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Critiques

Le Dormeur, Didier Da Silva (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Jeudi, 01 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Le Dormeur, Didier Da Silva, Marest Editeur, octobre 2020, 128 pages, 14 €

 

La réalité est parfois déroutante. C’est l’été 1974 et ils sont nombreux à se précipiter au cinéma pour aller voir Emmanuelle. Dans les salons, on discute de L’Archipel du goulag de Soljenitsyne. Valéry Giscard d’Estaing prononce son fameux « Vous n’avez pas le monopole du cœur » et remporte l’élection présidentielle. 1974 est aussi l’année de naissance du narrateur, David Da Silva lui-même. C’est également au cours de cette année qu’a été tourné un film, baptisé Le Dormeur, réalisé par un certain Pascal Aubier que Didier Da Silva découvrira quelques années plus tard. Il subira alors un choc esthétique. Il décidera d’en tirer un livre.

Le Dormeur est une adaptation du poème de Rimbaud, Le Dormeur du val, et qui consiste en un long travelling d’un peu plus de neuf minutes dans une forêt. On aperçoit un homme étendu que l’on croit vivant, mais qui ne l’est pas. Après avoir vu ces images, David Da Silva part à la recherche du réalisateur. Ce ne sera pas le début d’une longue traque car il le retrouve facilement. Les deux hommes sympathisent, Pascal Aubier se met à raconter sa vie, les gens avec lesquels il a travaillé. Tout le gratin du cinéma français d’une certaine époque y passe.

Ce virus qui rend fou, Bernard-Henri Lévy (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 01 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Grasset

Ce virus qui rend fou, Bernard-Henri Lévy, juin 2020, 112 pages, 8 € Edition: Grasset

 

On sait BHL excité dans le sujet qu’il défend, la plupart du temps avec brio, et c’est encore le cas avec Ce virus qui rend fou. Avec ce titre a priori facile, cela annonce le « tout cuit », ce qui n’est pourtant pas le cas.

N’y voyez pas un ouvrage de vulgarisation ou force conseils pratiques. Il s’agit, à mon sens, d’un ouvrage très philosophique, voire parfois assez politique à défendre « l’esprit de la République » au sens étymologique du terme : « …Et j’ai toujours pensé que l’on ne rend service à personne quand on réduit la politique à la clinique, qu’on débite en maladies ce reste de l’homme que sont la mort et le mal et que l’on prétend, de ces maladies, guérir le genre humain ».

BHL fait la part belle à ses nombreuses références, et il faut avoir une sérieuse formation intellectuelle pour le suivre dans ses citations diverses, même si elles ne paraissent pas toujours utiles dans le sens explicatif de son sujet maîtrisé simplement et accessible au commun des mortels.

Le Coût de la vie, Deborah Levy (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 30 Septembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman

Le Coût de la vie, Deborah Levy, Editions du sous-sol, août 2020, trad. anglais, Céline Leroy, 159 pages, 16,50 €

 

« Certaines nuits, les étoiles lointaines semblaient très proches quand j’écrivais sur mon minuscule balcon, emmitouflée dans un manteau. J’avais échangé le bureau tapissé de livres de mon ancienne vie contre une nuit d’hiver étoilée. Pour la première fois, j’appréciais l’hiver britannique ».

Le Coût de la vie pourrait aussi s’appeler Le Goût d’une solitude retrouvée ou encore Le Coût d’une liberté nouvelle. Ce livre est le récit finement composé comme un vitrail, de la vie d’une femme après le divorce, de la vie d’une anglaise en liberté. Deborah Levy raconte un épisode de sa vie sentimentale où elle s’éloigne de son mariage : « Quand l’amour commence à se fissurer, la nuit tombe ». Elle quitte la maison familiale avec ses filles, et s’installe dans un appartement du sixième étage d’un immeuble qui attend toujours sa réhabilitation, un immeuble aux murs sinistres des couloirs de l’amour. Installée sur son balcon, elle écrit, et elle lit, écrire et lire, cette passion fixe est au cœur de son récit inspiré et vibrant. Écrire, lire et aimer : « Vivre sans amour est une perte de temps. Je vivais dans la République de l’Écriture et des Enfants ». Deborah Levy se souvient d’un poème d’Emily Dickinson : La gloire est une abeille – Elle chante – Elle pique – Et hélas, elle s’envole ! Une autre phrase fait écho à ce qu’elle vit, à ce qui la traverse : « Je suis “mariée” j’en ai fini avec ça ».

Le Iench, Eva Doumbia (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 30 Septembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Théâtre, Actes Sud/Papiers

Le Iench, Eva Doumbia, septembre 2020, 80 pages, 12,50 € Edition: Actes Sud/Papiers


Le Iench (le chien en verlan) résonne comme un écho tragique à la question de « la vie noire » dans nos sociétés contemporaines, et plus particulièrement en France. Texte d’actualité brûlante écrit avant le meurtre de George Floyd, à Minneapolis, par un policier blanc, ou évocation mémorielle dans des interludes, au fil des années depuis 2005, des victimes des violences policières. Le théâtre s’était déjà saisi de cette matière de la confrontation, entre police et gamins, jeunes hommes aux origines lointaines, dans les banlieues. On se souvient de la très belle pièce de Michel Simonot, Delta Charlie Delta, paru aux Editions Espaces 34, en 2016, retraçant les émeutes urbaines de 2005 à Clichy-sous-Bois et la mort de Zyed et de Bouna, électrocutés, alors qu’ils avaient trouvé refuge dans un transformateur EDF pour échapper à leurs poursuivants.

Aline, Charles-Ferdinand Ramuz (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 29 Septembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Zoe

Aline, 165 pages, 10 € . Ecrivain(s): Charles Ferdinand Ramuz Edition: Zoe

 

La beauté épurée de ce roman atteint au plus profond de l’âme. Charles-Ferdinand Ramuz, immense écrivain Ô combien oublié de nos jours, a écrit ce bref roman en ses débuts littéraires. Dans cette époque, l’écrivain suisse produisait des œuvres d’une grande simplicité, des histoires dépouillées, dans un style qui ne l’était pas moins. Le résultat est ébouriffant. Imaginez un Giono sans la Provence, enraciné dans le Canton de Vaud. Un petit village sans nom, de rares habitants qui vivotent au quotidien et – c’est le sujet de ce roman – un drame d’amour.

Aline est une jeune femme un peu simplette qui vit avec sa mère. Elle est effrayée par tout, les gens, la vie. Comment imaginer qu’elle puisse un jour penser au sexe ? Et pourtant, c’est ce qui lui arrive quand le beau Julien Damon lui fait la cour. C’est le fils d’une bonne famille, riche (en tout cas pour ce pauvre village). La rencontre amoureuse n’a rien d’un érotisme brûlant. Jugez-en.