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Les Chroniques

L’écrit naît de la cendre vivante de l’oralité (par Amin Zaoui)

Ecrit par Amin Zaoui , le Mardi, 26 Novembre 2019. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

La parole c’est le corps. Le corps parle toutes les langues du monde sans exception aucune.

Ma mère, H’lima Bent Abraham, dansait. Sa danse préférée, celle qu’elle perfectionnait par-dessus tout, s’appelait la danse de l’hmiyma, c’est-à-dire la danse de la petite pigeonne.

À cause de cette belle danse de la petite pigeonne, les gens du village ont décidé, un jour, d’élever les pigeons, de les laisser libres dans les ruelles et dans les champs adjacents et de ne pas les tuer.

Quand on exécute magnifiquement et poétiquement la danse de l’hmiyma, on n’est pas analphabète. La danse est la langue du corps dans toute sa rhétorique libre, libérée et universelle. Au moment de la transe-danse, les bras de ma mère, les paumes des mains coloriées au henné, bracelets kabyles d’argent no’qra, les tintements… se métamorphosaient en plumage festif d’un paon édénique.

Elle marchait en dansant, ma mère.

Pour personne, Cédric Demangeot (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 25 Novembre 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Pour personne, Cédric Demangeot, L’Atelier contemporain, août 2019, ill. Ena Lindenbaur, 128 pages, 20 €

 

Qui est le personnage ?

Aborder le livre de Cédric Demangeot se fait par étapes. Tout d’abord tenir et passer la couverture rigide qui enserre le livre, comme on le ferait d’un portail. Puis, en poursuivant, le lecteur accède à la première partie du texte en ayant parcouru les illustrations de l’ouvrage, calligraphies filées en réseaux et nœuds, de Ena Lindenbaur. Viendra en suite la seconde partie, écrite en italique sous forme de journal, du journal d’un héros insaisissable, ce jean personne désigné sans majuscules. Pour ma part, j’ai suivi le fractionnement, les coupures et ruptures allant des textes aux images en m’attachant particulièrement aux lignes du premier mouvement de l’opus. Car j’ai aimé suivre la quête de l’écrivain, quête d’un personnage, avec ces incertitudes entre le vrai écrivain, l’écrivain qui se fond dans un personnage, et le personnage lui-même vrai ou faux.

La Styx Croisières Cie (X) Octobre 2019 (par Michel Host)

Ecrit par Michel Host , le Mercredi, 20 Novembre 2019. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Ère Vincent Lambert, An I

Humain, citoyen le plus vulnérable, la République française, la médecine, la banque et la magistrature réunies, t’ayant baptisé Légume, te tueront.

 

« Une maison de paysans des environs de Varsovie. Plusieurs paysans sont assemblés. (…) La porte est enfoncée, Ubu pénètre suivi d’une légion de Grippe-sous ».

« Père Ubu : Qui de vous est le plus vieux ? (Un paysan s’avance) Comment te nommes-tu ?

Le paysan : Stanislas Leczinski.

Père Ubu : Eh bien, cornegidouille, écoute-moi bien, sinon ces messieurs te couperont les oneilles. Mais, vas-tu m’écouter enfin ?

Stanislas : Mais votre excellence n’a encore rien dit.

Père Ubu : Comment, je parle depuis une heure. Crois-tu que je vienne ici pour prêcher dans le désert ?

Des ailes suivi de Nocturne des statues, Patrice Maltaverne (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 19 Novembre 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Des ailes suivi de Nocturne des statues, Patrice Maltaverne, Z4 Editions, août 2019, 128 pages, 14 €

 

Le poète-éditeur (des éditions Le Citron Gare et du poézine Traction-Brabant) nous donne Des ailes dans le premier volet de cet opus publié chez Z4 dans la collection Les 4 saisons, dirigée par Pierre Lepère. Des ailes pour nous offrir un voyage au bout de la vie dans la dimension de l’actrice Dominique Laffin, décédée à l’âge de 33 ans, trop occultée aujourd’hui. Voyage au bout de la nuit : de la vie, tant cette actrice portait la vitalité à l’acmé de la perplexité véhémente. Les vers arythmonymes du poète Maltaverne, contrainte formelle en clin d’œil à la poésie d’Ivar Ch’Vavar (Pierre Ivart), forment le cadre de ces poèmes d’où l’Infini s’ébat à la fenêtre des mots, d’où le lecteur joue l’aventure mémorielle sur l’écran personnel des souvenirs (on demeure toujours nostalgique des films qui ont marqué le cinéma de notre vie) ou de l’imaginaire tiré par la manche pour prendre l’envol. Celui-ci est pris sans hésitation. Il suffit d’ailleurs de revoir l’un des entretiens avec l’actrice que nous offre encore de visionner Internet pour être aussitôt en phase avec le voyage que nous déroulent ici les mots de Patrice Maltaverne, embarqués sur les ailes d’un destin singulier, fatal.

Le Père, La Mère, Le Fils, Florian Zeller (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 19 Novembre 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Le Père, La Mère, Le Fils, Florian Zeller, Gallimard, octobre 2019, 240 pages, 16 €

 

Théâtre, topique du rêve

J’ai abordé la trilogie des pièces de Florian Zeller consacrées à la famille par ce qui en fait le centre du livre, c’est-à-dire le texte La Mère. J’ai procédé ainsi parce que j’ai moi-même écrit un texte sur la physionomie intime de la mère, et j’espérais être en résonance avec le sujet. Cependant, la comparaison s’arrête là car ce texte, à la fois naturaliste et onirique, faisant peut-être le saut du Songe de Strindberg jusqu’à la Hedda Gabler d’Ibsen, est très personnel à l’auteur. Il n’y aurait en commun que la crise à laquelle nous assistons. Crise qui se décrit comme une limite à la santé mentale de la mère, légèrement abusive avec son fils, et dont le psychisme semble marqué par des moments de perte de contrôle et de répétitions névrotiques.