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Articles taggés avec: Chauché Philippe

Dictionnaire de trois fois rien suivi d’un Dictionnaire de rien du tout, Marc-Emile Thinez

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 14 Mars 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Revues, Editions Louise Bottu

Dictionnaire de trois fois rien suivi d’un Dictionnaire de rien du tout, mars 2015, 70 pages, 9,50 € . Ecrivain(s): Marc-Emile Thinez Edition: Editions Louise Bottu

 

 

« Avaler v. tr. Avaler le français, le russe, l’anglais, avaler le chinois, avaler le basque et le volapuk, le bambara, avaler le sanskrit, l’occitan, avaler le tamoul, l’ukrainien, le finnois… voir vomissement. Tu as avalé ta langue ? demandait Jean quand par timidité je ne répondais pas, ou par entêtement ».

Après 140 au carré, Marc-Emile Thinez s’invite à nouveau dans la collection Contraintes des Editions Louise Bottu, et propose son petit dictionnaire, parce que le dictionnaire est le plus beau des livres (1) : Algèbre – contrainte en arabe –, à Zup – c’est la zone –, en passant par Ecriture – parole de nanti –, Histoire – Donner du sens au temps –, Musique – ne dit rien d’autre qu’elle-même – ou encore, Réforme – hantise des vaches et de certains veaux – mais aussi SOI-MEME – renforcement d’un soi qui en a bien besoin – ou VOILE – grille qui dissimule le visage, ou la réalité, selon le point de vue.

Observations sur la peinture, Pierre Bonnard

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 07 Mars 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts, Essais, L'Atelier Contemporain

Observations sur la peinture, janvier 2015, préface d’Alain Lévêque, introduction d’Antoine Terrasse, 72 pages, 15 € . Ecrivain(s): Pierre Bonnard Edition: L'Atelier Contemporain

« Violet dans les gris.

Vermillon dans les ombres orangées,

par un jour froid de beau temps ».

Pierre Bonnard devient un instant le peintre aux agendas, notations précises et brèves, à chaque fois un ou deux mots pour dire le temps qu’il fait et le temps qu’il voit – la main du peintre. Beau, pluvieux, beau nuageux, mais aussi vent froid, beau frais, beau froid, ou encore couvert, et ces notations inspirées, précises et pertinentes : au-dessus de tout plane le climat de l’œuvre, ou, il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre vivante la peinture, et plus loin, que le sentiment intérieur de beauté se rencontre avec la nature, c’est là le point. Pierre Bonnard le peintre aux mille dessins de poche  rassemblés dans ces petits agendas, à chaque jour son observation, son mot, son trait, à chaque jour sa courbe : corps, natures endormies – que l’on continue à nommer natures mortes –, un coin de table, un saladier, un vase, une tête de cheval, la mer, une voile, un chat, rien de plus, rien de moins. Pierre Bonnard maître des observations marines : son œil est ce sextant qui ouvre la voie à la toile.

Barcelona ! Grégoire Polet

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 23 Février 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Barcelona !, janvier 2015, 496 pages, 22 € . Ecrivain(s): Grégoire Polet Edition: Gallimard


« C’est dans cette carcasse de pierre que l’illustre Jean Genet se logea jadis, plusieurs mois. Irving regarde la ruine pendante, songeur. Qu’est-ce qu’ils vont bien pouvoir construire là ? Des logements sociaux ? Ou bien, comme ils en sont capables, un beau musée, boum, pour charger le signe du quartier ? ».

Plus que jamais Barcelone est bien cette ville des Prodiges, une ville en mouvement perpétuel, qui ne dort jamais, qui se forme et se transforme comme un roman. Roman d’une ville en révolte permanente, épique, virevoltante, troublante, sidérante et parfois sidérée, hantée par l’Histoire et les histoires qu’elle s’invente et qui l’inventent. Grégoire Polet pratique l’art de la dérive littéraire, inspiré par ceux qui l’ont précédé sur la Rambla, dans le Raval ou le Barrio Chino, où les ombres portées d’écrivains voyageurs croisent celles d’insomniaques douteux et de perdants magnifiques.

L’homme au complet gris, Sloan Wilson

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 13 Février 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA, Belfond

L’homme au complet gris, janvier 2015, traduction (USA) Jean Rosenthal, 456 p. 17 € . Ecrivain(s): Sloan Wilson Edition: Belfond

 

« Le dessin particulier de cette craquelure attirait le regard des gens et, un jour que Tom et Betsy donnaient un cocktail, un des invités qui avait un peu trop bu demanda : “Dites-donc, c’est drôle. Vous n’avez jamais remarqué ce grand point d’interrogation sur votre mur ?

– Ce n’est qu’une lézarde, répondit Tom.

– Mais pourquoi en forme d’interrogation ?

– C’est une coïncidence.

– C’est quand même drôle”, conclut l’invité ».

L’homme au complet gris est l’histoire de cette craquelure, de cette fêlure dans la vie de Tom Rath, fêlure de la mort tragique de son père dont il ne sait finalement que peu de choses, fêlure de la guerre, – cette plongée armes à la main dans les ténèbres de l’Axe –, mais aussi de la trace de son amour italien trop vite oublié, comme si le rêve américain condensait et révélait toutes les fêlures de ses héros.

L’Ecole du Mystère, Philippe Sollers

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 06 Février 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

L’Ecole du Mystère, janvier 2015, 160 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Philippe Sollers Edition: Gallimard

« Le Saint-Esprit souffle où il veut, à travers tous les instruments et toutes les syllabes. C’est une Pentecôte immédiate, avec langues de feu et improvisations sans effort. Mystère de la foi, mystère de la musique, mystère du silence. “Vous entendez mon silence ?” dit la voix ».

L’art du roman est souvent une question de souffle, de vent céleste qui fait flamber les phrases et les pages, comme dans le Dào qui irrigue depuis longtemps les romans de Philippe Sollers. L’écrivain souffle où il veut, sans se soucier des vents contraires, de la morale sociale crispée et des jalousies françaises. Pour s’en convaincre, il suffit d’ouvrir L’Ecole du Mystère, et constater une fois de plus qu’il s’agit là d’une langue de feu – la langue française est une Pentecôte – qui embrase et embrasse le Temps – Le mot « temps » prend ici une majuscule, le Temps, retrouvé, avant d’être définitivement perdu – et ce n’est pas un hasard si Philippe Sollers invite à sa table d’écriture Zhuangzi, Proust, et Heidegger, trois langues et trois pensées de feu. La littérature est toujours une question de souffle, de rythme et de phantasiaque la lumière soit et lumière fut –, le mystère du roman est là, et les preuves ne manquent pas chez l’Européen des bords de Garonne et des jardins de Bordeaux : d’Une curieuse solitude, à Drame, en passant par Paradis I et II, Les folies françaises, ou encore Picasso le héros, L’étoile des amants et Médium.