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Les Chroniques

Le Livre jaune, Andreas Unterweger (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 21 Octobre 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Le Livre jaune, Andreas Unterweger, éditions Lanskine, trad. allemand, Laurent Cassagnau, mai 2019, 224 pages, 20 €

 

Jeunesse

Pour se plonger dans le livre de A. Unterweger, traduit de l’allemand par Laurent Cassagnau, il faut accepter un voyage en enfance. Mais, même si l’auteur écrit depuis le point de vue d’un garçonnet, nous ne sommes pas pour autant dans un récit jeunesse. D’une part, parce qu’il s’agit d’un récit en fragments, de focales successives sur les activités de l’écrivain en son jeune âge (le sien ?), ce qui requiert une habileté de lecture à ranger du côté de l’adulte, et d’autre part parce que le niveau de langue, notamment des jeux de mots, nécessite une compréhension de lecteur mature. Cela dit, et pour ce qui me concerne, j’ai partagé ces visions fragmentaires avec assez de bonheur, car il y a une vraie légèreté dans ce livre, évitant le côté sombre de l’âge tendre – quand il y a brutalité ou impossibilité de décrire les traumatismes relevant de situations extrêmes par exemple. Donc, ici pas de spectacle morbide. Pas de violence, sinon le passage de l’été ou d’un été à l’autre, pas de situations extrêmes hormis la rencontre d’une petite fille, soudainement, qui incarne le Grand Autre de tout petit garçon.

« Mon envers inséparable » - À propos de Nathalie Sarraute (par Nathalie de Courson)

Ecrit par Nathalie de Courson , le Jeudi, 17 Octobre 2019. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

« Quand vint la fin, le mardi 19 octobre 1999 au matin, elle se redressa sur son oreiller et déclara : C’est fini », dit Ann Jefferson dans le livre qu’elle consacre à Nathalie Sarraute (1). La biographe ne manque pas de relier ces dernières paroles au très beau texte qui ouvre le recueil L’Usage de la parole (1980), « Ich sterbe » (« je meurs » en allemand), où Sarraute élabore une rêverie poétique autour des deux mots qui furent lucidement prononcés par Tchekhov juste avant de mourir dans une ville balnéaire allemande.

Depuis des années, des mois, des jours, depuis toujours, c’était là, par derrière, mon envers inséparable… et voici que d’un seul coup, juste avec ces deux mots, dans un arrachement terrible tout entier je me retourne… Vous le voyez : mon envers est devenu mon endroit. Je suis ce que je devais être. Enfin tout est rentré dans l’ordre : Ich sterbe (2).

Un soleil en exil, Jean-François Samlong (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Mercredi, 16 Octobre 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Un soleil en exil, Jean-François Samlong, Gallimard, Coll. Continents noirs, août 2019, 256 pages, 19 €

 

Un soleil en exil est un titre qui donne déjà parfaitement la tonalité du nouveau roman de Jean-François Samlong, publié fin août 2019 dans la Collection Continents noirs chez Gallimard. Jean-François Samlong n’est pas historien. Il n’est pas non plus grand reporter. C’est un écrivain qui a conquis sa renommée en creusant l’histoire de son peuple. Ce roman relate la funeste trajectoire tragique de ceux que l’on a couramment nommés, avec un euphémisme équivoque : « Les Enfants de la Creuse ».

Le livre commence par un rapide rappel historique du contexte de L’île de la Réunion.

« 1945 : Une disette qui dégénère en famine. La gauche gagne les élections et elle envoie à l’assemblée constituante deux grandes personnalités du pays : Raymond Vergès et Léon de Lépervanche.

1946 : Après un vote à l’unanimité, La Réunion devient département français.

Et si Proust était un écrivain algérien ?, par Amin Zaoui

Ecrit par Amin Zaoui , le Mardi, 15 Octobre 2019. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Nous parcourons l’Algérie du nord au sud, de l’est à l’ouest, nous frappons aux portes de ses villes, les petites, les moyennes et les grandes, les côtières, celles de l’intérieur ou celles du désert, nul ne donne l’impression qu’effectivement ces cités ont connu dans leurs murs, un jour, un écrivain, un peintre, un musicien !

Les villes sont grandes par leur capital de symboles, et les écrivains sont un capital inépuisable. Nous visitons quelques-unes de ces villes, mais nul ne prouve qu’un Mohamed Dib est né à Tlemcen, que Tahar Ouettar est à Sedrata, que Abdelhamid Benhedouga est l’enfant d’El-Mansoura, que Kateb Yacine est né à Constantine, que Rachid Boudjedra est de Aïn Beïda, rien ne prouve que Moufdi Zakaria soit le créateur de l’hymne national, l’enfant de Taghardait ! Nos villes donnent le dos à leurs écrivains et à leurs artistes ! Tout ce qui relève de ces écrivains est effacé. Même leurs tombes sont perdues parmi celles des inconnus. Une ville sans mémoire n’est qu’un couloir exposé à un courant d’air !

Ce qui sauterait aux trois yeux d’un Martien fraîchement débarqué, Éric Pessan (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 14 Octobre 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Ce qui sauterait aux trois yeux d’un Martien fraîchement débarqué, Éric Pessan, éditions Lanskine, juin 2019, 56 pages, 13 €

 

Dénoncer

Avec le second volet de mes trois articles consacrés à des parutions récentes des éditions Lanskine, j’ai changé d’univers littéraire et je me suis trouvé dans une poésie plus engagée, plus en relation avec les problèmes (sociaux notamment) de notre monde contemporain, son injustice et sa dureté. Je ne décrirai pas les maux que dénoncent ces poèmes, mais j’essaierai de dire quelques mots cette fois-ci sur la fabrication des poèmes, et sur cela en quoi ils pointent du doigt la petitesse de nos existences d’homme. Le poème devient ainsi un lieu où être ensemble, pour montrer l’irrégularité de nos humeurs, nous qui sommes pris dans les rets d’une société d’aujourd’hui pleine de brutalités et d’inégalités. C’est une poésie de la banalité de nos tourments, devenue lieu de partage des hypocrisies ordinaires, d’une société ingrate, là où le monde ordinaire reste quand même une énigme. On ne sait pas pourquoi l’homme est si mauvais, pourquoi le monde est si mal fait, construit sur tant d’idées arbitraires, de partialité, de scélératesse.