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Roman

Noli me tangere, Andrea Camilleri

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 11 Juin 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Métailié, Italie

Noli me tangere, mai 2018, trad. italien Serge Quadruppani, 144 pages, 16 € . Ecrivain(s): Andréa Camilleri Edition: Métailié

 

Comment un roman a priori policier peut révéler des fulgurances métaphysiques ?

« Noli me tangere » (Ne me touche pas… ou… Ne me retiens pas) est une locution latine tirée de la vulgate, version latine de la Bible. Elle fait référence à l’épisode pascal de la résurrection lorsque Marie-Madeleine découvre le tombeau vide et un étrange personnage qui s’avère être le Christ. L’expression traduit la parole de Jésus envers Marie-Madeleine. Comment faut-il l’entendre, si l’on veut faire une brève exégèse et sans vouloir offenser les interprètes accrédités ?

Ce « Ne me touche pas » dit : je suis autre, j’ai changé, je ne relève plus des lois physiques de l’humanité. C’est un corps glorieux que Marie-Madeleine ne doit pas retenir, un corps de l’entre-deux, entre la résurrection et l’apothéose, entre outre-tombe et ascension. La formule latine instaure donc une distance entre l’invisible et le visible. Cet épisode a inspiré de nombreux peintres qui ont cherché à saisir ce moment sacré, ainsi Giotto, Fra Angelico, Bronzino, Le Titien, Nicolas Poussin… (pour n’en citer que quelques-uns). Il a inspiré également des théoriciens comme Jean-Luc Nancy et des écrivains. Parmi eux, Andrea Camilleri dans un livre, justement intitulé Noli me tangere.

Une question de temps, Samuel W. Gailey

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 11 Juin 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Gallmeister

Une question de temps, janvier 2018, trad. Laura Derajinski, 328 pages, 21,30 € Edition: Gallmeister

 

Le mois de septembre 2005 restera à jamais gravé dans l’esprit d’Alice. Pourtant à 14 ans, elle pouvait s’imaginer un bel avenir de jeune fille intelligente, belle et convaincante. Elle réussi d’ailleurs à persuader ses parents de renoncer désormais à faire les frais d’une baby-sitter pour les garder son frère cadet et elle. Elle pense qu’elle est en âge de s’assumer et de surveiller le plus jeune. Alors que sa mère et son père sont sortis, elle garde le petit Jason, quatre ans, l’enfant du miracle, celui que l’on n’attendait plus, né onze ans après sa sœur. Ka-plonk. Ka-plonk. Cet enfant est particulièrement capricieux et colérique et c’est la troisième fois seulement qu’Alice joue les gardiennes. Ka-plonk. Ka-plonk. C’est le moment de mettre Jason en pyjama pour le coucher. Il ne répond pas.Ka-plonk. Ka-plonk. Alice va parcourir la maison en tous sens, jusqu’à ce que se précise à l’entrée de la buanderie ce Ka-plonk. Ka-plonk : Jason, enveloppé dans sa cape de Superman, inanimé, tourne dans le sèche-linge. Après cette macabre découverte, en proie à une immense culpabilité elle s’enfuie de la maison familiale pour ne plus jamais revenir.

Idaho, Emily Ruskovich

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 07 Juin 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Gallmeister

Idaho, mai 2018, trad. américain Simon Baril, 359 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): Emily Ruskovich Edition: Gallmeister

 

D’aucuns pourraient se plaindre du foisonnement des procédés de narration dans ce roman. Ils auraient tort car, quand des modes scripturaux sont aussi maîtrisés, aussi sculptés, ce ne sont plus des procédés mais bel et bien un authentique talent d’écrivain.

Emily Ruskovich nous offre un roman polyphonique époustouflant, dans lequel les personnages sont littéralement étouffés dans des jeux terrifiants de mémoires croisées, où chacun, chacune, s’approprie la mémoire de l’autre pour questionner l’énigme effroyable qui court tout au long du récit : non pas qui, mais pourquoi a-t-on tué la petite May, âgée de 6 ans ? Pourquoi sa mère, Jenny, s’est-elle retournée dans le pick-up et a-t-elle frappé sa petite fille d’un coup de hachette ?

Que les choses soient claires : ce roman n’a absolument rien d’un polar. C’est un roman où l’amour court de bout en bout, amour conjugal, parental, amitiés fortes, ce qui constitue en soi une énigme pour une histoire qui commence par un meurtre d’enfant. Le lecteur est très vite pris dans un engrenage narratif qui le dévore, l’angoisse, l’obsède au point d’y penser entre deux moments de lecture. Pourquoi donc, mais pourquoi ?

Le coq de Renato Caccioppoli, Jean-Noël Schifano

Ecrit par Theo Ananissoh , le Mardi, 05 Juin 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Le coq de Renato Caccioppoli, avril 2018, 102 pages, 10 € . Ecrivain(s): Jean-Noël Schifano Edition: Gallimard

 

C’est présenté par l’éditeur comme un récit. Ce l’est, dense et riche. Une écriture empreinte de sensibilité instruite et engagée. Mais ce n’est pas suffisant pour décrire un texte particulier et inattendu.

« Oui, je sais qu’en écrivant je dévie, dérive, déraille, porté par le grand huit des foires de l’enfance et de l’infini couché sur les rails napolitains en trompe-l’œil, qui sont courbes, se croisent, ovaloïdes, spiraliformes, prenant les cours et les recours de l’Histoire, et que je ne pourrai sûrement pas dire à haute voix, ce soir, tout ce que j’écrirai, ici, en haute altitude, dans la cabine où se pressent mes souvenirs du siècle passé et d’il y a trois mille ans ».

C’est un court roman au sujet d’un excentrique – un génie des mathématiques, napolitain et petit-fils de Mikhaïl Bakounine, le théoricien de l’anarchisme. Renato Caccioppoli est né en 1904 et s’est suicidé à Naples en 1959 « d’une balle de Beretta 7.65 qu’il s’est tirée dans la nuque ».

Les doigts rouges, Keigo Higashino

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 05 Juin 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Japon, Actes Noirs (Actes Sud)

Les doigts rouges, mars 2018, trad. Sophie Refle, 237 pages, 21,80 € . Ecrivain(s): Keigo Higashino Edition: Actes Noirs (Actes Sud)

 

« Akio et Yaeko étaient mariés depuis dix-huit ans. Un supérieur d’Akio les avait présentés l’un à l’autre et ils s’étaient fréquentés un an avant leur mariage. Ils n’étaient pas passionnément amoureux mais n’avaient ni alternative ni raison de se séparer. Elle avait accepté sa demande de peur de ne trouver personne d’autre si elle attendait plus longtemps ».

Les faits sont simples, précis, et le texte est d’une extrême limpidité. C’est l’une des caractéristiques de ce roman et de l’écriture de Keigo. Tout paraît clair (nous reviendrons d’ailleurs sur ce qualificatif). Et puis survient quelque chose, un rien d’incongru. Dans Les doigts rouges, c’est un sac poubelle noir dans le jardin. Maehara Akio, le mari, soulève le sac et là, il aperçoit une paire de pieds menus. Une petite fille gît, morte, dans la verdure. L’auteur de ce crime, Maehara Naomi, est un préadolescent, le fils d’Akio. Yaeko, sa mère, ne craint qu’une chose : que son fils chéri soit confondu et que le déshonneur retombe sur sa famille si les faits sont révélés au grand jour.