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Critiques

La Patte du chat, Jacques Cazotte (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 26 Mai 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Contes, Rivages poche

La Patte du chat, Jacques Cazotte, avril 2021, 96 pages, 7,60 €

 

Complexe histoire que celle de Jacques Cazotte (1719-1792), pourfendeur des mœurs de son temps, et pourtant fidèle à un esprit « Ancien Régime » au point d’avoir dit, en montant sur l’échafaud : « Je meurs comme j’ai vécu, fidèle à mon Dieu et à mon roi ». Pour lui, à la fin de sa vie, alors qu’il est entré dans les ordres, le Bien est incarné en la cause royaliste, et la Révolution, c’est le Mal en action. Le Mal est déjà au cœur de son récit le plus célèbre, Le Diable amoureux, publié en 1771, cette « nouvelle espagnole » qui valut à son auteur le titre de « père du fantastique » français.

Du Diable amoureux, rien ne sera dit ici, car c’est un récit paru trente années auparavant qui retient notre attention, actualité éditoriale et curiosité littéraire obligent : La Patte du chat. L’expression « curiosité littéraire » n’est pas vaine : ce bref récit, par un tout jeune homme, est dans la veine parodique de son époque, à mi-chemin entre le conte de fées remis au goût du jour à la fin du siècle précédent (d’Aulnoy, Perrault) et l’orientalisme dans l’air du temps depuis qu’Antoine Galland a refondu en français Les Mille et une nuits.

Feux, Perrine Le Querrec (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 25 Mai 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Feux, éditions Bruno Doucey, mars 2021, 75 pages, 14 € . Ecrivain(s): Perrine Le Querrec

 

Et le poète de sa voix de feu

D’une aile d’oiseau attise les mots

 

On peut dire que dans ce recueil dont le titre dit clairement de quoi elle parle, Perrine Le Querrec fait ici feu de tout feu. Traversant quelques milliers d’années d’Histoire et explorant toutes les facettes de cet élément, les bénéfiques comme les dramatiques, elle déploie une sorte de fresque mouvante, un théâtre d’ombres de personnages que le feu met ou a mis, et parfois très cruellement, en lumière et peut-être plus particulièrement des femmes. Depuis celle qui dans la caverne a inventé le feu « Seins hanches ventre rond / Disparue à jamais » aux ouvrières sacrifiées, aux femmes indociles et veuves indésirables, aux militantes immolées en passant par les sorcières aux bûchers : femmes trop vives, feu aux femmes !

Murcie, sur les pas d’Ibn Arabi, Fawaz Hussain (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Mardi, 25 Mai 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Murcie, sur les pas d’Ibn Arabi, Editions du Jasmin, septembre 2020, 138 pages, 18 € . Ecrivain(s): Fawaz Hussain

 

Les déclinaisons d’un voyage

En ouvrant le livre de Fawaz Hussain et en parcourant les premières pages, le lecteur est amené immanquablement à s’interroger sur la nature de ce récit. A se référer au titre « Murcie, sur les pas d’Ibn Arabi » on se dit que ce pourrait être un simple récit de voyage vers le sud de l’Espagne, tant on parcourt Murcie, sa vieille ville et ses environs, avec l’auteur comme accompagnateur. Mais c’est bien plus que cela. Il nous est proposé ici un voyage multiple, décliné sous de nombreuses formes, un véritable kaléidoscope où il est question d’histoire collective et personnelle, d’imaginaire et encore de spiritualité.

Tout commence d’abord par un coup de fil reçu par le personnage principal, Faramarz Hajari, un romancier kurde qui vit depuis de nombreuses années à Paris. Indubitablement, le double littéraire de l’auteur. On lui propose de participer à un colloque sur l’exil, à Murcie, la ville d’Ibn Arabi, ce grand métaphysicien et poète mystique de langue arabe du XIIème/XIIIème siècle.

Comme si de rien n’était, Alina Nelega (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 21 Mai 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Pays de l'Est, Roman, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Comme si de rien n’était, Alina Nelega, avril 2021, trad. roumain, Florica Courriol, 304 pages, 22 € Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

 

Transylvanie, entre gel et dégel

La narration du roman d’Alina Nelega, Comme si de rien n’était, suit la chronicité de l’existence de Cristina et de son amie Nana, scolarisées dans un lycée réservé aux enfants de l’élite roumaine, de 1979 à 1989. L’intrigue se déroule principalement en Transylvanie, dans la Roumanie des dix dernières années du régime des époux Ceausescu, couple autour duquel est déployé le culte de la personnalité, décliné à travers les médias et la culture. Des sanctions brutales sont employées contre quiconque tente de passer la frontière et de s’enfuir. La surveillance, la justification d’un quelconque acte considéré comme subversif, sont les oukases de la morale en place, suivis de mises en demeure terrorisantes. Les palpitations amoureuses naissantes entre les deux adolescentes transcendent le contexte dramatique des petites gens, que l’on laisse mourir à l’hôpital, prolétaires qui habitent des immeubles « puant la cigarette et la moisissure ».

Céleste et Marcel, un amour de Proust, Jocelyne Sauvard (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 21 Mai 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Les éditions du Rocher

Céleste et Marcel, un amour de Proust, Jocelyne Sauvard, avril 2021, 336 pages, 19,90 € Edition: Les éditions du Rocher

 

Ce trente-deuxième livre de J. Sauvard est un roman, bien sûr, mais qui se nourrit de La Recherche, des carnets de Céleste Albaret, et d’une grande connaissance des années 1918-1922, les dernières que Proust a vécues, dans les deux dernières de ses résidences : 102, boulevard Haussmann, et 44, rue Hamelin.

Céleste Albaret fut pour Proust, durant dix ans, une confidente, une gouvernante, une cuisinière, une correctrice, une amie. C’est elle, bien sûr, qui laissait entrer ou refusait toute personne désireuse de rencontrer le grand écrivain, reclus dans sa chambre d’écriture.

La romancière et essayiste Jocelyne Sauvard trame un texte romancé qui est tissé de plusieurs couches : il y a le récit des dernières années, riches en événements, en médications ; il y a les pages des carnets que Céleste tenait comme un journal, et il y a aussi, entrelardée dans le fil du texte, l’intervention d’une jeune fille amoureuse de Proust et de sa Recherche.