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Critiques

L’Homme de la scierie, André Dhôtel (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mardi, 25 Août 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

L’Homme de la scierie, André Dhôtel, éditions Sous le Sceau du Tabellion, juin 2020, 248 pages, 21 €

 

Nous rendons grâce aux jeunes éditions Sous le Sceau du Tabellion et à Alain Chassagneux pour cette réédition de L’Homme de la scierie, un roman de Dhôtel, paru en 1950 et épuisé depuis belle lurette – comme la plupart de ses œuvres, à notre grand dam.

André Dhôtel nous conte l’histoire d’Henri Chalfour, un homme d’une quarantaine d’années, employé à des basses besognes dans une petite scierie au bord de la Seine, près d’un village nommé Caunes. On le rencontre affaibli et perclus de douleurs : un accident lui est arrivé mais il en a perdu la mémoire. Il se rappelle seulement une cave, des pommes de terre et un pont de fer. Il ne sait non plus de quoi était faite sa vie, ni qui sont ces femmes dont les prénoms sont griffonnés sur la planche d’une fenêtre de son logis. Il ne s’inquiète guère, pourtant : « Un souvenir en appelle un autre, et il finirait bien par expliquer cette sacrée aventure ».

Ganaha, Un conte futur dans une langue passée, Florent Toniello (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 25 Août 2020. , dans Critiques, Les Livres, Science-fiction, La Une Livres, Jacques Flament Editions

Ganaha, Un conte futur dans une langue passée, Florent Toniello, janvier 2020, 215 pages, 15 € Edition: Jacques Flament Editions

je pénètre les trous noirs de ma chair, suis l’ange des temps

nouveaux, prêtresse des plans astraux, bouton d’arrêt,

simulation off, moi, toute-puissante, démembrée dans l’éther

 

Ganaha, de Florent Toniello, ouvre la nouvelle collection d’anticipation aux éditions Jacques Flament, dont il va s’occuper. Ganaha, étonnant roman d’anticipation, quantique, placé sous le signe du ruban de Möbius, écologique : il y est question d’intelligence artificielle d’une part poussée au summum de sa logique dans un futur lointain et qui n’a plus vraiment l’utilité des êtres humains, ses créateurs, et d’une société post-atomique qui elle semble aux antipodes : celle des « êtres vertes », très écologique, dépouillée de toute technologie non artisanale et très axée sur les valeurs féminines d’autre part et dans laquelle la poésie tient une grande place. Une société toute organisée autour de la culture et la consommation d’une plante vertueuse, la karé, qui évoque un peu le soma de l’Inde ancienne et qu’Huxley entre autres avait repris de façon plus négative dans Le Meilleur des mondes.

Sale espèce de…, Jean-Louis Mohand Paul (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Lundi, 24 Août 2020. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres

Sale espèce de…, Jean-Louis Mohand Paul, éd. Ressouvenances, 2019, 124 pages, 16 €

 

De l’apostrophe à l’injure

Une mappemonde de 1888, appelée Planisphère pour l’étude des races humaines, illustre la couverture du livre de Jean-Louis Mohand Paul : « Petit lexique des injures et notions racistes des langues françaises. Sale espèce de… ». À ce sujet, la thèse de l’Essai sur l’inégalité des races humaines, d’Arthur de Gobineau, développe le concept de « race » en accumulant les stéréotypes et criminalisant les populations selon leur couleur de peau. L’exégèse historique de Gobineau le place comme l’un des pères de la pensée racialiste, pour avoir développé une sorte de « matérialisme biologico-historique ». En effet, dans la hiérarchie de la société esclavagiste coloniale, les « Blancs » se trouvaient au sommet, souvent de grands propriétaires fonciers ou des commerçants aisés, ce qui confirme en un sens la théorie eugéniste de Gobineau sur les « propriétés du sang ». Rappelons qu’environ quatre millions d’esclaves ont vécu dans les territoires sous domination française.

Ce qu’on appelle aimer, Laure Samama (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 24 Août 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Ce qu’on appelle aimer, Laure Samama, Arnaud Bizalion éditeur, 2017, 64 pages, 17 €

 

En brefs chapitres – parfois réduits à quelques mots – jaillissent les amours, leurs troubles, leurs déceptions, et toujours une façon de tenir face aux amants qui jouent les don-juan et les comètes.

Laure Samama double ses textes de photographies-métaphores pour évoquer ce que les mots ne peuvent pas montrer. Le désir féminin trouve droit de citer de manière simple, juste, crue et sans emphase : « Souvent je portais des robes pour que ses mains ne rencontrent aucun obstacle. Je déplorais que les hommes n’en portent pas ». Mais à l’amour et ses fantasmes suivent des désillusions dues aux petits arrangements avec le réel de l’amant qui, à l’éternité (certes provisoire), préfère un passage qui, à force, lui pèse comme s’il obligeait…

C’est vieux comme le monde : surtout lorsque la relation est adultérine. L’homme est beau, expert mais une épouse l’attend. Au sein de la luxure et de la volupté il y a donc des « défilés », des déchirures, des explications et justifications plus ou moins douteuses.

Des Étoiles dans les Yeux, Nicolas Fraissinet (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 21 Août 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Belfond

Des Étoiles dans les Yeux, Nicolas Fraissinet, octobre 2019, 288 pages, 18 € Edition: Belfond

 

Averti d’une maladie rare et incurable, qui va le rendre aveugle en 15 jours de temps, il reste à Eliott de retrouver en lui, et avec l’aide de ses quelques amis, les ressources pour réagir.

Ses rêves l’aideront-ils à surmonter l’épreuve quand son prénom, pour une raison inconnue, se met à être prononcé par les étoiles ?

Le style, mené avec brio, nous emmène au-delà, à la fois de la réalité et de l’imaginaire. Accompagné d’un genre de double qui joue les anges gardiens, notre héros semble guidé dans son épreuve : « Tu vois, c’est grâce à Toi que je l’ai trouvée, cette nouvelle forme d’étoiles dans les yeux ». Même la progression de la maladie se fait belle, évoquée par des images de papillons multicolores se posant pourtant dans la cruelle évocation de la cécité progressive projetée dans le roman en dates-calendrier sous forme de compte à rebours décomptant les jours qui restent à Eliott pour profiter de ce qui lui reste à faire en tant que personne voyante.