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La Une Livres

La Sauvage, Jenni Fagan

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 14 Mai 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Iles britanniques, Roman, Métailié

La Sauvage (The Panopticon). Trad. de l'anglais par Céline Schwaller. Mars 2013. 312 p. 19 € . Ecrivain(s): Jenni Fagan Edition: Métailié

 

The Panopticon. C’est le titre original de ce livre. Les lecteurs français seront nombreux à se demander pourquoi l’éditeur a choisi de glisser l’axe central du livre de la machine infernale qui le structure à la jeune fille qui en est l’héroïne. Pour peu qu’on ait lu le formidable « Surveiller et punir » de Michel Foucault, on ne peut pas ne pas savoir ce qu’est le Panopticon : un aménagement d’espace carcéral (et/ou hospitalier) idéal, inventé par l’anglais Jeremy Bentham en 1791, et qui permet, à partir d’un seul lieu central, de voir l’absolue totalité de l’ensemble d’un lieu d’enfermement. Une sorte d’omnivision radicale, métaphore souvent utilisée pour évoquer les univers totalitaires.

 

" En plein milieu du grand C, aussi haute que le dernier étage, il y a la tour de surveillance. Je lève les yeux. Il y a une fenêtre panoramique qui fait tout le tour au sommet et si on voit rien à travers la vitre, celui - ou ce qui - se trouve là-haut, lui, peut voir à l'extérieur. Depuis la tour, on peut voir l'intérieur de chaque chambre, chaque étage, chaque salle de bains. Partout."

Alcools, Guillaume Apollinaire

Ecrit par Michel Host , le Lundi, 13 Mai 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Livres décortiqués, Poésie, Folio (Gallimard)

Alcools, Édition 2013, Folio-Gallimard N°5546, 249 pages, prix non indiqué . Ecrivain(s): Guillaume Apollinaire Edition: Folio (Gallimard)

Le recueil Alcools, précédé de Guillaume Apollinaire de Paul Léautaud, suivi d’un dossier sur l’œuvre et le poète, comprenant des textes d’Apollinaire sur la création, la poésie et la composition d’Alcools ; des contributions-hommages de divers poètes d’hier et d’aujourd’hui ; un « Lexique d’Alcools » par Michel Décaudin ; de brèves notices sur les amis d’Apollinaire ; une notice biographique et chronologique du poète.

 

Une lecture est une aventure personnelle, sinon « à quoi bon ? »

Michel Host

Voici un livre dont l’intelligence et la praticité de la composition alliées à l’intérêt unique d’une poésie unique feront qu’il ne nuira à personne de l’avoir dans la poche de sa veste ou de son trench-coat, à condition que ceux-ci soient de bonne coupe. Bien au contraire, tout collégien, lycéen, étudiant que l’enseignement tel qu’on le dispense de nos jours n’aura pas dégoûté à jamais de l’expression poétique et d’Apollinaire en particulier, tout lecteur de bonne volonté qui, au fil du temps, se sera éloigné de la poésie gagnera à le consulter, à en lire quelques pages dans les transports en commun, dans son lit avant de dormir ou in articulo mortis, mais aussi à ses amis au bistrot les jours de pluie comme de soleil.

Gloria, Pascale Kramer

Ecrit par Theo Ananissoh , le Lundi, 13 Mai 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Flammarion

Gloria, janvier 2013, 154 pages, 17 € . Ecrivain(s): Pascale Kramer Edition: Flammarion

 

On aimerait multiplier les citations ; ce dont il s’agit se comprendrait sans doute mieux. C’est un roman tout en descriptions minutieuses, délicates, précises ; description des êtres, des choses, des lieux, de l’âme. Au point que les dialogues y semblent presque accessoires – d’ailleurs, ces quelques paroles qu’échangent les personnages ne sont pas typographiquement signalées.

« Ses mains reposaient à plat sur ses genoux tout en os tendus de peau translucide et nue malgré le froid dehors. Un roulement de skateboard s’acharnait à se fracasser sur les mêmes quatre marches du perron. C’est toujours comme ça, du bruit, du bruit, du bruit, se plaignit-elle en agitant sa main en éventail. Les petites billes gris-bleu, au fond des orbites légèrement ombrées, perçaient d’ironie la rondeur de son visage ».

« Ses joues s’étaient colorées, ainsi que les ailes délicates de son nez et le bord transparent de ses paupières où se diluaient de fines veines bleues ».

Zazen, Vanessa Veselka

Ecrit par Yann Suty , le Samedi, 11 Mai 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, USA, Roman, Le Cherche-Midi

Zazen, trad. (USA) Anne-Sylvie Hommassel, (2011, 2013 pour la traduction française), 340 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Vanessa Veselka Edition: Le Cherche-Midi

 

Dans une Amérique parallèle.

Della vit dans le grenier de la maison de son frère, Credence, et de sa femme, Annette, enceinte de jumeaux. Au mur, elle a scotché des photos d’immolation trouvées sur Internet. C’est une de ses petites lubies. Quand il a vu les images, son frère lui a conseillé de faire du yoga.

Della travaille dans le restaurant végétalien Si on chantait, mais il ne fait pas non plus mauvais accueil aux clients qui aiment la viande. De temps à autre, elle trouve des rats agonisants qui ont ingurgité le poison laissé par son patron. Un cimetière leur est dédié.

Avant d’être serveuse, Della a étudié la paléontologie des invertébrés. Elle ne voit plus à quoi ça lui sert maintenant.

Elle aime dormir. Elle aime aussi le bruit des mûres qu’on écrase.

Au-dessus de la mêlée, Romain Rolland

Ecrit par Stéphane Bret , le Samedi, 11 Mai 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Essais, Petite bibliothèque Payot

Au-dessus de la mêlée, 215 pages, 8,15 € . Ecrivain(s): Romain Rolland Edition: Petite bibliothèque Payot

 

Qui est Romain Rolland ? Un écrivain du début de ce vingtième siècle, auteur de nombreuses biographies, ami de Charles Péguy et de Stefan Zweig. Il était aussi, pour notre plus grand bonheur, un pacifiste acharné, et un amoureux de la civilisation. Dans cet ouvrage intitulé Au-dessus de la mêlée, titre de l’un des articles et manifestes parus durant les années 1914 et 1915 dans la presse suisse, Romain Rolland nous invite à accomplir des démarches périlleuses, à emprunter des voies difficiles et étroites. Que nous dit ce polémiste, au bon sens du terme ? Qu’une guerre, loin d’être la résurrection appelée de leurs vœux par tous les bellicistes, est un désastre pour tous les belligérants : Romain Rolland se fait l’écho de la prise de position de Stefan Zweig : « Le désastre de la France serait aussi un désastre pour les penseurs libres d’Allemagne ».

Cette volonté de se situer, dès les débuts de la Grande Guerre, au-dessus de la mêlée, incite Romain Rolland à la formulation de diagnostics précurseurs à plus d’un titre : ainsi, le nationalisme exacerbé est-il stigmatisé quelle que soit son origine, sa justification ultime : « Chaque peuple a, plus ou moins son impérialisme (…) Il est la pieuvre qui suce le meilleur sang de l’Europe. Contre lui, reprenons, hommes libres de tous les pays, dès que la guerre sera finie, la devise de Voltaire : Ecrasons l’infâme ! »