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Il n'y a qu'une façon d'aimer, Monique Barbey

Ecrit par Stéphane Bret , le Jeudi, 06 Juin 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Alma Editeur

Il n’y a qu’une façon d’aimer, 6 juin 2013, 432 pages, 22 € . Ecrivain(s): Monique Barbey Edition: Alma Editeur

Il existe toujours un danger élevé en littérature, c’est de décrire un amour impossible sans tomber insensiblement dans les pires clichés ou les caricatures les plus outrancières. Cet écueil, Monique Barbey l’évite, pour le plus grand bonheur des lecteurs de son récit intitulé Il n’y a qu’une façon d’aimer. Monique Bierens de Haan, née Barbey, est suisse ; elle a épousé un Hollandais dont elle aura cinq enfants. C’est une Genevoise, élevée dans les traditions, dans le culte de la culpabilité, du rigorisme du protestantisme calviniste qui a marqué de son empreinte la vie de cette cité. Cette femme est conquérante, souffre de la tutelle exercée par sa famille, à tel point que cette dernière lui impose d’épouser Barthold Bierens de Haan, son actuel époux. Le récit n’est pas un roman, c’est l’exposition d’un journal tenu par Monique Barbey entre 1943 et 1948, découvert par son fils et édité par les soins de ce dernier.

En 1942, Monique Bierens de Haan s’engage dans l’Armée néerlandaise en exil aux côtés de son époux. Elle rencontre à Londres le général Koenig, héros de la France Libre et vainqueur de la bataille de Bir-Hakeim. Elle en tombe amoureuse et expose cette situation dans les lignes datées du 20 juillet 1944 : « C’est la foudre qui m’a frappée. Je suis clouée sur ce banc et mon cœur s’arrête de battre. Je ne bouge plus et retiens mon souffle, craignant d’avoir compris. Personne ne m’avait jamais dit ainsi qu’il m’aimait ».

Je n'ai de goût qu'aux pleurs que tu me vois répandre, Sébastien Bonnemason-Richard

Ecrit par Frédéric Aribit , le Jeudi, 06 Juin 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Alma Editeur

Je n’ai de goût qu’aux pleurs que tu me vois répandre, janvier 2013, 99 pages, 14 € . Ecrivain(s): Sébastien Bonnemason-Richard Edition: Alma Editeur

 

Qui est-il ? On ne sait pas trop. Un homme amoureux, qui traverse le pays pour aller la rejoindre. Qui est-elle ? On le sait encore moins. Lycéenne encore. Plus jeune que lui. Il la veut. Il plaque tout pour elle, son boulot, sa ville, sa vie. Prend sa voiture et fonce la rejoindre. 2000 kilomètres à faire vers le Nord, rien que ça, jusqu’en Ecosse. Mais on est sans doute moins sérieux quand on a 17 ans. Ou alors, est-ce que le manque se vit différemment : « Je cherche chez les autres ce que j’ai aimé chez lui », dit-elle. Car lorsqu’il arrive, elle est au bras d’un autre. Lycéen comme elle. Ils s’embrassent. « On ne peut pas traiter les gens de cette manière. Et la jeunesse n’est pas une excuse », dit-il. Devant pareil spectacle, il ne sait pas réfléchir. Il fait ce qu’il n’aurait pas dû faire s’il avait su réfléchir.

Le premier roman de Sébastien Bonnemason-Richard n’est pas de ceux dont l’intérêt se limite à l’intrigue. L’amorce d’un résumé suffit sans doute à s’en rendre compte : la machine romanesque ne naît pas ici dans l’obsession du suspense à tout crin. Elle ne s’emballe pas ensuite davantage d’un excès étourdissant de péripéties, qui auraient lancé chez bien d’autres le personnage dans une course folle. On en serait presque étonné qu’il ait d’ailleurs une arme.

Le jaune et le noir, Tidiane N'Diaye

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 06 Juin 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Essais, Afrique, Gallimard, Histoire

Le jaune et le noir, Gallimard Continents noirs avril 2013, 153 p. 18,50 € . Ecrivain(s): Tidiane N'Diaye Edition: Gallimard

 

 

Quand, il y a peu, depuis la longue pinasse remontant le Niger, les guides maliens apercevaient sur la berge, une bicyclette «  à moteur », pétaradant comme nos antiques  Solex, leurs  rires n'en finissaient pas : «  une chinoise ! Dès qu'elle sera en panne, elle ne sera pas réparable ! Pas chère, mais pas solide ! »... Là - bas, aussi, la Chine était partout ; objets, , marques et réclames... et, déjà pas mal d' hommes.

Après la France Afrique, la Chine Afrique ? Ce qu'on entend par là, vaut pour les deux concepts : prendre, et encore se resservir, sous couvert de protections et de liens « amicaux », si ce n'est « familiaux, sauce maffieuse ». Tractation évidemment, hautement inégalitaire. Voilà l'unique sujet autopsié par le livre de «  Continents noirs » ; comment le jaune mange et mangera le noir, et jamais l'inverse.

Les aventures extravagantes de Jean Jambecreuse, Harry Bellet

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 05 Juin 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Actes Sud, Histoire

Les aventures extravagantes de Jean Jambecreuse, artiste et bourgeois de Bâle, Assez gros fabliau, mars 2013, 368 p. 22,80 € . Ecrivain(s): Harry Bellet Edition: Actes Sud

 

« On sait depuis des siècles combien cette fable du Christ a été profitable à nous et aux nôtres ». Les connaissances actuelles attestent que cette « célèbre » phrase du pape Léon X est une citation apocryphe, une invention de l’écrivain protestant anglais, John Bale (1495-1563). Pourtant Hariolus Bellatolus, alias Harry Bellet, pour les besoins de son fabliau, non seulement la lui prête, mais la lui fait écrire sur un parchemin apposé du sceau papal qu’un méchant courant d’air emporte hors des galeries du Vatican pour tomber dans « les cheveux merveilleusement bouclés d’un ange », un certain Salai, l’assistant favori de Léonard de Vinci. L’écrit sulfureux va susciter bien des convoitises et changer souvent de main.

Nous voici donc au début du XVIe siècle, dans une Europe qui bataille, commerce, diffuse des idées nouvelles grâce à l’imprimerie, se divise sur le plan religieux et explose dans tous les domaines artistiques. C’est dans ce contexte que le jeune Jean Jambecreuse (traduction littérale de Hans Holbein), « ymagier » de son état, quitte sa bonne ville d’Augsbourg pour rejoindre son frère Ambroise à Bâle, afin de parfaire son apprentissage.

Feux, Marguerite Yourcenar

Ecrit par Sophie Galabru , le Mardi, 04 Juin 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Récits, Gallimard

Feux, 1993, 147 pages . Ecrivain(s): Marguerite Yourcenar Edition: Gallimard

Recueil de narrations lyriques ou de poèmes en prose, comme on le voudra, Feux est un des plus beaux écrits de la littérature française contemporaine. Il y a mille particularités qui convergent vers un universalisme littéraire, poétique et humain. Comme le dit l’auteur elle-même « produit d’une crise passionnelle » le recueil aurait pu s’appeler l’Amour Fou, mais c’est un titre plus à l’image du style baroque, métaphorique, classique et racinien auquel Marguerite Yourcenar a recours qui nommera ces écrits. Feux telle est la métaphore vive qui baptise ces plaidoyers passionnés.

L’ensemble proposé ici est celui de neuf récits tous empruntés à la Grèce Antique sauf Marie-Madeleine ou le salut de Dieu ; entrecoupés de réflexions brèves et foudroyantes, extraits sans doute d’écrits intimes et personnels. Yourcenar emprunte tous les sentiers détournés, narration à « il » ou « elle », nouvelle identité mythique de « je » pour nous parler de ce qui n’en finit pas de se vivre, l’amour passion. Ces détournements sont moins une mise à distance qu’une pudeur, mais peut-être aussi parce que dans l’incapacité à souffrir la souffrance ce ne peut être un « je » souffrant qui parle mais une souffrance s’écri(v)ant à travers des prête-noms. Ces personnages, ce style emphatique mais sublime, ces métaphores et ces images au service d’histoires simples soutiennent ensemble l’idée majeure selon laquelle l’amour est un support de passions abstraites et transcendantes.