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Les Chroniques

Une histoire de sang contaminé, Les disparus des années écarlates, Méda Seddik (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Mercredi, 04 Décembre 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Une histoire de sang contaminé, Les disparus des années écarlates, Méda Seddik, Les impliqués Editeur, septembre 2019, 212 pages, 20 €

 

Dès le prologue, le narrateur nous met la puce à l’oreille. C’est un matin ordinaire. Il est très tôt. Son radioréveil diffuse « une chanson de Marc Lavoine, Paris, qui me procurait une émotion mêlée à de la nostalgie ». Alors qu’il sort lentement de son sommeil, il entend à la radio qu’il est question de la distribution des produits sanguins contaminés dans le monde, principalement dans les pays du Sud, les plus pauvres bien entendu. Tout le monde médical et politique est en alerte. Il est très en colère, lui qui a été amené par les hasards de ses nominations à connaître tous les ravages de cette sombre affaire. Il a côtoyé de trop près des malades hémophiles, particulièrement des jeunes qui n’ont pas survécu à cette tragédie de l’apparition du sida, pour ne pas être révulsé par la méconnaissance de tous les intervenants qui s’emparent du sujet. « Mon exaspération était à son comble… Une boule au ventre me tenaillait depuis mon lever. Une envie de révolte, de cris, de soulagement ! ».

Observations sur la peinture, Pierre Bonnard (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 03 Décembre 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Observations sur la peinture, Pierre Bonnard, L’Atelier contemporain, octobre 2019, 72 pages, 15 €

 

La question de la lumière

Parcourir les Observations sur la peinture de Pierre Bonnard, revient à entrer dans le secret de la peinture. Et ce secret, c’est la lumière. Car plus encore que la question du maigre et du gras, c’est la lutte entre l’ombre et la lumière qui intéresse le débat intérieur du peintre. Du reste, il faut souligner que les aphorismes, qui sont une ressource d’un intérêt majeur pour comprendre l’œuvre de Bonnard et plus généralement pour l’activité créatrice, sont consignés ici dans un carnet de dessins lesquels suivent, on l’imagine, le temps de la vie de l’artiste qui dessine ou écrit sur de petites surfaces d’agenda, fort sobres d’ailleurs. Je dirais aussi que ces courtes notes s’apparentent formellement aux fameux fragments d’Héraclite, lesquels sont eux aussi une collecte à travers l’épaisseur du temps, comme ici pour Bonnard, ces notules extraites de petits carnets, réflexions sans vraiment d’ordre, mais éminemment pertinentes. Quant à la compréhension des citations, il faut réfléchir à ce qu’est l’action énigmatique de créer, accompagnée par un peintre.

Une pensée philosophique ou L’œuvre de Michel Guérin (2) (par Pierre Windecker)

Ecrit par Pierre Windecker , le Vendredi, 29 Novembre 2019. , dans Les Chroniques, La Une CED

André Leroi-Gourhan, L’évolution ou la liberté contrainte, Michel Guérin, Hermann, juillet 2019, 206 pages, 25 €

A l’occasion de la parution de « André Leroi-Gourhan, L’évolution ou la liberté contrainte »

J’ai essayé de présenter au début de cette chronique l’œuvre de Michel Guérin dans son ampleur et sa diversité. Cela se justifiait d’un présupposé qu’il faut maintenant lever : celui de son unité – l’unité d’une pensée originale, qui s’atteste jusque dans un style, une écriture (1).

L’unité d’une œuvre aussi variée suppose qu’une navigation au centre ordonne, équilibre et, finalement, encourage la navigation dans les périphéries. Inutile de la chercher loin. Michel Guérin la présente lui-même (sur son site internet par exemple) sous la forme d’une cartographie simple et claire : d’un côté, il y a des ouvrages de philosophie, rassemblés à l’enseigne d’une Figurologie, de l’autre des essais esthétiques ou critiques, ainsi que des textes de fiction, désignés comme Figurologiques.

Le manuscrit de Tchernobyl, Nunzio d’Annibale (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 28 Novembre 2019. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie, Les Vanneaux

Le manuscrit de Tchernobyl, Nunzio d’Annibale, Éditions des Vanneaux, 2019, 133 pages, 18 €

 

Le manuscrit de Tchernobyl est un appel d’air lancé dans le contexte d’une catastrophe nucléaire, dans le vide de la tchatche technologique et de la vacuité du siècle, et s’annonce comme tel au cœur du langage contaminé par une telle situation :

« Je voulè parlé – non pa dan l’izabell langue de mon siècle – mai

dan la seul langue vivante ; je voulè parlé mon tchernobylien –

otremen di, ma propre langue de toul’ monde, à base de koncentré

de ju de françè, assaisoné d’équivoke, contaminé de toute lè langue ».

Son auteur nous invite à faire « enkor un enfor si vou voulé zêtre tchernobymien ! ». Cette invocation n’est ni un caprice ni un canular, il s’agit bien de rendre compte de notre langue « moeurte, la lang kontaminé par tou lè nuage de Tchernobyl é d’ayeur ».

L’écrit naît de la cendre vivante de l’oralité (par Amin Zaoui)

Ecrit par Amin Zaoui , le Mardi, 26 Novembre 2019. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

La parole c’est le corps. Le corps parle toutes les langues du monde sans exception aucune.

Ma mère, H’lima Bent Abraham, dansait. Sa danse préférée, celle qu’elle perfectionnait par-dessus tout, s’appelait la danse de l’hmiyma, c’est-à-dire la danse de la petite pigeonne.

À cause de cette belle danse de la petite pigeonne, les gens du village ont décidé, un jour, d’élever les pigeons, de les laisser libres dans les ruelles et dans les champs adjacents et de ne pas les tuer.

Quand on exécute magnifiquement et poétiquement la danse de l’hmiyma, on n’est pas analphabète. La danse est la langue du corps dans toute sa rhétorique libre, libérée et universelle. Au moment de la transe-danse, les bras de ma mère, les paumes des mains coloriées au henné, bracelets kabyles d’argent no’qra, les tintements… se métamorphosaient en plumage festif d’un paon édénique.

Elle marchait en dansant, ma mère.