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Les Livres

Trame : Anthologie 1991-2018 suivie de L’Amour là, Pascal Boulanger (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 16 Novembre 2018. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Trame : Anthologie 1991-2018 suivie de L’Amour là, Pascal Boulanger, Tinbad Poésie, octobre 2018, 368 pages, 30 €

« Le chant sera pur élan du cœur

Il détache une page il la plie

Les gris sont bleus

Il renonce au repas sanglant

La goutte d’encre est la nuit

Il écrit : la poésie doit être négation de la négation… »

(Le bel aujourd’hui)

Trame est une anthologie, un mot bienvenu qui s’appuie sur une fleur grecque, anthoset que l’on pourrait associer à anthèse, l’épanouissement de la fleur. Une anthologie qui n’a jamais aussi radicalement porté son nom : les épanouissements de la lettre et donc de la poésie libre et vivante.

Journal de l’Année de la Peste, Daniel Defoe (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 15 Novembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Folio (Gallimard), Histoire

Journal de l’Année de la Peste (A Journal of The Plague Year, 1720), trad. anglais Francis Ledoux, 377 pages, 8,30 € . Ecrivain(s): Daniel Defoe Edition: Folio (Gallimard)

 

De Daniel Defoe, qui ne connaît pas Robinson Crusoé ? La célébrité du naufragé le plus connu de la littérature universelle a (presque) effacé de nos jours le reste de l’œuvre dans lequel surnagent Moll Flanders et ce Journal de l’Année de la Peste.

A mi-chemin de l’histoire et du roman – c’est un narrateur qui parle – ce livre est une chronique subjective et très documentée sur la funeste année 1665, lors de laquelle La Grande Peste emporta probablement 100.000 londoniens, soit environ 20% de la population de la capitale anglaise.

La Peste, sous la plume de Defoe, est un sujet parfait pour faire de Londres un tableau à la fois terrible et révélateur des données sociales de la grande ville de l’époque. La maladie semble avoir été apportée par des bateaux en provenance des Pays-Bas en 1664. Elle fit plusieurs victimes pendant l’hiver 1664-1665, mais les grands froids empêchèrent son extension. Par contre, le printemps et l’été 1665 furent inhabituellement chauds et l’épidémie commença à prendre de l’ampleur.

Berlin finale, Heinz Rein (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Jeudi, 15 Novembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Roman, Belfond

Berlin finale, septembre 2018, trad. allemand Brice Germain, 869 pages, 23 € . Ecrivain(s): Heinz Rein Edition: Belfond

 

Peu de romans méritent, réellement, le qualificatif de grands romans, d’œuvres-clé susceptibles de marquer la littérature de leur époque de parution. Dans la littérature allemande, caractérisée par le courant de la Trummerliteratur, littéralement la littérature des ruines qui a marqué l’immédiat après-guerre, on ne retenait pas le nom de Heinz Rein, auteur de ce roman. Cette œuvre se situe, non pas dans l’après-guerre mais dans la période s’étendant entre le début du mois d’avril 1945 et le 30 avril, à la veille de la reddition des troupes allemandes et de la prise de Berlin par l’Armée rouge.

Ce roman peut s’inscrire dans la lignée de celui de Hans Fallada, Seul dans Berlin, qui décrit la tentative de résistance au régime nazi d’un contremaître dans une usine berlinoise. Cependant, il va beaucoup plus loin : les principaux personnages du roman, le Docteur Walter Böttcher, médecin généraliste, ancien membre du parti social-démocrate, tête du groupe de résistance Berolina ; Friedrich Wiegand, imprimeur typographe, clandestin, persécuté par la Gestapo depuis douze ans ; Joachim Lassehn, déserteur de la Wehrmacht, ancien étudiant en musique ; Klose, un restaurateur qui héberge ces clandestins ; tous illustrent à un moment ou un autre du roman l’état de la société allemande à cette époque.

Zabor, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Jeudi, 15 Novembre 2018. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

 

« Ecrire est la seule ruse efficace contre la mort. Les gens ont essayé la prière, les médicaments, la magie ou l’immobilité, mais je pense être le seul à avoir trouvé la solution : écrire. Mais il fallait écrire toujours, sans cesse, à peine le temps de manger ou d’aller faire mes besoins, de mâcher correctement. Beaucoup de cahiers qu’il fallait noircir. Je les achetais, je crois, selon le nombre des gens que je rencontrais : dix par jour, parfois deux (quand je ne sortais pas de la maison de mes grands-parents) ou plus ; une fois, j’ai acheté 78 cahiers, d’un seul coup, après avoir assisté au mariage d’un voisin. Le plus proche libraire me connaissait et ne me posait jamais de question sur mes achats : dans le village on me désignait comme étant le fils du postier, celui qui lisait, sans cesse, et on comprenait un peu que je noircisse les cahiers comme un possédé. On m’envoyait les vieux livres trouvés, les vieilles pages jaunes des colons, des revues déchirées et des manuels de machines disparues. J’étais silencieux et brillant aux écoles et j’avais une belle écriture appliquée. Donc j’achetais les cahiers en recomptant, les yeux fermés, le corps allongé sous la vigne tourmentée de notre cour, pendant l’heure de la sieste, les gens rencontrés, la journée précédente.

Tragédies, Sénèque (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 14 Novembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Théâtre

Tragédies, Sénèque, Les Belles Lettres, Classiques en poche, 2017, édité par François-Régis Chaumartin, édition bilingue, trad. Olivier Sers, 640 pages, 19 € . Ecrivain(s): Sénèque


Thyeste ou le monstrueux théâtre

Les anciens élèves latinistes ont tous travaillé un jour ou l’autre sur Sénèque et ce sont surtout les Lettres à Lucilius qui ont retenu l’attention de leurs professeurs. L’enseignement du latin avait sans doute quelque chose à voir avec l’éducation morale de la jeunesse, au sens noble du terme. Les tragédies (dangereuses peut-être) n’étaient que très rarement abordées dans les exercices de version. Le théâtre tragique latin n’avait pas le prestige, la primauté historique de la dramaturgie grecque. On pourrait sans trop se tromper faire le même constat en matière de mises en scène : Eschyle, Sophocle, Euripide sont les génies, les initiateurs de la grandeur tragique célébrés partout dans le monde sur les plateaux tandis que leurs successeurs latins, pâles imitateurs de leurs œuvres n’ont droit de cité que bien rarement même si les comiques Plaute ou Térence ne sont pas totalement tombés dans l’oubli.