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Votre regard, Cédric Bonfils

Ecrit par Marie du Crest , le Jeudi, 05 Mai 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Théâtre, Espaces 34

Votre regard, février 2016, 34 pages, 10 € . Ecrivain(s): Cédric Bonfils Edition: Espaces 34

 

« Les isolés »

J’emprunte à l’auteur de l’épigraphe inaugurale du texte de Cédric Bonfils, l’idée que « nous sommes tous des isolés » mais cet isolement peut être brisé. Elle me sert de titre car c’est sans doute de cela dont il est question dans ce court monologue ou plutôt dans cette adresse à l’autre, qui cherche la réponse toujours de celle qui jamais ne fera entendre sa voix. Le locuteur est un homme, qui peu à peu se dévoilera, comme la nuit va vers l’aube et une femme sans nom qui dort sur un canapé dans son appartement, un inquiétant couteau dans la main. Son enfant dort dans la pièce d’à côté. Il veille sur elle ; il la protège de la violence du monde, de celle d’un homme, de celle de ses cris de ses hurlements. Au début du texte, il lui répète : Ça va aller (p.9 puis 15)

Il est aussi comme « une veilleuse », une lumière jetée sur leurs deux vies. Il ne cesse de l’interroger avec sollicitude sur son état (les phrases interrogatives sont très nombreuses). Quant à lui, il va par bribes découvrir ce qu’est son existence. Sa parole se constitue de blocs suivis d’espaces, d’élans à nouveau pris vers cet échange nocturne dont la matière est silence et parole. Il s’agit d’une rencontre soliloque et pourtant décisive, paradoxalement évidente. Ne dit-il pas, p.16 :

« Quatre filles et un Violoncelle », par Marie du Crest

Ecrit par Marie du Crest , le Lundi, 25 Avril 2016. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

 

La pièce de Michel Bellier, Les filles aux mains jaunes, a été créée en 2014 au théâtre Le Sémaphore à Port de Bouc et reprise ensuite tant en France qu’à l’étranger, dans une mise en scène de Joêlle Cattino. Le théâtre Joliette-Minoterie, scène conventionnée, à Marseille, la propose les 23, 24, 25 et 26 mars à nouveau.

Il est posé sur le sol, ce drôle d’instrument qui ne tient debout que sur sa pointe, que si l’on décide de le faire jouer, assis sur une chaise et installé entre ses jambes comme une amante installée sur les genoux d’un amoureux. Tout est obscur autour de lui ; des lampes industrielles suspendues dans les cintres rappellent sans doute que le théâtre est ce moment suspendu entre le noir et la lumière, et le retour au noir. Le violoncelle, en quelque sorte, dit que Les filles aux mains jaunes ne sont plus seulement le texte de Michel Bellier mais une représentation, une mise en scène matérielle, affaire d’objets et d’accessoires choisis, du son et de la lumière, des corps et des voix. Il n’y avait pas de musique entre les pages de la pièce écrite. Le Violoncelle est là, du début du spectacle, étrange et unique présence masculine puisque c’est Jean-Philippe Feiss qui tient l’archet, fait des pizzicati, le transforme en percussion.

IF / Revue des Arts et des Ecritures Contemporaines #43, mars 2016

Ecrit par Marie du Crest , le Vendredi, 22 Avril 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

On ne saurait trop insister sur la vitalité et la richesse des revues littéraires, et particulièrement poétiques, philosophiques mais aussi artistiques en France, depuis plusieurs décennies. Elles sont pour la plupart d’entre elles de véritables champs d’expérimentation, donnant la parole à des auteurs ou artistes que le monde éditorial « mainstream » parfois ne met pas en lumière. De plus, elles permettent, loin de Paris, de donner à des auteurs, plasticiens, peintres, vidéastes et bien d’autres encore, l’occasion de trouver un écho auprès d’un lectorat curieux en matière de création contemporaine ; tel est le cas de IF.

Fondée en 1992 par Liliane Giraudon, Henry Deluy et Jean-Jacques Viton, la revue semestrielle If (12 €) est désormais diffusée par les éditions Les Solitaires Intempestifs. Hubert Colas en assure la direction.

La revue est un reflet éditorial de Montevideo – lieu de création contemporaine et d’ActOral festival international des arts et écritures contemporaines, basés à Marseille.

Issues, Samuel Gallet

Ecrit par Marie du Crest , le Jeudi, 24 Mars 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Théâtre, Espaces 34

Issues, janvier 2016, 96 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Samuel Gallet Edition: Espaces 34

 

L’Atelier/Théâtre

L’histoire du mot atelier nous apprend qu’il signifiait tout d’abord tas de bois, puis par extension le lieu où un artisan travaille le bois. Ainsi le texte de Samuel Gallet est-il l’atelier d’une écriture dramatique non seulement en raison de la première situation, du premier lieu de l’action, à savoir l’atelier d’écriture dirigé par Boris pour trois détenus, qui se tient dans la bibliothèque d’une prison et qu’il met en place, mais aussi parce que l’ensemble de la pièce emprunte tout le chemin créatif théâtral de l’écriture à une tentative de jeu.

L’histoire du théâtre connaît une longue lignée d’œuvres dans lesquelles le théâtre se représente lui-même, se met en abyme, de Shakespeare à Molière ou Marivaux, de Pirandello à Genet entre autres. On se souvient notamment dans Le Songe d’une nuit d’été, à l’acte I, de la présence d’une troupe de comédiens amateurs préparant une pièce, à l’occasion du mariage d’un prince. Samuel Gallet lui aussi fait de sa pièce à la fois un laboratoire (Boris fait travailler les détenus sur des méthodes, des expérimentations du langage comme les listes de mots à faire émerger  en vue d’un cut-up ou d’un jeu à partir de lettres (p.15 et suivantes), mais également une construction, une réalisation textuelle : la pièce de théâtre poétique avec son titre Issues, sa liste de personnages (p.51-2).

Koltès, le sens du monde, Christophe Bident

Ecrit par Marie du Crest , le Jeudi, 17 Mars 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Théâtre, Les solitaires intempestifs

Koltès, le sens du monde, 110 pages 13,50 € . Ecrivain(s): Christophe Bident Edition: Les solitaires intempestifs

 

La grâce de Koltès

Comme Christophe Bident l’affirme dans l’avant-propos de son texte, l’œuvre de Koltès ne détermine pas un sens qu’il faudrait appliquer au monde comme une espèce d’idéologie. Il met en avant d’ailleurs le livre de JL Nancy qui porte ce titre et lui sert de référence. Le sens est plutôt affaire de « flair ». Avoir le sens des affaires ou celui du rythme expliciterait davantage les perspectives que C. Bident veut mettre en lumière avec l’expression « le sens du monde ». Koltès n’a-t-il pas lui-même récusé, mis à sac les ordres du monde investis par ses parents : du côté paternel celui de l’armée, et du côté maternel celui du catholicisme (cf. p.25) ? Koltès dans son œuvre théâtrale cherchera à articuler les restes de sens du monde. Il fait face « à des bouts du sens du monde, avec lesquels il va lui falloir jongler, jouer, chercher, composer » (cf. p.25). Ainsi l’entreprise suivie par C. Bident est-elle de repartir de l’un de ses textes antérieurs, Généalogies, qui traverse l’écriture de Koltès par le biais du temps, en direction cette fois-ci de l’espace. Il y est bien question de l’intériorité subjective du monde. Pour C. Bident, Koltès écrit le mystère, celui qui s’inscrit tout aussi bien entre les scènes, les répliques, les mots eux-mêmes. Rien ne se donne et c’est cela qui explique sans doute la faillite d’un certain nombre de mises en scène des pièces de Koltès.