Identification

Critiques

Les Bonnes Gens, Laird Hunt (Par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 22 Septembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Babel (Actes Sud)

Les Bonnes Gens (Kind One), Laird Hunt, trad. américain, Anne-Laure Tissut, 241 pages, 7,80 € . Ecrivain(s): Laird Hunt Edition: Babel (Actes Sud)

Ginny est partie de la maison de ses parents pour rejoindre le Paradis. Avec l’homme qui est venu pour l’épouser, Linus Lancaster. Et sa vie sera la connaissance, longue et terrible, de l’Enfer. Lentement, comme dans une descente progressive au fond d’un gouffre, Laird Hunt nous plonge dans une histoire de peine, de douleur et de mort. C’est par la mort d’une petite fille que commence le roman. Et c’est par la mort d’une vieille dame que s’achève le roman. Il n’y a pas de place pour la lumière, pour l’espoir. Le malheur semble tellement être un destin, que les gens le vivent comme inévitable. La mort d’un bébé est ordinaire et les parents semblent la recevoir comme une fatalité. Hunt ne laisse paraître aucune émotion lors de l’accident fatal. A peine dite, la blessure est plus acérée, plus profonde.

« Le bébé s’était fait mal en tombant et quand je la sortis du puits elle était morte. Je la donnai à ma femme puis allai m’appuyer contre le flanc de la maison. Le bois était tout chaud du soleil de l’après-midi. Au-dessous du niveau de mon torse, tout était dégoulinant. Je savais que notre fille dégoulinait aussi. Elle s’était cogné la tête en tombant et avait une marque en forme de croissant au-dessus du sourcil. En me retournant, je vis que ma femme n’avait pas bougé. J’apercevais la jambe de ma fille, la peau toute tendre au-dessus de la petite bottine mouillée. Nous l’enterrâmes à côté du ruisseau ».

Janvier noir, Alan Parks / L’Enfant de février, Alan Parks (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 22 Septembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, Polars, La Une Livres, Rivages/noir

Edition: Rivages/noir

 

Janvier noir, Alan Parks, Rivages Noir, février 2020, trad. Olivier Deparis, 523 pages, 10 €

L’Enfant de février, Alan Parks, Rivages Noir, février 2020, trad. Olivier Deparis, 416 pages, 23 €

 

Alan Parks qui publie ici son premier roman policier vient rejoindre ses brillants camarades que sont William McIlvanney, Ian Rankin, Peter May, Gordon Ferris, pour n’en citer que quelques-uns. Est-ce l’urbanisme écossais, les paysages, la pluie ou le whisky qui donne cette saveur si particulière au tartan noir ? Pour notre nouveau venu, après l’avoir lu, on peut penser qu’en plus du reste, une canette d’Irn Bru lui donne son goût incomparable. L’Irn Bru appelé jadis Iron brew est l’autre boisson nationale d’Écosse après le whisky. Cette petite bouteille de breuvage orange s’exporte partout dans le monde excepté dans le complexe de golf de Turnberry, propriété de Donald Trump où ce dernier l’a fait interdire. Revenons à nos moutons.

L’amour égorgé, Patrice Trigano (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Lundi, 21 Septembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Biographie, Editions Maurice Nadeau

L’amour égorgé, septembre 2020, 236 pages, 18 € . Ecrivain(s): Patrice Trigano Edition: Editions Maurice Nadeau

Certaines vies sont des romans qu’aucun écrivain n’aurait pu inventer, ou n’aurait osé mettre en œuvre. Patrice Trigano s’est intéressé à celle, passionnante, passionnée, sombre en de multiples parts, lumineuses par nombre d’autres, de René Crevel.

Qu’on ne sache rien de René Crevel, qu’on n’ait jamais rien lu de lui n’est pas rédhibitoire : on se le campera en ce récit tel un personnage romanesque attachant au destin singulier.

Qu’on connaisse un tant soit peu le mouvement dada, le surréalisme, et les principaux protagonistes de cette période extraordinairement turbulente de créativité littéraire sera néanmoins un plus. Il est toujours fascinant de voir s’animer et évoluer dans une atmosphère de fiction des célébrités telles que Breton, Aragon, Eluard, Gala, Dali, Cocteau, Gide, Nancy Cunard, Tzara, Giacometti, Eugene McCown, Duchamp, Jouhandeau, Man Ray, Zweig et tant d’autres.

Joseph, Un jeune Hébreu devenu vice-roi d’Égypte, Maurice-Ruben Hayoun (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 21 Septembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Christian Bourgois, Hermann

Joseph, Un jeune Hébreu devenu vice-roi d’Égypte, Maurice-Ruben Hayoun, 2018, 256 pages, 25 € Edition: Hermann

Maurice-Ruben Hayoun est professeur de philosophie, mais son livre sur Joseph n’illustre pas cette spécialité universitaire. Il s’agit d’un ouvrage au carrefour de l’exégèse et de ces études de littérature comparée qui examinent la survie (Nachleben) d’un personnage ou d’un mythe à travers les siècles. Louise Vinge et Raymond Trousson ont ainsi publié des sommes érudites sur Narcisse et Prométhée. La vie de Joseph est racontée dans Genèse/Berechit 37 à 50 et le livre se clôt avec sa mort, de même que le Deutéronome/Devarim s’achève à la mort de Moïse.

M.-R. Hayoun part, avec raison, d’un constat qui est souvent négligé : les textes de la Bible sont de grands textes au point de vue « littéraire », par leur sens de la narration et de la construction, indépendamment du fait qu’on y accorde foi ou non. Joseph a vécu l’essentiel de son existence ailleurs que sur la terre de ses pères, en Égypte, la grande puissance de la région, les États-Unis de l’époque, mentionnée à mille cinq cents reprises dans la Bible, une civilisation brillante, monumentale et hantée par la mort, une civilisation à côté de laquelle les Hébreux paraissaient à tous points de vue insignifiants.

Comme une ombre portée, Hélène Veyssier (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 18 Septembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Arléa

Comme une ombre portée, Hélène Veyssier, août 2020, 129 pages, 17 € Edition: Arléa

 

Une musique, une peinture, une sculpture. Une photographie. La pièce majeure qui suit une existence, la décrit, l’habite. Ou la fait vaciller. Comme si chacun d’entre nous avait un objet qui le bouleverse, un ou plusieurs, qui le traduit.

Ce livre, c’est un couloir d’entrée. Et une peinture. C’est une phrase qui centre et fait basculer toutes les autres. À haute voix et dans le silence. Oui lire à haute voix le silence du livre. La force des images perdues qu’il génère. La réparation qu’il induit. Les formes abominables que les blessures prennent lorsqu’elles cicatrisent.

Elles cicatrisent. 1958, 1981, 1989. Trois seuils. Trois cycles.

J’aurais pu m’arrêter là. Regretter un manque d’épaisseur. J’avais lu vite. En quelques heures j’avais traversé les murs sans l’excitation de la pièce qui suit. L’après.

Je n’avais pris aucune note. J’avais recopié une seule phrase.