’éditeur un roman, c’est le projet que s’est donné cette jeune écrivaine de trente-deux printemps, née à Alger, vivant aujourd’hui à Paris. Alger n’est pas pour rien dans cette histoire puisque la capitale algérienne joue un grand rôle, elle est l’un des décors importants de cette aventure.

Edmond Charlot, né en 1915, décédé en 2004, fut dans les années trente et quarante une figure héroïque de l’édition à Alger. La librairie qu’il ouvrit devint un vivier de littérature et d’écrivains d’artistes, accueillis dans un mouchoir de poche, un local de quatre mètres sur sept, 2 bis, rue Charras. Camus, Armand Guibert, Jean Amrouche, entre autres, sont passés par cet étonnant lieu de culture, tenu à bout de bras par Charlot et une petite équipe.

Le roman recrée des épisodes de la vie de cet intellectuel rassembleur et passeur grâce aux « Carnets », en alternance ici avec l’aventure d’un jeune étudiant, Ryad, chargé en 2017 de déblayer la Librairie Charlot Les Vraies Richesses, de jeter les livres restants. Au grand dam d’Abdallah, « le dernier gardien des lieux ». La librairie a fermé depuis longtemps, nullement débarrassée. Elle est restée telle après les avanies du temps, quelques parcours agités. La figure de cet ancien, drapé de blanc, rappelle combien le livre était pour lui un trésor à conserver dans les meilleures conditions. Le temps va en décider autrement.

La Stásis dans la politique d’Aristote La cité sous tension, Esther Rogan (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 20 Novembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Classiques Garnier

La Stásis dans la politique d’Aristote La cité sous tension, janvier 2018, 430 pages, 52 € . Ecrivain(s): Esther Rogan Edition: Classiques Garnier

 

On connaît la formule d’Aristote suivant laquelle l’être humain est unzoôn politikon, un animal destiné à la vie en société. Comme l’ont montré les multiples exemples d’enfants sauvages ou d’enfants-loups (qu’il se soit agi d’expériences ou de hasards), aucun individu ne peut se développer normalement loin de ses semblables.

Une fois ce principe posé, Aristote ne s’est pas contenté d’imaginer, comme tant de penseurs, une société idéale, harmonieuse, où chacun vivrait en bonne entente avec ses semblables. Il a introduit au cœur de sa vision une notion redoutable, la stásis, vocable polysémique, que les dictionnaires de Bailly et de Magnien-Lacroix traduisent par soulèvement, révolte, division politique entre deux personnes, opposition, désaccord, querelle… Le mot n’est pas spécifique au lexique aristotélicien, qui se retrouve dans le Nouveau Testament.

Des ailes au loin, Jadd Hilal (par Nadia Agsous)

Ecrit par Nadia Agsous , le Lundi, 19 Novembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Moyen Orient, Elyzad

Des ailes au loin, mars 2018, 214 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Jadd Hilal Edition: Elyzad


Naïma, Ema, Dara et Lila ou l’exil en héritage

Un roman choral. Une polyphonie narrative menée avec brio par Jadd Hilal qui, tout au long d’un récit enchâssé, fait parler quatre femmes. Quatre générations. Quatre histoires de vie erratiques. Quatre destins. Quatre voix féminines qui livrent un pan de leur histoire familiale et individuelle. Car chez ces femmes exilées, la grande histoire est imbriquée dans la petite histoire.

Naïma. Ema. Dara. Lila. Ces quatre femmes sont les personnages principaux du premier roman de Jadd Hilal, intitulé Des ailes au loin. Elles sont libano-palestiniennes. Elles sont liées les unes aux autres par une histoire familiale mouvementée et tumultueuse et par l’appartenance à une terre habitée par « l’absence ». Car toutes celles et tous ceux qui la quittent ne reviennent pas.

L’oiseleur, Pierre Lepère (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Lundi, 19 Novembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Z4 éditions

L’oiseleur, juin 2018, 104 pages, 12 € . Ecrivain(s): Pierre Lepère Edition: Z4 éditions

 

« Et n’étant plus personne Reconquérir Ithaque », écrit le poète Pierre Lepère dans L’île intérieure, l’un des poèmes constituant le premier volet, Intimité, de son nouveau livre paru chez Z4 éditions, L’oiseleur. Car, « au commencement comme à l’achèvement suffit le Verbe », note Hans Limon dans l’Avant-propos. Suffit effectivement le Verbe, le chant poétique, à celui qui, éternel passant et passager du ciel migratoire, effleure pudiquement mais s’approche tragiquement d’une bribe de ses ailes le cadastre d’humanité, le sien ouvert à l’univers – d’une aile, d’un regard, à l’affût pacifique de ce qui se trame au pays des Hommes et de la Terre. L’oiseleur est ce marchand qui prend les petits oiseaux à la pipée, aux pièges, aux filets. Le poète-oiseleur, pacifiste, capte par le « filet de lueurs » et par ses « stances orphiques » une réalité prise au risque des mots : celui de l’envol, forcément ravissant, à la prise de vue d’envergure, heureuse et/ou malheureuse, l’augure aléatoire dans le ciel quotidien mais augural dans la forêt des signes et des songes emparfumée de brume et de soleils noirs ou de tonicité magnétique à l’instar du sens de l’orientation des oiseaux livrés, corps entier, à l’altitude mystérieuse, énigmatique.