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Articles taggés avec: Chauché Philippe

La musique des pierres, Nicolas Idier

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 20 Février 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

La musique des pierres, janvier 2014, 336 pages, 21 € . Ecrivain(s): Nicolas Idier Edition: Gallimard

 

« Je marche tous les jours, par tous les temps, même les nuits pluvieuses. Les villes d’Asie ne dorment jamais à poings fermés. Moi non plus, depuis le jour-sans-nom ».

Les beaux livres ne dorment jamais, comme les vagues qui viennent de si loin que l’on se demande souvent si elles ne sont pas éternelles, nées du caprice d’un dieu. L’écrivain regarde les vagues de loin, s’avance, ses pieds se posent sur mille petites pierres roulées, le corps s’élance dans le mouvement permanent de l’eau, les bras, les jambes, la tête, ce n’est pas un nageur, c’est un ange. Les beaux livres offrent au lecteur attentif aux récifs, des nuits blanches et calmes, des nuits dessinées au pinceau avec grande attention, comme les pierres de Liu Dan qui s’élancent dans le mouvement du Temps chinois, le Temps éternel qui est à bien l’embrasser, la plus belle des révolutions. Les beaux livres ne dorment jamais les pages fermées, elles s’ouvrent comme des fleurs du désert, pierres de sables qui glissent entre les doigts, et ne retombent jamais en poussière.

Médium, Philippe Sollers

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 01 Février 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Médium, janvier 2014, 176 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Philippe Sollers Edition: Gallimard

 

« Time is money, la folie gronde. La contre-folie, elle, prend son temps. Pour qui ? Pour rien. La rose est sans pourquoi, fleurit parce qu’elle fleurit, n’a aucun souci d’être vue ».

Lorsque la folie gronde, il vaut mieux être protégé par un paratonnerre, réel ou imaginaire, peu importe, mais il convient de s’armer de contre-folie, s’arrimer à la terre, et flécher le ciel. En ce siècle crispé, il y a des lieux, des êtres, des livres qui en tiennent avec légèreté l’office. Rien de nouveau sur la planète Sollers, la petite aiguille de sa boussole amoureuse lui indique toujours la même direction : Venise. Ville médium, ville dictionnaire qu’il ouvre et parcourt accompagné d’or – Loretta –, d’une fleur – Ada –, et de son moraliste, l’immortel de Versailles – Saint-Simon.

Médium est le roman de la folie et de son contre feu. L’une, on sait sur quoi elle tient : trafics en tous genres – dollars, organes et arts –, falsifications, vérités et mensonges, mauvais romans et mauvaise vie, l’autre repose sur quelques certitudes : immortalité et musicalité du Temps, amours gagnés, lectures attentives et écriture permanente, mouvement permanent du corps joyeux, trilogie divine. Le Père lit, le Fils écrit, et le Saint Esprit ne cesse d’aller et venir entre Paris et Venise sans changer de place.

Juste après la pluie, Thomas Vinau

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 13 Janvier 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Alma Editeur, Poésie, Roman

Juste après la pluie, 30 janvier 2014, 280 pages, 17 € . Ecrivain(s): Thomas Vinau Edition: Alma Editeur

 

Quelle belle manière d’ouvrir la nouvelle année par ce roman-poésie au titre éclairant, aux éclats romanesques, judicieux et joyeux même parfois dans son insaisissable tremblement. Roman-poésie qui s’appuie sur cette lumineuse phrase de Pavese tiré de son métier de vivre : « Mais la grande, la terrible vérité, c’est celle-ci : souffrir ne sert à rien », en effet ! Cette vérité terrible ouvre ceux qui ne s’en doutaient pas à de nouvelles aventures de la liberté libre, ce qui n’est jamais de tout repos.

Vinau attentif à ce qu’il voit, c’est l’œil qui écrit, choisir ses mots avec la même attention que porte Matisse à choisir ses pigments. A ce qu’il sent, la peau toujours aux aguets. A ce qu’il pense, les mouvements du corps sont aussi des sauts dans l’espace de la pensée vive qui jamais n’oublie d’en sourire. A ce qu’il entend, l’oreille qui chante ; vigilance de l’écrivain aux éclairs du Temps, au vent, au soleil, aux comètes, aux fleurs et aux fruits, au ventre doux de la terre, comme finalement chez Francis Ponge,  son ancêtre en art du bref.

A propos de " La mort de Jean-Marc Roberts " de Jean-Marc Parisis

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 20 Décembre 2013. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Tiens, me dis-je, un petit livre sur Jean-Marc Roberts par un autre Jean-Marc, dont je ne sais rien. Il est là devant mes yeux, sur la table d'une librairie parisienne où un ou deux exemplaires de chaque nouveauté est sur le champ soldé. Livres offerts, services de presse trop vite lus, vite oubliés, détestés, délestés, que sais-je ? Je me souviens d'avoir ainsi acquis l'an passé, trois ou quatre livres dédicacés par leurs auteurs, des envois comme l'on dit, envois revendus à bas prix sans laisser d'adresse en quelque sorte. Sur le boulevard, j'ai glissé le livre dans la poche intérieure de ma veste, l'ouvrant, le refermant, le laissant faire son nid durant les deux jours de ce séjour Capital. Alors lisons :

 

" Beaucoup de ses livres pouvaient se lire comme des lettres tardives, retenues, à des enfants, des femmes, des amis, des lecteurs. Façon de réapparaître, de refaire l'histoire en un clin d'œil, de ressortir l'un de ses tours que les autres n'auraient pas compris, qui leur avait échappé. "

Un amour de Descartes, Jean-Luc Quoy-Bodin

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 09 Décembre 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Gallimard

Un amour de Descartes, L’Infini, Gallimard, mars 2013, 14,90 € . Ecrivain(s): Jean-Luc Quoy-Bodin Edition: Gallimard

 

« Il prêtait une oreille attentive à son babillage. Il aimait ses éruptions de sons, ces éclats de mots, ce magma du langage qui n’est pas encore la parole. Partition atonale, échos dissonants de ses appétits et de ses affects. Sans se l’avouer, il appréhendait ce moment où les sons allaient se dénouer, éclore, s’envoler et devenir des mots, des mots durs, tranchants, blessants, des mots de grands puis des adjectifs ; il allait être nommé, évalué, corrigé, contredit. C’est que l’enfant a ses maux à dire, sa vérité à faire éclater. Il somme l’adulte de l’écouter ».

En Hollande, René Descartes tombe sur une fleur, sa Francine, sa fille, sa fleur aimée. Il en tirera quelques leçons de vie, donc de pensées. Un éclair, ce mouvement du temps qui file à la vitesse de la lumière, dont il va se nourrir, comme l’on se nourrit d’un sourire, d’un mot, d’une danse d’enfance. L’enfance de l’art et de la raison, l’un ne va pas sans l’autre. L’autre, cette enfant qui le fixe, l’écoute, l’interpelle, lui montre ce qu’elle voit avec ses mots, qui vont un temps le détourner de ses maux.