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L’accordeur de silences (Jerusalém), Mia Couto (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 30 Avril 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Afrique, Roman, Métailié, En Vitrine, Cette semaine

L’accordeur de silences (Jerusalém), Mia Couto, Métailié Suites, 2013, trad. portugais (Mozambique), Elisabeth Monteiro Rodrigues, 236 pages, 10 € . Ecrivain(s): Mia Couto Edition: Métailié

Ce livre est d’abord le roman d’un lieu. D’un non-lieu plutôt, un trou hors du monde, un anti-espace suspendu nulle part. Jérusalem. Le nom dans son étymologie première : la Fondation. Ici, Dieu n’est pas le Grand Architecte, c’est Silvestre Vitalicio, c’est-à-dire, à peu près, la même chose. C’est le Jérusalem, dit Silvestre, où Jésus devrait se décrucifier. Et point final. Il a quitté le monde pour des raisons obscures, pour rejoindre l’autre côté dit-il, accompagné de ses fils, de son frère, d’un soldat, d’une ânesse nommée Jezibela. Plus qu’un désert, un rien, un manque, un tore dont les bords sont introuvables.

En écho, ces vers en épigraphe du premier chapitre.

J’écoute mais ne sais

Si ce que j’entends est silence

Ou Dieu (Sophia de Mello Breyner Andresen).

Oser le nu, Le nu représenté par les artistes femmes, Camille Morineau (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 30 Avril 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts, Flammarion

Oser le nu, Le nu représenté par les artistes femmes, Camille Morineau, Flammarion, février 2025, 240 pages, 39 € Edition: Flammarion

L’art au féminin

L’ouvrage d’histoire de l’art, Oser le nu, de Camille Morineau, traite en profondeur d’un sujet tabou. La commissaire d’exposition, conservatrice du patrimoine et directrice artistique, formée à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm, qui a mis en place l’exposition elles@centrepompidou en 2009 et 2014 et fondé l’Association AWARE, note que « la représentation du nu par les artistes femmes est tout simplement inédite ». L’autrice a choisi un répertoire d’œuvres établi chronologiquement, pour la plupart méconnues, partant du Moyen Âge jusqu’à la période contemporaine. « Des femmes signent des nus, la passion du Christ, les souffrances des martyrs et des saints ».

Les femmes, pourtant discriminées, ont suivi une formation et des apprentissages d’ateliers, à l’égal de leurs coreligionnaires masculins, preuve tangible qui leur a permis d’élaborer des œuvres d’envergure ; voyons à cet égard les toiles de Catharina van Hemessen (1528-1587) et celles de la célèbre Sofonisba Anguissola (1532-1625). Par contre, le fait que les femmes ne soient jamais citées dans les manuels d’art est révoltant, injuste, et finalement curieux…

Un adolescent amoureux, Robin Josserand (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 30 Avril 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Mercure de France

Un adolescent amoureux, Robin Josserand, Mercure de France, mai 2024, 151 pages, 17 € Edition: Mercure de France

Robin Josserand a fait des débuts remarqués (et remarquables) en littérature avec la publication, en 2023, et déjà au Mercure de France, de son premier roman, Prélude à son absence, chroniqué ici-même. Son deuxième livre, Un adolescent amoureux, séduira les lecteurs qui avaient apprécié le précédent. Quant à ceux qui étaient restés un peu sur leur faim, ils seront, je l’espère, davantage conquis.

L’ouverture, bovaryenne, subvertit le schéma flaubertien. Je veux dire que le Narrateur raconte l’entrée dans sa classe (de terminale en l’occurrence) d’un nouvel élève : « Lors du premier cours, le garçon arrive en retard et s’installe au dernier rang en faisant crisser sa chaise sur le carrelage ». Mais pas de « Proviseur » devant qui chacun se lève dans ce récit dont l’action se situe, suppose-t-on, dans la première décennie du vingt et unième siècle. Pas d’« habit-veste de drap vert à boutons noirs » mais « une chemise à carreaux rouges déchirée au niveau du coude ». Et nulle gêne du jeune homme face à son professeur et ses camarades ni de fous rires à l’écoute de son nom (« Charbovari ! Charbovari ! ») puisqu’on apprend, une dizaine de lignes plus loin (nous sommes toujours dans le paragraphe introductif, p.13), qu’il « se roule une cigarette à la vue de tous ».

Pas de larmes, Caroline Tiné (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 29 Avril 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Albin Michel, En Vitrine, Cette semaine

Pas de larmes, Caroline Tiné, Albin Michel, mars 2025, 288 pages, 20,90 € Edition: Albin Michel

 

« Le dernier chant au Père, qui n’écoutait jamais de musique, serait cet hymne magnifique au martyre de Jésus. Victoire est songeuse, elle n’a jamais été initiée à l’art, la culture ou la musique par le Père. Comme si la guerre d’Algérie avait occulté tout autre centre d’intérêt. Mais elle avait pris l’habitude d’aller errer au Louvre pour s’imprégner d’une infinie beauté ».

Pas de larmes est le roman d’un père, le Père disparu et donc retrouvé, sa stature, son élégance, ses mots, son histoire tumultueuse, irriguent ce roman, qui est aussi celui d’une terre aimée, qu’il a fallu quitter : l’Algérie. Ce roman est aussi l’histoire de Victoire, la fille aînée et préférée du Père, qui sera chargée de ramener ses cendres sur cette terre, qu’il a tant aimée. Pas de larmes nous conduit ainsi sur les traces d’une famille, dont le destin s’est étiré, jusqu’à casser, une famille éloignée de la guerre, qui va submerger l’Algérie, et l’irriguer de nostalgie.

Quand s’arrêtent les larmes, Jean-Noël Pancrazi (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 29 Avril 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Récits, Gallimard

Quand s’arrêtent les larmes, Jean-Noël Pancrazi, Gallimard, Coll. Blanche ? mars 2025, 128 pages, 17 € Edition: Gallimard

 

Fidèle comme Bianciotti et de Ceccatty à une littérature de compassion, le romancier des Quartiers d’hiver renouvelle ici, en une prose très composée, proustienne, le miracle des récits attentifs aux siens. Jadis, ce fut pour rendre hommage à « Madame Arnoul » ou à sa mère « Renée Camps » ou encore à son éditrice si tôt disparue. Aujourd’hui, c’est à Isabelle, sa sœur, soignée pour un cancer que tout un livre est consacré.

C’est l’occasion pour lui de restituer les moments passés durant l’enfance algérienne avant l’exil pour la France et la région de Perpignan.

Des pans d’un passé très riche en souvenirs qui se mêlent à un présent préoccupant, où la maladie tient la plus grande place.

Lui-même, plusieurs années plus tôt, a été gravement malade et hospitalisé à Cognacq-Jay.