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Critiques

Borne 45, Denis Hamel (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 02 Septembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Borne 45, Denis Hamel, Éditions du Petit Pavé, Coll. Le Semainier, janvier 2020, 47 pages, 8 €

 

À première lecture, en le feuilletant, ce recueil poétique signé Denis Hamel pourrait sembler être écrit dans la tonalité de cet « abîme de fleurs noires » dont parle le poète sur « une route d’automne pétrie d’angoisse ». Et l’inquiétude – « l’intranquillité qui a donné son nom/ au livre de Pessoa » – traverse effectivement ce road-movie poétique. Mais un autre noir vient recouvrir le premier et diffuser sa lumière sur la page de l’existence notée ici work in progress, avec une spontanéité créative collée au plus près du rythme bringuebalant de la vie quotidienne

noircir page pour échapper au vide

car vide broie vie dans le silence

la vie broyée qui ne peut vivre

cherche lumière en page noircie

Le Consentement, Vanessa Springora (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 01 Septembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Récits, Grasset

Le Consentement, Vanessa Springora, janvier 2020, 216 pages, 18 € Edition: Grasset

 

Surgissement de la luciole : Vanessa Springora

Certains livres « délivrent » de certaine indécence organisée dans un temps pas si éloigné du nôtre. Celui de Vanessa Springora en fait partie et brille en sa soif de lumière jusqu’à l’abolition d’une obscurité. S’y brise une forme de terreur implicite face à une voracité que la bonne société a su cautionner.

Elevée par une mère divorcée et ignorée par son père défaillant, « V. » (l’auteure elle-même), comble par la lecture le vide qu’elle subit, jusqu’à sa rencontre avec « G. » (Gabriel Matzneff). Elle a treize ans et ignore tout de cet écrivain qui a tôt fait de la séduire. Le « bonze » la fascine en dépit de ses 50 printemps. Il lui écrit, sait la rassurer. Et le tour est joué.

V. se donne corps et âme à ce séducteur qui remplace un père, en dépit des menaces de la police eu égard à ce suborneur qui rend une telle idylle romantique par le danger qui couve – mais contrairement aux apparences plus pour elle que pour lui.

Lumière d’été, puis vient la nuit, Jón Kalman Stefánsson (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Lundi, 31 Août 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Pays nordiques, Roman, Grasset

Lumière d’été, puis vient la nuit, août 2020, trad. Éric Boury, 320 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Jon Kalman Stefansson Edition: Grasset

 

Le dernier roman traduit de Stefánsson, paru en islandais en 2005, est la chronique d’une communauté villageoise des fjords de l’ouest islandais. C’est le récit de leur quotidien, mélange de faits anodins – qui ne le sont pas, ou pas seulement, puisqu’ils sont l’étoffe de leurs jours – et d’événements – qu’on ne peut qualifier de tels que par les effets inattendus et décisifs qu’ils provoquent : ainsi de certain songe en latin, qui bouleverse la vie de celui qu’il visite et change celle du village tout entier.

On retrouve dans Lumière d’été, puis vient la nuit, les thèmes des autres romans de l’Islandais : la part déterminante du hasard dans la vie humaine et l’influence des rêves ; la présence de la mort – et même des morts, en l’occurrence ; l’amour, qui est souverain mais ne peut rien contre la chair ; le désir dans toute sa puissance de bouleversement et d’abrutissement ; la quête de sens ; l’écart entre les gestes et les paroles de l’homme, et son cœur, qui « reste tapi sous la surface et n’apparaît jamais en pleine lumière » ; la violence aussi – quand une femme trompée tue une chienne et tous ses chiots.

Le goût des animaux, Collectif, textes choisis et présentés par Brigit Bontour (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Lundi, 31 Août 2020. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Mercure de France

Le goût des animaux, Collectif, textes choisis et présentés par Brigit Bontour, juin 2020, 128 pages, 8 € Edition: Mercure de France

 

Ce petit ouvrage s’inscrit dans l’air du temps : voici un florilège de trente textes en faveur de la défense des animaux et de l’égalité entre les espèces, pour le bien-être animal et la préservation de la planète. Pour autant, Brigit Bontour privilégie le débat d’idées et n’a pas hésité à sélectionner des textes qui dévalorisent les animaux par rapport à l’homme (Descartes et l’animal-machine dans son Discours de la méthode), qui le présentent comme grotesque ou ridicule (Ysengrin dans Le Roman de Renart) ou qui font l’apologie d’une activité mettant l’animal en danger (Hemingway décrivant les scènes de corrida dans Le Soleil se lève aussi).

On sent bien néanmoins que les goûts de l’auteure la portent vers l’antispécisme, sur le modèle du récent texte d’Aymeric Caron (Antispéciste. Réconcilier l’humain, l’animal, la nature, Le Seuil, 2016-17), qui prône un animal à l’égal de l’homme, avec des droits (et des devoirs ?). D’autres défenseurs de la cause animale, tels la philosophe Elisabeth de Fontenay ou l’éthologue Boris Cyrulnik, sont également cités. Les auteurs qui n’auraient pas été présentés figurent dans la bibliographie succincte de la fin de l’ouvrage.

Je te protégerai, Peter May (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 31 Août 2020. , dans Critiques, Les Livres, Polars, La Une Livres, Actes Noirs (Actes Sud)

Je te protégerai, Peter May, mai 2020, trad. Ariane Bataille, 432 pages, 9,80 € Edition: Actes Noirs (Actes Sud)

 

Un couple de fabricants de tissus, originaire des Hébrides extérieures, de l’île de Lewis plus précisément, en Écosse, se rend à Paris au Parc des Expositions, au Salon Première Vision, pour y présenter leur collection. C’est un endroit très fréquenté par le petit monde de la mode qui va décider des nouvelles tendances de l’année. Ruairidh Macfarlane et son épouse Niamh fabriquent sur leurs métiers à tisser le Ranish Tweed, un tissu très proche du fameux Harris Tweed. Ils sont descendus au Crowne Plaza, Place de la République. Alors que Ruairidh prétend avoir une signature chez YSL, Niamh reçoit un texto qui la met en colère : « Votre mari a une liaison avec Irina Vetrov. Demandez-lui ». Irina Vetrov est une styliste très en vue, d’origine russe. Alors qu’elle suit à pied la Mercedes dans laquelle sont montés son mari et Vetrov, qu’elle passe devant le Fluctuat Nec Mergitur sans quitter la voiture des yeux, qu’elle s’en approche, alors qu’elle est arrêtée au feu, puis qu’elle la perd tandis qu’elle tourne, Niamh se retrouve aveuglée par un puissant éclair, assourdie par une déflagration. Au moment où elle reprend ses esprits, elle constate que c’est la voiture de Ruairidh et Irina qui a explosé.