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Critiques

Fête la mort !, Jacques Cauda (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 27 Août 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Fête la mort !, éditions sans crispation, coédition Magazine Litzic, septembre 2020, 102 pages, 14 € . Ecrivain(s): Jacques Cauda

 

Quelle légèreté (pourquoi pas) inventer à la mort – ce boulet chevillé à nos corps périssables –, bravant l’idée d’une éternité post-mortem, franchi le sas d’un purgatoire inutile ? (comment pourrions-nous confesser nos éclats obscurs, nous pauvres barboteurs peu aptes à nous connaître nous-mêmes et, dans quel intérêt ?). Fête la mort ! déjoue avec jubilation l’idée « théseuse » que l’on veut bien nous faire, à nous communs des mortels, d’une vie dont le postulat serait un memento mori tragique ; la déjoue pour nous rejouer la mort comme une fin de partie festive. Cauda ne nous emmène pas ici au Mexique ni au sud-ouest des États-Unis pour une Día de los Muertos (Fête des Morts) ni ne nous invite à courir l’Halloween, mais tous saints et diables(ses) confondus (nettoyés de leurs oripeaux culturels), nous plonge « sans crispation » dans une contrée où la vacuité (et non la vanité) de notre vie terrestre fête la mort et (se) la fait. À l’instar de Petit Muscle ami d’enfance du Gilles (de Watteau, auquel l’adolescent narrateur se plaît à ressembler dans son accoutrement vestimentaire), lors de célébrations masturbatoires. Saucisson, Petit Muscle et le narrateur habitent la Cité (alors que « le monstre prenait forme ») et se donnent à cul joie pour transgresser les interdits de toutes sortes, brutes, « assassin(s) en devenir » ; pour défrayer la routine en révolutionnaires jusqu’au-boutistes non effrayés par les « pendus à la lanterne ».

La nature de la bête, Louise Penny (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Jeudi, 27 Août 2020. , dans Critiques, Les Livres, Polars, La Une Livres, Roman, Canada anglophone, Actes Noirs (Actes Sud)

La nature de la bête, Louise Penny, juillet 2020, trad. anglais, Lori Saint-Martin et Paul Gagné, 480 pages, 23,50 € Edition: Actes Noirs (Actes Sud)

 

Dans la superbe région des Cantons-de-l’Est à une centaine de kilomètres au sud-est de Montréal au Canada, se trouve Three Pines où l’ex-inspecteur-chef de la Sécurité, Armand Gamache, s’est retiré, après avoir frôlé la mort, pour prendre sa retraite. Au cœur de la nature canadienne, parmi les odeurs de pommes, il semble couler des jours heureux avec Reine-Marie, son épouse. Ils ont des amis, des voisins, la Troupe de l’Estrie, qui leur proposent de monter une pièce avec eux. Le choix du texte semble s’être arrêté sur le titre suivant : Elle était assise et elle pleurait, d’un certain John Fleming. Cependant l’auteur dont certains se souviennent ne paraît pas avoir laissé que de bons souvenirs dans la région.

Un jour, Laurent Lepage, un gamin de la bourgade à l’imagination fertile, qui a l’habitude de rapporter des histoires aussi abracadabrantes les unes que les autres comme celles d’invasions d’extra-terrestres, de dinosaures nageant dans le lac ou d’arbres qui marchent, franchit la porte du bistrot avec son bâton à la main, tire la manche de Gamache pour lui dire qu’il a découvert un canon géant avec une bête dessus ! L’assemblée ne prête pas attention aux dires de l’enfant.

Dans le confessionnal, et autres nouvelles, Amelia B. Edwards (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mercredi, 26 Août 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Nouvelles, Editions José Corti

Dans le confessionnal, et autres nouvelles, Amelia B. Edwards, trad. Jacques Finné, 248 pages, 18,25 € Edition: Editions José Corti

 

Si la littérature, comme d’autres domaines, est un champ infini, c’est en partie parce qu’elle nous conduit à porter notre regard vers des écrivain(e)s un peu vite oublié(e)s.

Amelia B. Edwards en sait quelque chose : Jacques Finné s’est intéressé de près à la vie et à l’œuvre de cette romancière et nouvelliste britannique, qui fut également égyptologue. En vérité, Amelia B. Edwards était plus que cela : journaliste, musicienne (elle eut le bonheur d’être soliste en tant que chanteuse lyrique), elle fut par ailleurs une conférencière très appréciée à la fin de sa vie, sillonnant l’Amérique et l’Angleterre.

Dans le recueil Dans le confessionnal et autres nouvelles, ce sont sept récits fantastiques qui nous retiennent, sept récits habités par des fantômes qui ne se révèlent pas aussi effrayants qu’on pourrait l’attendre. Sept nouvelles qui n’apporteront pas de surprise supplémentaire aux amateurs du genre fantastique à l’époque victorienne.

La mer ne baigne pas Naples, Anna Maria Ortese (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 26 Août 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Nouvelles, Gallimard, Italie

La mer ne baigne pas Naples, juin 2020, trad. italien, Louis Bonalumi, 208 pages, 18 € . Ecrivain(s): Anna-Maria Ortese Edition: Gallimard

Sur la Naples d’après-guerre, du tout début des années cinquante, le livre d’Ortese (1915-1998) n’est pas seulement un témoignage insigne, juste, équilibré, incisif et puissant, mais aussi et surtout une leçon de littérature sans moralisme mais livre tenu par le ton d’une intense morale, non défaitiste mais ouverte, non pessimiste mais qui engage le lecteur à voir plus loin, à analyser en connaissance de cause et sans a priori la lourde réalité laissée, tombée de la guerre.

Voyageuse hors pair des terres italiennes (elle a eu, avant de se poser pour les dernières années sur la côte ligure, à Rapallo, des résidences un peu partout), Ortese scrute la réalité sous toutes ses facettes. Ici, connaissant le matériau napolitain – l’extrême pauvreté de certains quartiers, les tentatives par la culture et l’écriture de sauver la ville de ses chaos, la connaissance journalistique et littéraire des jeunes écrivains, nés dans les années 20, illustrant, selon elle, la mutation d’une ville.

Total chef-d’œuvre (j’ai horreur d’utiliser ce vocable à tout propos) : La mer ne baigne pas Naples, d’Anna Maria Ortese, dont j’avais lu quelques livres, est un hallucinant portrait d’une Naples déchue (période néo-réaliste), 1953.

Doigts tachés d’ombre, Philippe Leuckx (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Mercredi, 26 Août 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Editions du Cygne

Doigts tachés d’ombre, mai 2020, 57 pages, 10 € . Ecrivain(s): Philippe Leuckx Edition: Editions du Cygne

 

C’est toujours un pari de chroniquer un livre. Mais quand il s’agit de poèmes, on est tenu à l’impossible.

C’est un homme aux mains nues qui vient à nous au fil des pages. Un homme seul. Mais d’une solitude altière. Il n’a pour seules armes que de courts poèmes. Aériens. Suspendus comme des mobiles. Le vide, autour, les fait remuer. Caresse les mots et fait frémir le blanc qui complète la page.

Poignées de vers après poignées de vers, les images tissent un cocon dans lequel elles déplient leurs ailes. On aimerait lire en fermant les yeux. Prolonger ainsi le vertige des mots et les laisser courir à l’envers des paupières. Pleurer des larmes aquarellées, des larmes bleues, qui disperseraient l’ombre.

Il y a dans ces vers des parfums, des jeux de lumière, une chorégraphie de syllabes. Il y a des attentes, des désirs de rencontre, des pluies qui purifient et la possible surprise au bout.