Identification

Critiques

D’un pas déviant (Fragments de l’attente), Pierre-Yves Soucy (par Jean-Charles Vegliante)

, le Lundi, 12 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

D’un pas déviant (Fragments de l’attente), Pierre-Yves Soucy, éditions La Lettre volée, mai 2020, 143 pages, 19 €

Pierre-Yves Soucy, dont on sait maintenant le précieux appui éditorial qu’il apporte régulièrement aux poètes de Belgique, du Québec et d’ailleurs, propose aujourd’hui un recueil considérable à divers égards, qui frappe d’abord par la rigueur de sa forme typographique d’une parfaite clarté, dont on suppose et devine qu’elle obéit à un « pas » peut-être « déviant », mais sans doute néo-réglé assez fermement. Cette première impression, jamais démentie au long des cinq sections de l’ouvrage, semble correspondre à la tentative de spatialiser l’attente (donc le temps, bien sûr) depuis l’évocation d’une « cassure », et la quête de ce qui demeure « avant les mots », jusqu’à l’inachèvement attendu, lequel est bien souvent le sommet et la déception du poème. Sur la page, puisque c’est toujours de cela qu’il s’agit, on assiste à une dispersion bien tempérée – d’où les « fragments » – selon des envols ou plutôt des essaims de mots, assourdis ou çà et là éclairés de reflets, comme danses de corpuscules au soleil. Alors affleure et disparaît aussitôt une dimension narrative, certes inévitable dès l’instant où le langage doit suivre une succession (Barthes), mais ici plutôt inattendue, voire contenue et réprimée par le recours au fragment et à la pause.

La solitude Caravage, Yannick Haenel (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 12 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Arts, Folio (Gallimard)

La solitude Caravage, 336 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): Yannick Haenel Edition: Folio (Gallimard)

 

Le Caravage ou la dernière des solitudes

Evoquer la figure du peintre Le Caravage revient à se heurter à beaucoup d’inconnues. Cet artiste fut d’ailleurs quasiment oublié pendant de longs siècles. C’est au milieu du XX° que l’historien de l’art Roberto Longhi a exhumé son œuvre et sa mémoire des tombeaux de l’histoire. Et c’est un cadavre auréolé de toute une légende qui va alors resurgir. Déjà, à son époque, on le considérait comme un « extravagant » ainsi que le jugeait l’un de ses mécènes le cardinal Del Monte. Et on ne cesse de le qualifier aujourd’hui comme un artiste maudit à l’instar de Villon, Sade ou Rimbaud, peut-être à tort. Il est vrai que c’est un peintre passionné, c’est le moins que l’on puisse dire, un être fiévreux, ombrageux, à la vie incandescente et au tempérament de flamme. Un esprit transgressif encore, frondeur, bagarreur et qui fut poursuivi dans les dernières années de sa courte vie pour un crime commis au cours d’une rixe. Une sorte de « bad boy » dans le XVI° siècle italien.

L’Ile des esclaves, Marivaux (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Vendredi, 09 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Folio (Gallimard), Théâtre

L’Ile des esclaves, Marivaux, juillet 2020, 128 pages, 2,95 € Edition: Folio (Gallimard)

 

L’Ile des esclaves met en scène la situation suivante : échoués sur une île, quatre protagonistes, deux maîtres et deux valets, sont avertis par Trivelin, le gouverneur de l’île, qu’ils doivent échanger leurs statuts, leurs noms et leurs habits pendant une durée de trois ans. Ainsi, Arlequin et Cléanthis prennent les rôles et les apparences de leurs maîtres, le général athénien Iphicrate (qui signifie « celui qui gouverne par la force » en grec) et l’aristocrate Euphrosine (prénom de l’une des trois Grâces de la mythologie grecque, qui signifie « joie »), ces derniers devenant leurs valets.

On pense aux fêtes romaines des Saturnales, qui se déroulaient en décembre pendant une semaine et pendant lesquelles les barrières sociales disparaissaient, maîtres et esclaves étaient égaux et s’offraient des cadeaux, organisaient des réjouissances. Mais Marivaux va plus loin puisqu’il propose une véritable inversion des rôles : on est au XVIIIe siècle et la révolution française n’est pas loin.

Passe aux cerfs dans la brume, Michel Bourçon (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 09 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Passe aux cerfs dans la brume, Michel Bourçon, Christophe Chomant Editeur, septembre 2020, 138 pages, 19 €

La mélancolie au long cours

Michel Bourçon, que je suis depuis une petite douzaine de recueils, parmi lesquels Ce peu de soi (éd. La tête à l’envers) reste l’incontournable opus, tient un journal poétique en prose de plus de deux années. Il livre patiemment ses observations, ses états d’âme, ses réflexions, poète climatique, apte à saisir « le ciel dans les moindres » mouvements, poète atmosphérique du cœur et des yeux, prélevant au réel scruté et ressenti, des pépites, en dépit de « l’effondrement du jour », et du passage du temps, lui, privé « de s’envoler ».

Le maître de l’interstice, de l’entre, du vide d’espacement, Pessoa, a dû durablement inspirer à notre ami nivernais une bonne dose de désenchantement et le pousser à un indécidable mouvement d’esprit : on hésite à vivre, on ne sait comment, on ignore tant de choses, « on frémit », c’est tout, enfouissant journée après nuit, ce réel impratique devant lequel on est juste impuissant. Une phénoménologie des instants perçus ou désirés, des départs pressentis, assure à ces textes une vibration existentielle inouïe.

Aux antipodes, Jacques de Loustal (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 08 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Arts, La Table Ronde

Aux antipodes, Jacques de Loustal, septembre 2020, 192 pages, 32 € Edition: La Table Ronde

 

Loustal paysagiste

Jacques de Loustal, né à Neuilly en 1956, a étudié l’architecture, et publié, tous genres confondus, plus de 80 ouvrages. Bédéiste, illustrateur, Loustal nous offre son nouveau livre, Aux antipodes, qui fait l’objet d’une exposition à Bruxelles (chez Huberty & Breyne Gallery, du 5 au 26 sept. 2020). L’album, splendide, que l’on pourrait identifier à un carnet de voyage, est aussi un journal personnel graphique. Dans une mise en page élégante, l’on découvre des paysages mystérieux, des « terrains de jeux » jusqu’aux antipodes. À la façon de Jules Verne, nous effectuons un énigmatique tour du monde, peu peuplé, où la nature vierge domine, à travers plus de 157 tableaux originaux. Loustal cite écrivains et plasticiens qui l’ont inspiré, de Gustave Doré à Philippe Druillet (au parcours éclectique identique au sien), Yvan le Corre, Paul Theroux, etc.