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La Reine morte, Montherlant

Ecrit par Sophie Galabru , le Vendredi, 03 Octobre 2014. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

 

Pour la première fois, Montherlant écrivit une pièce, La Reine morte, drame en trois actes, montée en 1942 à la Comédie-Française. Si La Reine morte ne porte pas le tragique antique d’une Antigone réactualisée par Anouilh en 1944 ou d’une Electre par Giraudoux en 1937, elle n’en a pas moins la profonde dignité, et la majestueuse tristesse pour emprunter le mot de Racine. Bien loin des malédictions transgénérationnelles, l’auteur raconte qu’il fut inspiré d’une pièce d’un auteur espagnol du Siècle d’or, Luis Vélez de Guevara, et de sa pièce Régner après la mort (Reinar despuès de morir, 1652). L’auteur explique ainsi que « toute cette production dramatique du siècle d’or est peut-être un moment important de l’histoire du théâtre : superficielle et sans caractères, elle n’a pas d’importance humaine ». Décidé à conserver « l’armature » de Reinar, Montherlant sut lui confier un contenu nourri par la force de ses personnages et la subtilité des dialogues.

Le blé en herbe, Colette

Ecrit par Sophie Galabru , le Samedi, 23 Août 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Le blé en herbe, Garnier-Flammarion . Ecrivain(s): Colette

 

Le talent de Colette a su saisir un instant, celui du passage de l’enfance à l’adolescence, des jeux insouciants à la conquête d’un avenir d’homme et de femme. Vinca et Philippe sont des amis de vacances ; leurs parents, les Ferret et les Audebert, louent chaque été la même villa sur la côte cancalaise. Cet été-là, la fraternelle amitié, ce lien fait d’aventures, de pêches aux écrevisses, de rires et de chamailleries sableuses traverse l’eau trouble des désirs naissants : « Toute leur enfance les a unis, l’adolescence les sépare ». Durant leurs excursions, Vinca et Phil n’étaient l’un pour l’autre ni fille ni garçon, mais deux compagnons de vacances. Les baignades se transforment en discrets jeux de regards sous lesquels naissent peu à peu le corps de l’autre comme l’évidence du désir. Philippe observe et détaille sa petite compagne ; Vinca apparaissant dès lors comme une femme, la femme qu’il faut posséder. L’autre s’émancipe vers son identité propre, son devenir sexué, dans une faiblesse nouvelle qu’il faut captiver. Si l’enfance se tenait entre Vinca et Philippe comme un temps sans durée, sans distance, et sans altérité, l’adolescence vient dès lors irrésistiblement troubler la paix des corps.

Clair de femme, Romain Gary

Ecrit par Sophie Galabru , le Vendredi, 11 Avril 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Roman

Clair de femme, 180 p. 7,90 € . Ecrivain(s): Romain Gary Edition: Folio (Gallimard)

 

Le désespoir c’est n’avoir plus foi en rien, même en ses « incroyances ». C’est ainsi que nous pourrions donner la note de Clair de femme, à partir de laquelle se décline un véritable hymne à la vie envers et contre tout. Le livre porte très haut ce ton si particulier à Gary, du désespoir heureux, loin du cynisme et de l’ironie de ceux encore trop attachés à leurs illusions. Le désespoir sans gravité ni aigreur, celui qui n’est que la vie qu’on porte malgré soi.

Et parce qu’il y a d’innombrables vies, il y a autant de façons de vivre son désespoir. Il y a la possibilité du pathétique, à l’image de Señor Galba que rencontre le narrateur, Michel, dès le début du livre, pauvre clown dresseur, si fier de son caniche teint en rose à qui il apprend à danser un sublime paso-doble avec un chimpanzé « un numéro mondialement connu. Des années d’efforts… L’œuvre d’une vie ». L’humour immanquable de Gary, au creux des délires, des croyances, et des petits combats toujours un peu minables face à l’imperturbabilité de la vie, de ses forces obscures, anonymes, sans égard pour chacun.

Je t’aime, je t’aime, Alain Resnais

Ecrit par Sophie Galabru , le Jeudi, 10 Octobre 2013. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques, Côté écrans

 

Inspiré du livre de J. Sternberg, Un jour ouvrable, ce film de Resnais est comme une recherche du temps perdu médicalement assistée. Un groupe de chercheurs proposent à Claude Ridder, après son suicide manqué, l’étrange expérience de remonter le temps, plus précisément un an en arrière, pour une minute. S’ils sélectionnent C. Ridder, ce n’est pas au hasard, il est lui-même un homme que le temps questionne. Le temps est pour Claude une étrangeté de l’existence : tandis que la pendule marque l’heure, le temps ne veut rien dire pour un monde qui ne cessera pas de tourner. Il est trois heures pour un homme, qui sera un jour ou l’autre soustrait de ce monde. Compter les heures est une opération dérisoire pour la grande âme du monde qui pour toujours sera. Et Claude qui prend conscience que le temps ne passe pas pour celui qui l’observe peut dire : « le temps passe pour les autres mais pour moi seul dans cette pièce il ne passe pas. Il était trois heures il y a trois minutes, il sera trois heures dans quinze jours, dans trois siècles ».

Pour en finir avec l'espèce humaine, et les Français en particulier, Pierre Drachline

Ecrit par Sophie Galabru , le Mercredi, 02 Octobre 2013. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Essais, Le Cherche-Midi

Pour en finir avec l'espèce humaine, et les Français en particulier, septembre 2013. 177 p. 15 € . Ecrivain(s): Pierre Drachline Edition: Le Cherche-Midi

 

Dans ce livre de Pierre Drachline nous découvrons comme un nouveau Discours de la servitude volontaire, mais depuis le monstre froid de l'Etat a bien grandi et c'est un mal tentaculaire et omnipotent qui nous enserre dans le renoncement de nous-mêmes. Comme La Boétie, Pierre Drachline constate ahuri la force d'inertie des hommes, l'auto-conformation à l'ordre, ce vice de la servilité. Mais point de généalogie de la lâcheté, de simples coups de pinceaux pour tirer le portrait de la médiocrité humaine. La voix tonitruante, l'auteur se déchaîne contre ces abonnés absents du monde, incapables de passions et de désordre, ces nouveaux morts-vivants entre lesquels il passe avec aversion et refus. Il fait partie de ces rares qui conservent le souvenir de leurs droits naturels et sont indomptables. Il y a alors étalé le plus crument possible le dégoût des autres, sauf de quelques rares amis. Mais le misanthrope est son premier poison, tant il est plus aisé de se fondre dans la masse que de la fuir, "il faudrait pouvoir se perdre de vue. Un rêve d'aveugle." Pourtant, nulle envie de plaire, plutôt celle de déplaire comme il le prétend dans ce livre.