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Iles britanniques

Vera, Karl Geary

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 31 Août 2017. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, La rentrée littéraire, Rivages

Vera (Montpelier Parade), 30 août 2017, trad. anglais (Irlande/USA) Céline Leroy, 254 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Karl Geary Edition: Rivages

 

Un livre débordant d’amour, délicat, touchant sans une once de pathos, est un objet rare en littérature. C’est avec un talent exceptionnel et un humanisme sans fond que Karl Geary vient occuper cet espace avec ce roman superbe qui laisse le cœur du lecteur tourneboulé.

Sonny est un jeune garçon né dans une famille très pauvre de Dublin. Il va au lycée et donne des coups de main dans une boucherie le soir et le samedi, ou à son père, maçon, à l’occasion. Geary nous emmène, avec force et conviction, dans un univers à la Ken Loach. La brutalité fruste des relations familiales, les difficultés de la vie, n’empêchent pas un amour profond pour la mère, distante mais aimante, pour le père surtout, géant taiseux qui ne peut cacher, malgré sa pudeur, son affection paternelle. On est là au cœur de ce roman : ce n’est pas l’amour qui manque mais le pouvoir, le courage, l’envie de le dire, de le mettre en mots, de l’annoncer à l’autre. L’amitié de Sonny avec Sharon, petite jeune fille délurée, solitaire, écorchée vive, est le sommet de cette impossibilité de dire l’amour, comme s’il s’agissait d’une faute inexpiable que d’aimer.

Chamber Music suivi de Pomes Penyeach, James Joyce

Ecrit par France Burghelle Rey , le Vendredi, 30 Juin 2017. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Editions de la Différence

Chamber Music suivi de Pomes Penyeach, juin 2017, trad. Pierre Trouillier, 130 pages, 8 € . Ecrivain(s): James Joyce Edition: Editions de la Différence

 

« Pour comprendre comment Joyce devint Joyce, il faut en passer par ces deux recueils » (le premier publié en 1907, le second en 1927) a écrit Pierre Trouillier. En effet, la poésie a été pour l’auteur d’Ulysse la première expérience littéraire d’où l’intérêt majeur de la réunion en une édition bilingue de ces textes tombés, comme l’ensemble de l’œuvre, en 2012 dans le domaine public. Il s’agit, de plus, d’une véritable édition critique en raison de l’établissement scrupuleux du texte d’après les éditions originales, enrichie par les variantes des éditions ultérieures.

Le traducteur fait ici le choix de la versification et de la rime pour faire « partager en français une expérience rythmique et musicale proche de celle en anglais » qui ajoute sa beauté à la variété des mètres et des strophes.

Chamber music comprend 36 textes et fut rédigé par Joyce avant son départ volontaire d’Irlande en 1904. C’est au frère de celui-ci, Stanislaus, que l’on doit la conception finale du recueil qui « réorganisé et augmenté devait décrire le cheminement de l’âme du poète… jusqu’à son exil » sans suivre l’objectif initial qui consistait à suggérer la naissance et la mort d’un amour pour une dame, parcours hérité de la tradition courtoise.

Billie Morgan, Joolz Denby

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Vendredi, 16 Juin 2017. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Les éditions du Rocher

Billie Morgan, avril 2017, trad. Thomas Bauduret, 391 pages, 21,90 € . Ecrivain(s): Joolz Denby Edition: Les éditions du Rocher

 

 

« Ce récit constitue mes mémoires ; la vérité, telle qu’elle existe dans mon souvenir ». Par cette simple phrase placée en épigraphe, Joolz Denby nous indique que l’on entre de plain-pied dans le récit de l’histoire de Billie Morgan, l’héroïne de son livre. Billie est née dans une famille presque ordinaire de Bradford, dans le West Yorkshire. Billie est la cadette d’une fratrie de deux filles. Elle a les cheveux bruns de son père qui a déserté le foyer conjugal. Aux yeux de sa mère, blonde décolorée, elle n’est pas féminine et « a le don de [se] faire détester ». Billie, qui doit son nom à Lady Day, la chanteuse, se demande d’ailleurs, tout le temps : « qu’est ce que j’ai fait pour que papa nous abandonne ? Pour qu’il cesse de m’aimer ? ». Une lourde et sourde culpabilité qui va marquer le destin de cette gamine de Bradford. Bradford qu’elle aime même si ça n’est pas Londres, Bradford où a vu le jour le peintre David Hockney.

Lénine 1917, Le train de la révolution, Catherine Merridale

Ecrit par Gilles Brancati , le Lundi, 29 Mai 2017. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Histoire, Payot

Lénine 1917, Le train de la révolution, mars 2017, trad. anglais Françoise Bouillot, 280 pages, 24 € . Ecrivain(s): Catherine Merridale Edition: Payot

La première chose à dire sur ce livre est la richesse de sa documentation. Trente-huit pages de renvois vers d’autres œuvres attestent que ce récit historique fait partie des livres majeurs sur le sujet et que rien n’a été laissé au hasard. C’est bien une synthèse de ce qui a été écrit que Catherine Merridale nous propose.

Le train de la révolution est celui dans lequel Lénine a voyagé pour rentrer en Russie depuis la Suisse où il est en exil depuis 1905. Un long, un très long voyage à travers l’Allemagne, la Suède, la Finlande et son achèvement à Petrograd. Le révolutionnaire exilé, assez peu connu en Russie, n’a pas participé au début de la révolution populaire. Quand il revient en Russie, le Tsar a déjà abdiqué et un gouvernement provisoire a été constitué.

La ligne de fracture entre les deux camps – Mencheviks et Bolcheviks – est avant tout le maintien ou le retrait des troupes russes dans la guerre contre l’Allemagne. Ce qui veut dire que tous sont instrumentalisés par les puissances étrangères concernées. L’Allemagne a intérêt à ce qu’une paix séparée soit signée pour porter son effort de guerre sur le front de l’ouest, et les alliés veulent le contraire. De là à dire que les Allemands ont aidé Lénine, partisan de la paix, c’est une évidence. De là à dire qu’ils ont financé les bolcheviks, rien n’est vraiment avéré, mais probable.

Sonnets pour un homme mourant, Burns Singer

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 22 Mai 2017. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Poésie, Obsidiane

Sonnets pour un homme mourant, 2017, trad. Anthony Hubbar et Patrick Maury, 15 € . Ecrivain(s): Burns Singer Edition: Obsidiane

 

Tout d’abord quelques mots sur la question de la traduction que pose inévitablement ce recueil qui paraît chez Obsidiane en édition bilingue : doit-on reproduire avec fidélité ou trahir le texte original, s’effacer devant l’auteur ou faire du texte initial son propre texte ? Ici il semble que le parti est pris d’une traduction très proche du corps du texte. Il n’y a d’ailleurs ni bonne ni mauvaise attitude des traducteurs, si seulement elle nous oblige à réfléchir sur la présentation face à face du texte anglais et de la traduction. Ce qui est le cas avec ce présent recueil de 50 sonnets d’une couleur sombre et profonde. Être très proche du texte original permet au lecteur français de reconstruire la versification anglaise dans celle, différente, de la versification française (par exemple du rythme du pentamètre iambique jusqu’à des formes neuves de rythmique).

 

The time we wept in yet have no tears to dry. / Où nous pleurions, bien que nos yeux soient secs.

Mimics these infantile infinities. / Singe ces infinités infantiles.

Find that I’ve said the things I cannot say. / Je crois que j’ai dit des choses impossibles à dire.