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Critiques

À l’ombre du Baobab, Alexandra Fuller (par Laurent LD Bonnet)

Ecrit par Laurent LD Bonnet , le Lundi, 05 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Jean-Claude Lattès

À l’ombre du Baobab, février 2020, trad. anglais, Anne Rabinovitch, 300 pages, 21,90 € . Ecrivain(s): Alexandra Fuller Edition: Jean-Claude Lattès

 

Alexandra Fuller, la vie, quoi d’autre ?

La société humaine a toujours eu besoin d’idoles ; le monde de la littérature française ne fait pas exception à cette règle. Ainsi voit-on, comme en cette rentrée littéraire, une partie de son paysage s’obscurcir des mêmes produits « tête de gondole et leurs clones », commentés à l’infini, prescrits plus que lus par une critique officielle qui devrait les ignorer, mais préfère en organiser un cirque médiatique, le plus souvent surjoué. Et l’on peut, à distance maintenant, se demander si l’apparition en février dernier dans le ciel littéraire de À l’ombre du Baobab, d’Alexandra Fuller, n’a pas établi l’aune d’un idéal vers lequel tendre en matière de récit, rendant aujourd’hui pitoyables de nombrilisme les imitations de la même quête qu’essaient de nous soumettre à travers leurs devoirs d’écoliers surdoués, les sieurs Carrère et Enthoven.

Le Complexe d’Eden Bellwether, Benjamin Wood (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 05 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Zulma

Le Complexe d’Eden Bellwether, juin 2020, trad. Renaud Morin, 522 pages, 9,95 € . Ecrivain(s): Benjamin Wood Edition: Zulma

 

Oscar Lowe est aide-soignant à la maison de retraite Cedarbrook à Cambridge. Un soir d’octobre 2002, il rentre chez lui, à pied, après une journée de travail. Il passe devant la chapelle de King’s College et son attention est retenue par la musique puissante de l’orgue s’échappant par les portes ouvertes de la chapelle. Il pénètre dans l’église pour écouter la fin de l’office et la musique. En sortant, il fait la connaissance d’Iris Bellwether et de son frère Eden. Ces derniers étudient à Cambridge et exceptionnellement sont autorisés à loger chez leurs parents, bienfaiteurs de l’université, qui résident dans la ville de la Cam et des colleges. Une conversation a lieu entre les trois personnages. Les deux étudiants sont heureux de rencontrer quelqu’un d’« ordinaire » travaillant à la maison des glycines et Oscar apprend qu’Eden était derrière l’orgue d’où s’échappait cette musique si remarquable. C’est le début d’une « Love story » à la façon d’Erich Segal et d’un terrible thriller.

Arches du vent, et Les bois calmés, Pierre Voélin (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 05 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Fata Morgana

Arches du vent, et Les bois calmés, Pierre Voélin, juillet 2020, dessins Alexandre Hollan (80 pages/15 €, et 64 pages/14 €) Edition: Fata Morgana

 

En mémoire du passé

L’écriture volontairement précieuse et au rythme subtil de Pierre Voélin permet de faire comprendre comment la vie tue au nom du passé – entre autres, de la Shoah. Il s’agit alors d’avancer avec « à la bouche ce goût de solitude /et sur l’épaule un pâle chandail de cendres ». Existe ainsi dans l’œuvre une extraordinaire beauté marmoréenne : « Visage sous le masque – tombe de calcaire où vient battre la lumière criblée //L’amour impur te cherche dans les ruines », preuve que la poésie ne se tient pas hors du « claptrap » (James McNeil Whistler), et refuse l’art pour l’art. Le goût de la ruine n’est là que pour souligner les émotions et devient en quelque sorte le stimulant de la vie.

Apolline et la vallée de l’espoir, Lim Heng Swee (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 02 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Grasset, Jeunesse

Apolline et la vallée de l’espoir, Lim Heng Swee, Grasset Jeunesse, août 2020, trad. anglais, Christian Demilly, 48 pages, 15,50 € Edition: Grasset

Grand Soleil

Lim Heng Swee, originaire de Kuala Lumpur en Malaisie, est un auteur illustrateur qui a commencé par créer des paysages minimalistes où la courbe domine. S’inspirant des estampes japonaises, reprenant librement La grande vague de Kanagawa d’Hokusai, il a figuré également dans ses perspectives des chats blancs – des maneki-neko (chats porte-bonheur) – se fondant, se révélant ou se dissolvant au sommet de la houle de l’océan et des montagnes enneigées. Dans ce tout récent album, Apolline et la vallée de l’espoir, Lim Heng Swee campe l’histoire d’une petite fille solitaire habitant au fond d’une vallée, Apolline, au prénom de la martyre chrétienne d’Alexandrie, morte en 249. Une menace terrible vient assombrir l’univers pacifique de la petite semeuse et planteuse de tournesols. Ainsi, les très jeunes lecteurs vont apprendre que la particularité du tournesol, appelé Hélianthe ou Grand Soleil, plante annuelle, se trouve dans le fait qu’il se tourne le long de la journée vers le soleil, d’où son héliotropisme. Dans le langage des fleurs, en Chine, le tournesol est une nourriture d’immortalité. Le jus de sa tige apporte la sagesse.

Étrange, suivi de Onze kaddishim pour Rose, Pierre Maubé (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 02 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Étrange, suivi de Onze kaddishim pour Rose, Pierre Maubé, éditions Lieux-Dits, Coll. Les Cahiers du Loup bleu, juillet 2020, 32 pages, 7 €

Dans un double mouvement, ce livre se déploie entre vie et mort, entre mal qui ronge le corps et souffrance terrible imposée brutalement à l’autre. Rose a été tuée, à 97 ans, par un terroriste dans la synagogue de Pittsburgh avec dix autres personnes, pour le seul « motif » d’être née juive : l’horreur radicale, qui remémore tous ces actes nazis et autres !

Étrange, premier volet d’une douzaine de poèmes, incise l’appréhension de la vie, de la douleur, du corps souffrant, dans le double sens du terme : prendre en compte et craindre. Le poème soulage-t-il de la dire cette douleur ressentie au plus nu ? En septains jouant de l’anaphore « étrange vie », le poète dissèque sa « douleur », « mienne » jusqu’au plus dur et incisif du mot : avec l’effort qu’il faut pour baliser la souffrance pour mieux la maîtriser, avec le « ricanement » perçu au plus profond, avec ce lot de déplaisantes manifestations du corps souffrant (vomissement, plainte, « vie maladive », ah ! cette « sœur d’abîme », sublime image d’un soi blessé au cœur de ce corps). Dans une description sans complaisance, le poète se met à la place de tout souffrant, quel qu’il soit, dont il éprouve jusqu’à l’os le malaise de vivre et la lueur qui, quoi qu’on ressente, subsiste, en dépit de tout.