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American Gothic, Xavier Maumejean

Ecrit par Ivanne Rialland , le Samedi, 18 Mai 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Alma Editeur, Roman

American Gothic, Avril 2013, 408 p., 22 € . Ecrivain(s): Xavier Mauméjean Edition: Alma Editeur

Au moment où la sortie du film Le Monde fantastique d’Oz rappelle aux Français l’existence du Lyman Frank Baum, dont le roman Le Magicien d’Oz a été rendu célèbre par l’adaptation de Victor Fleming en 1939, le roman de Xavier Mauméjean lui invente un rival, Daryl Leyland (1893-1953), à qui il attribue un recueil de poèmes, de contes et de légendes urbaines : Ma mère l’Oie. Ce recueil concentrerait l’essence de l’imaginaire américain, ce qu’exprime le titre American Gothic repris au tableau de Grant Wood dont les deux paysans à la mine sévère traduisent sa défense de l’Amérique rurale et de sa culture. Mais le livre de Xavier Mauméjean s’attache moins à Ma mère l’Oie, dont il invente cependant des extraits, qu’à la figure de Daryl Leyland, qui constitue le fil directeur d’un roman à la narration éclatée. American Gothic se donne comme l’œuvre du traducteur français de Ma mère l’Oie, qui reproduit les documents liés à une adaptation avortée de l’ouvrage par le producteur Jack L. Warner dans les années cinquante. À cette occasion, la Warner lance sur les traces de Leyland le scénariste Jack Sawyer, auteur d’un mémoire sur Leyland, chargé de vérifier que la biographie de Leyland n’expose pas le studio aux foudres de la sous-commission d’enquête au Sénat présidée par McCarthy. Le roman est ainsi composé pour l’essentiel des rapports de Jack Sawyer, mais aussi d’analyses de l’œuvre ou de la vie de Leyland par un universitaire, de différents témoignages, dont ceux des éditeurs de Leyland, d’extraits de Ma mère l’Oie et d’interventions du traducteur.

Le linguiste était presque parfait, David Carkeet

Ecrit par Ivanne Rialland , le Jeudi, 02 Mai 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, USA, Monsieur Toussaint Louverture

Le linguiste était presque parfait (titre original : Double negative), traduit de l’anglais (USA) par Nicolas Richard, 3 mai 2013, 288 pages, 19 € . Ecrivain(s): David Carkeet Edition: Monsieur Toussaint Louverture

 

Qui a tué Arthur Stiph ? Ce serait là l’argument d’un classique whodunnit s’il ne se doublait pas d’autres questions, tout aussi obsédantes pour le personnage principal, le linguiste Jeremy Cook : qui donc a pu le qualifier de « parfait trou du cul » devant la ravissante Paula ? Et que signifie m’boui dans la bouche de Wally Woeps, seize mois ?

Le genre du roman policier adopté par David Carkeet pour son premier roman, paru en 1980, est manié avec aisance et distance, pour bâtir une intrigue qui, sans se réduire à un prétexte, est subordonnée à la fantaisie d’un auteur soucieux avant tout de nous faire rire.

L’institut Wabash, spécialisé dans l’étude de l’acquisition du langage, est le cadre pittoresque de ce mixte entre David Lodge et Agatha Christie. Perdu au fin fond de l’Indiana, le centre de linguistique réunit une poignée de linguistes plongés dans l’étude des babillages des bébés d’une crèche placée au milieu d’un espace circulaire évoquant irrésistiblement le panoptique de Jeremy Bentham.

De l'érotisme, Robert Desnos

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mardi, 16 Avril 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Essais, Poésie, Gallimard

De l’érotisme, et Voici l’amour du fin fond des ténèbres, Annie Le Brun, février 2013, 116 p. 6,90 € . Ecrivain(s): Robert Desnos Edition: Gallimard

Gallimard propose sous la couverture de la collection « L’imaginaire » la réunion d’un texte de Desnos paru dans le recueil Nouvelles Hébrides et autres textes (1922-1933) édité chez Gallimard par Marie-Claire Dumas (dont les notes sont reprises ici), et de l’article publié par Annie Le Brun en 2011 dans le n°3 de la revue L’Étoile de mer (nouvelle série), cahiers de l’Association des Amis de Robert Desnos.

Le texte de Desnos, écrit à la demande du mécène Jacques Doucet en 1923, constitue une brève histoire de la littérature érotique de l’Antiquité à Guillaume Apollinaire. Cette histoire est partielle, et forcément partiale, puisque, comme l’explique Desnos dans un chapitre préliminaire, « l’érotique est une science individuelle ». La place laissée à Sade n’est cependant guère contestable, et Desnos bâtit entièrement son texte autour de son œuvre. Elle est en effet à ses yeux un ferment essentiel de l’esprit moderne, et cela bien au-delà du seul érotisme. Desnos distingue ensuite l’œuvre de Sacher-Masoch, le masochisme étant « la seule forme d’amour qui se soit développée depuis Sade ». S’il salue chez Apollinaire « le rôle essentiellement moderne du fouet », le lecteur ne peut s’empêcher d’évoquer la grande scène de flagellation du pensionnat d’Humming-Bird, dans La liberté ou l’amour !qui cristallise soudainement un fantasme érotique que Desnos place au cœur des « mystérieuses arcanes de [s]on érotique imagination » (La liberté ou l’amour, ch. X « Le pensionnat d’Humming-Bird Garden »).

Sayonara Gangsters, Genichiro Takahashi

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mardi, 09 Avril 2013. , dans La Une Livres, Japon, Les Livres, Recensions, Roman

Sayonara Gangsters, Books éditions, 20 mars 2013, traduit de l’anglais Jean-François Chaix, d’après la traduction du japonais de Michael Emmerich, 223 p., 18 € . Ecrivain(s): Genichiro Takahashi

 

 

Vieille dame, quintuplés, habitant de Jupiter, « chose incompréhensible », et même Virgile transformé en frigo, tout le monde défile dans la classe de poésie du narrateur, dans un monde où les gangsters font la loi, où l’on apprend sa mort par un faire-part envoyé par la mairie et où les rivières peuvent couler au 6ème étage des immeubles.

On pourrait placer ce roman sous l’égide des Métamorphoses d’Ovide, un Ovide en exil, aussi saoul qu’il l’est dans le roman, où il fait une apparition dans le récit du réfrigérateur Virgile. La fantaisie débridée du roman invite à l’énumération d’éléments incongrus plutôt qu’au résumé, mais il y a bien là cependant une histoire, discrète, celle des amours de Sayonara Gangsters, le narrateur, qui encadrent de leur tendresse et de leur mélancolie le défilé cocasse des aspirants poètes.

Karoo, Steve Tesich

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mardi, 13 Mars 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, USA, Monsieur Toussaint Louverture

Karoo. Trad (USA) par Anne Wicke, février 2012. 608 p. 22 € . Ecrivain(s): Steve Tesich Edition: Monsieur Toussaint Louverture

C’est une drôle de maladie qui touche soudain Saul Karoo : alcoolique notoire, il devient incapable de se saouler. Pourtant, le « doc », expert en réécriture de scénarios, continue à boire, sans soif, de même qu’il continue à vivre : par habitude, pour ne pas décevoir. Parce que le mensonge, finalement, est tellement plus acceptable, cohérent, qu’une vérité qui n’a d’intérêt pour personne. Aussi malléable que les scénarios qu’il rafistole, il ne refuse qu’une seule chose : avoir une assurance maladie.

Étrange clown triste, Karoo fait soudain deux rencontres : une femme, un film. Et là, il cède à la tentation : réécrire sa vie, comme un scénario.

À travers la vie grotesque et tragique d’un scénariste américain, ce que nous propose Steve Tesich est une critique acerbe d’un entertainment qui ne sait que réduire le réel qu’à l’insignifiance et faire basculer la création dans le néant. L’humour, l’insurmontable distance avec lesquels le narrateur considère cet univers factice donne d’abord à ce dernier des allures faussement inoffensives : il s’agirait alors simplement de ne pas être dupe, et la passivité de Karoo peut être autant une complicité tacite qu’un efficace moyen de résistance.