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Articles taggés avec: Talcott Mélanie

Une Antigone à Kandahar, Joydeep Roy-Bhattacharya

Ecrit par Mélanie Talcott , le Samedi, 12 Décembre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Asie, Roman, Gallimard

Une Antigone à Kandahar, août 2015, trad. anglais (Inde) par Antoine Bargel, 368 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Joydeep Roy-Bhattacharya Edition: Gallimard

 

Nizâm… Un prénom de fille et de garçon qui en persan signifie harmonie.

Une silhouette bleu pastel immobile, un mirage contre le brun grisâtre du sol, une chaleur diurne qui épuise les corps et torréfie les esprits, un froid nocturne polaire qui empêche le sommeil, un ciel pailleté de tant d’étoiles qu’il suffit de se pencher pour les ramasser, l’aube qui naît plombée d’une brume maculée de poussière, le vent qui zèbre la terre à grands coups de fouet, l’air qui sent le soufre, des montagnes imposantes, le désert qui se cache dans les ombres et la poussière, partout. Quelque part en Afghanistan. La mort joue avec les nerfs des hommes, soldats américains contre Talibans. Les corbeaux et les vautours se disputent leurs dépouilles. Le temps se dissout dans une attente hantée par le spectre de la mort. Un poste avancé de l’armée américaine, une guerre qui n’en finit plus, une guerre qui abîme les cerveaux, détruit les cœurs et transforme les hommes en machines à tuer. Et le silence qui renvoie chacun à sa propre solitude et à ses doutes. Dans la nuit afghane, à la musique de Nizâm, juchée sur ses deux moignons, ancrée sur une charrette, ses deux bras comme des rames depuis son village lointain rayé du monde par un bombardement qui a emporté toute sa famille, répond en eux la nostalgie de l’exil et le désespoir de leur inutilité.

Camille mon envolée, Sophie Daull

Ecrit par Mélanie Talcott , le Mercredi, 02 Décembre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Philippe Rey

Camille mon envolée, août 2015, 192 pages, 16 € . Ecrivain(s): Sophie Daull Edition: Philippe Rey

 

Écrire la douleur pour ne pas se laisser entraîner dans son cyclone destructeur, pour conjurer cette envie d’anéantissement qui habille chaque cri, chaque sanglot, quand la réalité vous ramène dans cet interstice d’un temps qui semble désormais s’être figé pour l’éternité entre l’avant et l’après. Écrire pour ne plus sentir dans sa chair ce lent écorchement à vif né du sillon de l’indicible. Écrire pour donner un semblant de continuité à ce qui ne peut plus en avoir. Écrire pour étoffer une vie qui a cessé et pour ne pas qu’elle soit oubliée. Écrire pour exorciser la perte, pour conjurer la mort, celle de son enfant qui vous laisse les entrailles vides, désertes et désertées.

C’est à cet exercice thérapeutique que se livre Sophie Daull dans Camille mon envolée. Un récit élégiaque en hommage à sa fille de seize ans emportée quelques jours avant Noël par la fulgurance mortifère d’une maladie pathétiquement mal diagnostiquée, quasi une erreur médicale par indifférence professionnelle. Les préparatifs du 25 décembre s’entrecroisent dès lors avec ceux de l’enterrement. Les joyeux Noëls font écho aux condoléances. La disparition de la jeune fille en tire d’autres de leur néant.

Encore, Hakan Günday

Ecrit par Mélanie Talcott , le Mardi, 24 Novembre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Galaade éditions

Encore, août 2015, trad. turc Jean Destat, 384 pages, 24 € . Ecrivain(s): Hakan Günday Edition: Galaade éditions


« La pire chose est quand le crime devient normal, quand tu ne perçois plus chaque meurtre

comme le premier commis au monde. Ça veut dire que tu es habitué, c’est une maladie,

mais qui te permet de continuer à vivre ».

Hakan Günday, Encore

 

Les migrants sont des proies. Spoliés de leur vie, expulsés aux frontières, mal accueillis par des pays inhospitaliers qui se réclament pourtant orgueilleusement des Droits de l’Homme. Depuis nos fauteuils confortables, on imagine leur voyage halluciné. Le froid, la pluie, la boue, la faim, la peur la solitude et la mort qui les nargue en faisant danser ses falots. Hakan Günday, écrivain turc au style percutant, nous emmène sur d’autres chemins, plus rudes encore, ceux où œuvrent les passeurs, les négriers de notre modernité. Près de la mer Egée, passer les « têtes » est une histoire de famille et de corruption, un « boulot et une façon de lutter pour vivre ». Rackets, viols, chantages, arnaques. Le business de la détresse.