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Les Livres

L’enfant du bonheur et autres proses pour Berlin, Robert Walser

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 15 Janvier 2018. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Zoe

L’enfant du bonheur et autres proses pour Berlin, trad. allemand Marion Graf, 304 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Robert Walser Edition: Zoe

 

L’écrivain suisse, de langue allemande, né en 1878, est décédé à 78 ans en 1956. De 1907 à 1933, l’auteur a publié de très brèves chroniques (de deux à quelques pages) dans le Berliner Tageblatt.

D’une thématique très variée, ces chroniques couvrent des sujets qui vont du fait divers (une soirée d’incendie) à des réflexions sur l’art d’écrire, en passant par de courts récits (rêves ou choses vues).

La plume, alerte, élégante, fluide, révèle un art très sûr de l’air du temps et des atmosphères d’une époque riche, à l’heure du charleston et autres bas-bleus de ce temps.

La brève note, la chronique du jour, la notation sur le vif (à la Léautaud mais en moins acide, certes) servent bien le propos d’un auteur saisi de l’art d’écrire vite et bien.

Le statut même de l’écrivain y trouve sa place, dès l’entame du livre (pp.8-10) :

Attendre encore, Pierre Ménat

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Vendredi, 12 Janvier 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Attendre encore, Editions du Panthéon, novembre 2017, 296 pages, 20,90 € . Ecrivain(s): Pierre Ménat

 

Pierre Ménat nous propose ici une variation philosophique et fictionnelle sur l’attente, concept illustré ou développé par des auteurs aussi différents que Proust, Beckett, Gracq, Ionesco, Buzzatti ou Winnicott.

L’attente, dans les domaines tant personnels ou amoureux que professionnels, est ce qui caractérise l’espèce humaine, et les personnalités du monde diplomatique, quelles que soient la vitesse et l’intensité auxquelles se déroule leur existence, n’y échappent pas. Savoir attendre (jusqu’à la mort ?) tout en comblant cette attente est une compétence appréciable que possède Luigi di Scossa, nommé ambassadeur du Luxembourg en Roumanie après avoir pantouflé dans le secteur bancaire pendant une dizaine d’années.

« Car l’attente est d’abord le propre de ceux qui cherchent, sans toujours savoir qui ou quoi. »

« […] cette mécanique, observée aux jeux de l’amour, était propre à son être et envahirait tous les versants de sa vie. »

Je suis ici pour vaincre la nuit. Yo Laur (1879-1944), Marie Charrel

Ecrit par Zoe Tisset , le Vendredi, 12 Janvier 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Je suis ici pour vaincre la nuit. Yo Laur (1879-1944), Marie Charrel, Fleuve éditions, août 2017, 348 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): Marie Charrel

 

L’auteur veut connaître mieux cette arrière-grand-tante, artiste mystérieuse ayant navigué entre Paris, Alger et Ravensbrück. Il reste d’elle quelques tableaux et quelques rares témoins qui l’ont connue. « C’était une artiste merveilleuse et une aventurière. Elle a vécu mille vies en une et visité tous les mondes. Elle a traversé l’enfer. Elle s’appelait Yo Laur ». A travers cette quête, l’auteur chemine aussi dans un voyage intérieur vers sa propre histoire. « J’ai étudié le visage de mon demi-frère et j’ai compris que nous ne tenions pas nos yeux du même homme. Du verre s’est brisé en moi ».

Le livre alterne entre un journal fictif de Yo Laur et les avancées de l’auteur pour retrouver toutes les traces possibles de cette femme artiste si singulière. « Pendant des mois, je n’ai pensé qu’à l’Algérie. Je me suis gorgé d’ouvrages savants (…). Yo Laur, femme seule, époux au front, a-t-elle osé franchir les frontières ? S’est-elle mêlée aux indigènes ? ». Il y a la volonté de sortir cette femme de l’ombre. Le lecteur croise aussi ces chevaliers du ciel, amoureux des vols libres et qui ont combattu pendant la première puis la seconde guerre.

De l’avantage d’être en vie, Mathieu Terence

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 12 Janvier 2018. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Gallimard

De l’avantage d’être en vie, 128 pages, avril 2017, 12 € . Ecrivain(s): Mathieu Terence Edition: Gallimard

 

Mathieu Terence écrivait dans Petit éloge de la joie (Folio, 2011) : « La joie n’est pas volontaire. Elle ne se décide pas, pas plus qu’elle ne se décrète. Il faut fuir comme la peste ceux qui en vendraient la recette. En revanche, la joie exige un climat favorable : un état d’esprit pareil à un état de grâce. Le climat favorable se favorise ».

Dans la lignée d’Ezra Pound, qui lance : « Que l’amour m’apprenne à composer un chant qui ne soit ni second, ni troisième, mais premier à libérer le cœur aigri », De l’avantage d’être en vie nous invite, fragment après fragment, à cet « état d’esprit pareil à un état de grâce ».

Le programme de cet essai peut se résumer ainsi : « Une sagesse est à opposer au nihilisme. Une sagesse échappant à ses prédicats morbides, à son hypnose consumériste et à sa dangereuse frustration. […] On peut cultiver son second souffle et rompre son isolement en partageant la joie d’une vie délivrée du conditionnement mélancolique, une vie véridique. On peut célébrer l’avantage d’être en vie ».

Averroès ou le secrétaire du diable, Gilbert Sinoué

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Jeudi, 11 Janvier 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Roman, Fayard

Averroès ou le secrétaire du diable, octobre 2017, 304 pages, 20,90 € . Ecrivain(s): Gilbert Sinoué Edition: Fayard

« Venus des étoiles, descendent des parfums enivrants et résonnent des mélopées anciennes, tandis que, adossée aux remparts de la Ville rouge, la nuit parle à ma mémoire.

Je suis venu comme l’eau.

Je suis venu comme le vent.

Bientôt, l’aube lancera dans la coupe des ténèbres la pierre qui fera s’envoler les étoiles.

Qui suis-je ? »

C’est sur ces mots que s’ouvre la longue confession d’Averroès, narrateur de cette biographie romancée et poétique, où l’on retrouve le parcours de ce grand penseur de l’islam des Lumières, un Islam éclairé « marqué par la volonté de concilier foi et raison », la philosophie et la Révélation, Aristote et Mohamad. Le récit est construit en aller-retour depuis sa naissance et à travers les siècles marqués par l’empreinte qu’a laissée cet illustre philosophe. Né à Cordoue, en 1126, il dit écrire pour son fils Jehad, pour le mettre en garde contre l’intolérance dans laquelle s’enfonce le monde et contre l’obscurantisme, les dérives et les mauvaises interprétations du Coran. Jehad aura pour mission de remettre ces mémoires en mains propres à Ibn Arabi.