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Iles britanniques

Un homme au singulier, Christopher Isherwood

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 03 Juillet 2014. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Grasset

Un homme au singulier (A single man). Traduction de l'anglais Léo Dilé. Avril 2014. 175 p. 8,20 € . Ecrivain(s): Christopher Isherwood Edition: Grasset

 

Dire à chaque opus d’Isherwood qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre va finir par paraître conventionnel. Et pourtant que dire d’autre en tout premier sur ce bijou de roman qu’est « un homme au singulier » ? Un condensé de vie, de douleur, de solitude et d’apaisement nous attend dans ce petit livre.

Une journée, une, dans la vie au crépuscule de George. Il est seul, envahi par le souvenir omniprésent de Jim, mort il y a peu et qui l’a laissé derrière, désemparé. La vie continue certes mais quelle vie ? Ecornée, étrangère à soi, orpheline. On ne se fait pas à la mort de l ‘autre, on vit autour d’une béance, d’un trou infini.

« Et c’est ici, presque tous les matins, que George, arrivé au pied de l’escalier, a cette sensation de se trouver soudain au bord d’une corniche à pic, brutalement creusée, aux arêtes vives – comme si la route avait été emportée par un glissement de terrain. C’est ici qu’il s’arrête pile et sait, avec une acuité à donner la nausée, presque comme pour la première fois : Jim est mort. Est mort. »

La violette du Prater, Christopher Isherwood

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 05 Juin 2014. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Grasset

La violette du Prater (The Prater Violet). Traduit de l’anglais par Léo Dilé. Grasset Cahiers rouges avril 2014. 150 p. 7,90 € . Ecrivain(s): Christopher Isherwood Edition: Grasset

 

Dans l’œuvre d’Isherwood, pourtant très fournie, il n’y a que des chefs-d’œuvre. Certes « Adieu à Berlin » y fait figure de sommet mais ce roman-ci est aussi l’œuvre d’un maître. Tout l’art d’Isherwood s’y retrouve, cette capacité à glisser sur la toile de fond sombre de l’histoire du XXème siècle pour se réfugier – et nous réfugier – dans le destin somme toute trivial de personnages romanesques.

Romanesque, comment l’être plus que la figure centrale de ce livre : Bergmann, metteur en scène de cinéma digne du personnage de Falstaff du grand Will. Enorme, baroque, génial, bruyant, agaçant, attachant ! Le narrateur, le jeune écrivain/scénariste « Isherwood », mais oui, en est tout ébouriffé mais fasciné surtout. Les quelques semaines partagées à travailler avec Bergmann à la réalisation d’un film, « la violette du Prater », seront pour lui un vrai parcours initiatique. Pas seulement au plan professionnel, mais surtout au plan humain.

Les scènes désopilantes se succèdent sous les yeux ébahis des collaborateurs du film et d’Isherwood.

La solitude est sainte, William Hazlitt

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Samedi, 31 Mai 2014. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Quai Voltaire (La Table Ronde)

La solitude est sainte, mai 2014, 126 pages, 14 € . Ecrivain(s): William Hazlitt Edition: Quai Voltaire (La Table Ronde)

 

Avant tout destiné à la peinture, William Hazlitt (1778-1830) offre dans La solitude est sainte le rythme et la coulée à la sensibilité romantique du littérateur en lui. Mais le peintre et l’écrivain s’y retrouvent, puisque tous deux exercent le goût de l’observation sur le vif ; l’œil au quotidien sans cesse aux aguets de l’environnement journalier en ses détails et sa vue panoramique ; une érudition empirique fondée sur l’expérience et l’étude de la nature qu’il importe non pas de copier mais d’exprimer (cf. Préface de Lucien d’Azay in La solitude est sainte).

Ce recueil, dont le titre est emprunté au Stello d’Alfred de Vigny, se compose de trois essais dont une sensibilité reconnaissable parcourt la teneur et la cohérence des propos sur l’art de vivre célébré. Partir en voyage ainsi rejoint Vivre à part soi dans la liberté individuelle défendue et illustrée par une solitude choisie et assumée pour mieux vivre en harmonie avec le monde extérieur observé à distance, et avec soi-même. Le goût et l’envie d’une existence itinérante va de pair chez William Hazlitt, qui a publié ces essais en 1821 et 1822, avec des départs non manqués dès que cela lui était possible et pleinement assumés en leur solitude désirée afin, justement, d’aller mieux à la rencontre de l’Autre.

Un ciel rouge, le matin, Paul Lynch

Ecrit par Victoire NGuyen , le Lundi, 19 Mai 2014. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Albin Michel

Un ciel rouge, le matin, mars 2014, traduit de l’Anglais (Irlande) par Marina Boraso, 283 pages, 20 € . Ecrivain(s): Paul Lynch Edition: Albin Michel

 

Course poursuite à travers le vaste monde


Le talent de conteur de Paul Lynch happe le lecteur dès la première page du roman et laisse entrevoir une intrigue sombre et sûrement funeste pour ses personnages. Mais attardons-nous un instant sur sa prose poétique torturée : « D’abord il n’y a que du noir dans le ciel, et ensuite vient le sang, la brèche de lumière matinale à l’extrémité du monde. Cette rougeur qui se répand fait pâlir la clarté des étoiles, les collines émergent de l’ombre et les nuages prennent consistance. La première averse de la journée descend d’un ciel taciturne et tire une mélodie de la terre ». On devine aisément toute la poésie résultant des chuintantes, des sifflantes et des sonorités dures ou gutturales de la langue anglaise dans cette description présageant une matinée hors du commun…

No Sex, Tim Parks

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 08 Mai 2014. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Actes Sud

No Sex, traduit de l’anglais par Isabelle Reinharez, février 2014, 268 pages, 22 € . Ecrivain(s): Tim Parks Edition: Actes Sud

 

 

Il est des livres qui nous attachent par une écriture sans pareille – celle qui ne parle qu’à nous ; d’autres par un format, une syntaxe qui nous agrippent ; d’autres encore, c’est une histoire, un récit comme on dit, « prenant » ; on peut encore succomber à des personnages, des lieux, un autre temps…

No Sex, c’est avant tout l’histoire, un documentaire parfaitement boulonné, animé, serré comme café noir, et – Tim Parks, et son art abouti ! – tout le reste en attelage…

No Sex emballe et tant, qu’on laisse volontiers le monde continuer sans nous ! Livre à part ; histoire à part, et une Beth anglaise (« tu as l’air d’un génie échappé d’une bouteille… les cheveux en bataille, de grandes dents… des nichons fantastiques ») unique dans le paysage romanesque.