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Les Chroniques

El Ninõ de Hollywood, Óscar & Juan José Martínez (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 01 Avril 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

El Ninõ de Hollywood, Óscar & Juan José Martínez, Métailié, février 2020, trad. Espagnol (Salvador), René Solis, 332 pages, 22 €

 

« Je voudrais pouvoir revenir en arrière, et pas aller avec la Mara…

Aux mioches, moi je leur dis, ne le faites pas, disait El Niño »

 

Miguel Ángel Tobar, celui qui fut d’abord El Payaso, Le Clown, puis El Niño de Hollywood, du nom de la branche de la Mara Salvatrucha 13 à laquelle il appartenait, les Hollywood Locos, dont il fut l’un des plus redoutables sicario, avant de devenir un misérable témoin protégé de l’État salvadorien, après avoir dénoncé un bon nombre de mareros, dont son pandillero, son chef, Chepe Furia. Chepe Furia, de son vrai nom José Antonio Terán, avait été dans les années 70 un policier de l’ultra brutale police d’État, la Garde Nationale de sinistre mémoire où il était alors connu sous le nom d’El Veneno, le Poison, ce n’est que bien plus tard qu’il reviendra au Salvador, sous le nom de Chepe Furia, membre de la Mara Salvatrucha 13.

Europe Odyssée, Jean-Philippe Cazier (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 30 Mars 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

Europe Odyssée, Jean-Philippe Cazier, éditions Lanskine, janvier 2020, 48 pages, 13 €

 

Chant choral des réfugiés

Écrire sur une action dramatique, voire sur une actualité brûlante et sans doute limitée dans le temps, sujette justement au sort de l’événementiel et de son traitement médiatique, représente une difficulté. Ici, traiter du parcours des réfugiés venus d’Asie ou d’Afrique jusqu’aux plages de Calais, ou pour être plus précis, vers tous les lieux de rétention, jungle ou autre colline au crack, ne cesse, ne se finit pas en sa propre description, sauf à trouver une langue qui ne tourne pas court, capable de suivre le temps à la fois ancestral et contemporain de la migration humaine. Ainsi, il est possible d’écrire le voyage et sa part brutale, où les langues justement, tiennent un rôle primordial. Cette expression, ce chant si l’on veut, est une supplique d’hommes qui pérégrinent, qui souffrent, sont incompris, et rejoignent en un sens le vaste langage, le « poème » tragique, le rang du chœur tragique de l’Antiquité d’Euripide ou de Sophocle. Europe Odyssée choisit le camp de l’odyssée, de l’Odyssée, de la rhapsodie, du récit des inconnus de la terre, des réprouvés, du monde épique et tragique des migrants en leur nouvelle définition sociale.

Féminisme et philosophie, Geneviève Fraisse (par Yasmina Mahdi)

, le Vendredi, 27 Mars 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Féminisme et philosophie, Geneviève Fraisse, Folio Essais janvier 2020, 366 pages, 8 €

 

Identification du féminin

La philosophe Geneviève Fraisse introduit son ouvrage Féminisme et philosophie sous l’angle de l’épistémologie, pour mener une longue étude critique autour de concepts ancrés de façon conventionnelle, dans le trope (par exemple, sensible égal féminin, la catachrèse de « l’éternel féminin »), et la doxa misogyne de la pensée hétérocentrée. Elle écrit que « le politique et l’économique se croisent dans l’espace capitaliste au travers des corps sexués ». « Le corps des femmes » est le sujet/objet de la propagande de l’image et de l’écrit. Ce corps-sujet ne s’avance pas masqué, il surgit d’emblée sans équivoque, offert aux regards (dans le cinéma, les arts visuels), édifié selon les canons esthétiques de l’hétérosexualité dominante. La philosophe compare les situations historiques, à la recherche des impensés de la société, afin de se « défaire [des] pratiques autoritaires (…) du mandarinat » et du savoir institutionnalisé. Tout d’abord, Geneviève Fraisse se définit comme une « colporteuse », quelqu’un qui transporte des marchandises, les échange ou les vend, profession de vendeurs et vendeuses ambulantes, très pauvres, menacés de mort au 18e siècle pour celles et ceux qui diffusaient de la presse clandestine.

Tout homme est une nuit, Lydie Salvayre (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Jeudi, 26 Mars 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Tout homme est une nuit, Lydie Salvayre, Seuil, 2017, 256 pages, 18,50 €

 

Le roman de Lydie Salvayre, Tout homme est une nuit, commence par cette injonction rédhibitoire que le héros énonce : « Plus jamais !… Je n’y remettrai plus jamais les pieds ! ». Le récit peut alors commencer.

Un homme encore jeune apprend qu’il est atteint d’un cancer et qu’il risque de mourir. Dans un mouvement soudain et non prémédité, il décide de quitter son travail de professeur de français, sa vie de petit bourgeois, ses amis, son amour qui tangue, pour se réfugier dans un banal village du sud-est où il sera inconnu de tous. Il pense pouvoir « trouver le repos » et « convertir le désespoir… en œuvre littéraire ».

Mais à aucun moment, il ne peut imaginer que sa venue dans ce lieu va déclencher une foutue tempête chez les habitants.

Le chagrin d’aimer, Geneviève Brisac (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 20 Mars 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Le chagrin d’aimer, Geneviève Brisac, Grasset, février 2018, 162 pages, 16 €

 

Dans Le chagrin d’aimer, Geneviève Brisac explore, avec finesse mais sans concession, les relations qu’elle a entretenues avec une mère équivoque et fantasque. On déroule les pages, comme on tournerait celles d’un album de famille.

Cet ouvrage met en lumière à quel point les rapports mère-fille sont très souvent d’une surprenante complexité. Ils oscillent fréquemment entre amour inconditionnel et rejet, entre agacement et attendrissement, entre exaspération et patience, entre fierté et honte, entre douceur et violence, entre rapprochement et abandon. Ce sont tous ces sentiments irrationnels que Geneviève Brisac sonde en se fiant à l’éclosion de sa mémoire, depuis son enfance jusqu’à la mort de sa mère.

Dans ce récit, Geneviève Brisac ne cherche nullement à nous égarer dans de longues digressions. Poussée par l’urgence du dire, elle nous plonge au cœur de ses émotions. Pour aller à l’essentiel, elle utilise une écriture sèche et nerveuse, ne se privant ni d’une langue triviale, parfois crue, ni d’une ironie cinglante.