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Les Livres

Wilderness, Lance Weller (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 13 Décembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Gallmeister

Wilderness, trad. américain François Happe, 406 pages, 10,60 € . Ecrivain(s): Lance Weller Edition: Gallmeister

 

Ici, en suivant Abel et son chien, vous rencontrerez des paysages somptueux, des personnages déchirants, les terreurs de la Guerre Civile américaine et surtout un écrivain magnifique, Lance Weller, direct descendant de Thomas Wolfe, Jack London et Cormac McCarthy. Ce livre est un premier roman ; autant le dire tout de suite, Weller commence sa carrière d’écrivain par un chef-d’œuvre.

Abel Truman est un vétéran de la Grande Guerre Civile. Il erre au bord de l’Océan, au Nord-Ouest des USA. Seul – non, avec un chien trouvé un jour – perdu dans l’immensité, la pauvreté, une infinie tristesse. Une tristesse qui vient de loin, des coups terribles que la vie lui a portés. Deux drames épouvantables le hantent ; l’un, privé, la perte de sa fille et de sa femme, dans des conditions déchirantes ; l’autre, connu dans tous les livres d’Histoire américaine : la terrifiante Guerre civile qui déchira l’Amérique de 1861 à 1865.

Journées perdues, Frédéric Schiffter

Ecrit par Arnaud Genon , le Mercredi, 13 Décembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Séguier

Journées perdues, octobre 2017, 200 pages, 21 € . Ecrivain(s): Frédéric Schiffter Edition: Séguier

 

Les vertus de l’ennui

Penseur mélancolique, écrivain, philosophe surfeur cultivant dandysme et détachement du monde (mais ne l’appelez pas philosophe, il déteste ça), Frédéric Schiffter s’est notamment fait remarquer pour sa Philosophie sentimentale (Flammarion, Prix Décembre 2010) et son émouvant On ne meurt pas de chagrin (Flammarion, prix Rive Gauche 2016). Lorsque Jean Le Gall, directeur des éditions Séguier, lui proposa lors d’une après-midi d’août 2016 d’écrire sur « l’art de s’ennuyer à Biarritz », le livre était déjà presque terminé… En effet, quoi de mieux pour évoquer son ennui que de « rendre compte de [s]es journées vouées à regarder le temps passer », c’est-à-dire de donner à lire les pages de son journal intime ? Rien… Ces Journées perdues se présentent ainsi comme les notes tenues par l’auteur du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016.

Lettres à Dominique Rolin (1958-1980), Philippe Sollers

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 12 Décembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, Correspondance

Lettres à Dominique Rolin (1958-1980), novembre 2017, Edition de Frans de Haes, 400 pages, 21 € . Ecrivain(s): Philippe Sollers Edition: Gallimard

 

« Cela vit, s’agite, semble me cerner de toutes parts, moi et ma torpeur. Et par un phénomène intérieur assez fréquent, j’ai l’impression d’être, au-dehors, autre chose que moi-même, qui se mêle au jeu silencieux et mouvant du jardin ; de me perdre et de m’ignorer sans trop de peine. Je suis donc pour finir, un jardin qui t’aime, et rien d’autre : c’est trop fatigant » (Feydeau, lundi 23-24 mars 1959).

Dominique Rolin est la grande aventure romanesque et physique de Philippe Sollers, l’absolue complicité. Cette correspondance (le premier acte, les autres sont annoncés) est le cœur en mouvement de deux écrivains inclassables, un premier acte saisissant de justesse, de vérité et de beauté. Et que l’on ne s’y trompe pas, il faut, pour réussir ce pari inouï, s’accorder au mouvement musical de la vie, la faire sienne, et rejeter dans les ténèbres les compromissions, les mensonges, les petits arrangements littéraires, les peurs et les hontes, et ne garder que le bonheur d’être. Je suis, donc j’écris. Je suis, donc j’aime. Je suis, donc je mets tous mes muscles à l’écoute de ce qui se révèle là sous mes yeux, semble-t-il dire.

L’implacable brutalité du réveil, Pascale Kramer

, le Mardi, 12 Décembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Zoe

L’implacable brutalité du réveil, novembre 2017, 208 pages, 9 € . Ecrivain(s): Pascale Kramer Edition: Zoe

 

Après la naissance de sa fille, Alissa sombre dans une profonde dépression. Silencieuse et invisible, sa détresse demeure incompréhensible pour son entourage : les uns sont empêtrés dans des épreuves bien plus tangibles (divorces ou mutilations de guerre), les autres s’en tiennent aux idées communes relatives à une jeune mère de famille, et, en effet, Alissa n’a-t-elle pas tout pour être une femme comblée ?

Sans le tour de force magistral de Pascale Kramer, sans doute aurait-il fallu être mère, et pour peu mère indigne, pour ressentir l’effroyable renoncement à soi qui s’impose à son héroïne. Seulement voilà, l’écriture est généreuse et fait partager, percevoir sinon presque comprendre le double sentiment de dépossession et d’oppression qui s’empare d’Alissa. Dans la vraie vie comme dans la fiction, la colère sourde ignore la demi-mesure et c’est la raison pour laquelle le lecteur ne s’étonnera guère de l’incongruité des réflexions qui entourent la naissance de sa fille Una : est-il possible que « l’épanouissement puisse naître de cette dépendance, de cette inquiétude sans rémission ni échappatoire », de cette « inguérissable fragilité, avide, perdue, souffreteuse, incompréhensible » ou encore de « cette éternité qui s’annonc[e] sans autre choix possible » ?

Les Vaisseaux frères, Tahmima Anam

Ecrit par Martine L. Petauton , le Lundi, 11 Décembre 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Roman, Actes Sud

Les Vaisseaux frères, octobre 2017, trad. anglais Bangladesh, Sophie Bastide Foltz, 374 pages, 23 € . Ecrivain(s): Tahmima Anam Edition: Actes Sud

 

Le titre reste énigmatique, plus sûrement métaphorique, jusqu’au bout du livre. Le dessin de la couverture, fin et délié – montrant deux filles à la surface de la mer ou du monde, l’une attrapant un croissant de lune – campe lui aussi dans la boîte interrogation, la meilleure porte, on le sait, pour entrer dans une histoire…

Tahmima Anam est une plume de la plus haute qualité – peut-on oser, « transcontinentale » – qui régulièrement nous embarque dans la modernité, et dans la tradition d’univers occidentaux – anglo-saxons, versant américain ici – regardant et revenant marcher dans ces terres du subcontinent Indien, ici le Bangladesh, dont les vagues si particulières de la civilisation n’ont pas fini d’arroser le monde.

Nous voilà face à des histoires croisées – les beaux tissus indiens, peut-être – depuis cet endroit du monde et cet autre, tiraillées, à n’en pas douter, probablement finies de construire, ou pas loin, au bout d’une route cahotante et douloureuse.