D’aucuns pourraient se plaindre du foisonnement des procédés de narration dans ce roman. Ils auraient tort car, quand des modes scripturaux sont aussi maîtrisés, aussi sculptés, ce ne sont plus des procédés mais bel et bien un authentique talent d’écrivain.
Emily Ruskovich nous offre un roman polyphonique époustouflant, dans lequel les personnages sont littéralement étouffés dans des jeux terrifiants de mémoires croisées, où chacun, chacune, s’approprie la mémoire de l’autre pour questionner l’énigme effroyable qui court tout au long du récit : non pas qui, mais pourquoi a-t-on tué la petite May, âgée de 6 ans ? Pourquoi sa mère, Jenny, s’est-elle retournée dans le pick-up et a-t-elle frappé sa petite fille d’un coup de hachette ?
Que les choses soient claires : ce roman n’a absolument rien d’un polar. C’est un roman où l’amour court de bout en bout, amour conjugal, parental, amitiés fortes, ce qui constitue en soi une énigme pour une histoire qui commence par un meurtre d’enfant. Le lecteur est très vite pris dans un engrenage narratif qui le dévore, l’angoisse, l’obsède au point d’y penser entre deux moments de lecture. Pourquoi donc, mais pourquoi ?